L’odyssée onirique de Lu Yang à la Fondation Louis Vuitton
Pendant qu’elle consacre une rétrospective historique au peintre américain Ellsworth Kelly, la Fondation Louis Vuitton dévoile ce printemps le dernier film de l’artiste chinois Lu Yang, une odyssée onirique et philosophique en 3D à la croisée des mondes réel et virtuel.
Par Matthieu Jacquet.
Au dernier étage de la Fondation Louis Vuitton, Lu Yang invite à une dystopie en 3D
Bianca Bondi et son puits de solutions salines colorées, Özgür Kar et son squelette endormi, Alex Ayed et son antenne radio connectée à son bateau… Depuis la création du programme Open Space en 2018, les galeries de la Fondation Louis Vuitton ne cessent de se transformer au gré des invitations accordées à de jeunes artistes contemporains en vue, qui produisent avec l’institution parisienne des projets inédits et ambitieux. Alors que le musée inaugure ce printemps une rétrospective historique du peintre américain Ellsworth Kelly ainsi qu’une exposition dédiée à L’Atelier rouge, chef-d’œuvre d’Henri Matisse, il accueille dans l’une des salles du dernier étage une proposition de l’artiste chinois Lu Yang : un film de près de quarante minutes, intégralement réalisé en 3D.
Derrière ces métamorphoses émerge un fantasme : celui d’être le héros de sa propre vie…
Projetée sur un large écran LED, l’œuvre nous immerge dans une odyssée aux airs de jeu vidéo d’aventures où l’on traverse différents tableaux : le pont d’un paquebot au coucher du soleil, une falaise rocailleuse en plein cœur d’une tempête, une oasis volant dans le ciel ou encore une reproduction miniature du Colisée… Autant de décors plus ou moins réalistes dont l’enchaînement compose une narration nébuleuse, indéniablement onirique. Pour parfaire cette plongée dans son subconscient, Lu Yang s’y incarne en plusieurs avatars façonnés d’après son corps et ses expressions faciales. Derrière ces métamorphoses émerge un fantasme : celui d’être le héros de sa propre vie, un héros capable de maîtriser tout élément et situation qu’il croise sur sa route.
Cela fait bientôt cinq ans que le vidéaste, formé à la création multimédia et au développement numérique, construit cet univers foisonnant pour y faire exister ces différentes versions de lui-même. Baptisé Doku, d’après la phrase “Dokusho dokushi” qui signifie “Nous naissons seuls, nous mourons seuls”, ce projet de film au long cours – dont il dévoile ici le deuxième volet – se fait la traduction virtuelle de questionnements métaphysiques et philosophiques : comment se situer aujourd’hui dans le monde, à l’intersection des croyances et des sciences, soumis au poids de l’histoire autant qu’à l’imprévisibilité des découvertes? Une quête existentielle qui passe par une rencontre étonnante entre l’urbain, le naturel et le surnaturel, mais aussi entre les obsessions éclectiques de Lu Yang : le bouddhisme – dont il se revendique –, la biotechnologie, le transhumanisme, l’art du manga ou encore les rites indonésiens…
Si l’on pouvait découvrir un échantillon de ce travail à la Biennale de Venise en 2022, ou encore au Centre Pompidou-Metz (2023), l’œuvre de l’artiste a encore été assez peu montrée en Europe et en France. Une lacune à laquelle la Fondation Louis Vuitton souhaite remédier, comme l’explique Ludovic Delalande, commissaire de son exposition : “Avec des outils très actuels, il arrive à traiter de sujets humains fondamentaux qui mobilisent des sciences et des découvertes très récentes autant qu’une spiritualité séculaire. Un syncrétisme dont résulte une œuvre unique, à la fois très vivante, colorée et profonde.”
“Open Space #14 Lu Yang”, exposition jusqu’au 9 septembre 2024 à la Fondation Louis Vuitton, Paris 16e.