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L’artiste Mimosa Echard remporte le 22e prix Marcel Duchamp
Ce lundi 17 octobre, l’ADIAF dévoilait le nom du 22e artiste lauréat du prix Marcel Duchamp. Cette année, celui-ci revient à la trentenaire Mimosa Echard, dont la pratique pluridisciplinaire – sculpture, photographie, vidéo – matérialise la relation ultra-sensible au corps et la nature, autant qu’aux images de la culture de masse et aux vestiges de notre société consumériste. Son installation étonnante, aussi liquide qu’organique, est à découvrir jusqu’au 2 janvier 2023 au Centre Pompidou, aux côtés des projets des trois autres finalistes.
Par Matthieu Jacquet.
C’est désormais la tradition qui ouvre le bal de la semaine de l’art à Paris. Ce lundi 17 octobre au soir, au premier étage du Centre Pompidou, le président de l’Association pour la diffusion internationale de l’art français (ADIAF), Claude Bonnin, réunissait les artistes, la presse et les professionnels du monde de l’art pour dévoiler l’identité du nouveau lauréat du prix Marcel Duchamp. Depuis sa création par l’ADIAF en 2000, ce dernier récompense chaque année un artiste français ou résidant en France dont la pratique plastique et visuelle s’ancre dans les enjeux de son époque. Après avoir consacré Lili Reynaud-Dewar l’an passé et Kapwani Kiwanga en 2020, mais aussi des artistes comme Clément Cogitore, Dominique Gonzalez-Foerster et Cyprien Gaillard (qui inaugure cette semaine une double exposition au Palais de Tokyo et à Lafayette Anticipations), le jury international a tranché en décernant le prix à Mimosa Echard, nommée aux côtés des trois autres finalistes de cette édition : Iván Argote, Giulia Andreani et Philippe Decrauzat. Exposée comme ses trois homologues au Centre Pompidou, au sein de la traditionnelle exposition des quatre nommés au prix, la gagnante recevra de surcroît la somme de 35 000 euros.
Installée en région parisienne, Mimosa Echard développe une pratique pluridisciplinaire inclassable mêlant aussi bien la photographie que le textile, en passant par la vidéo et la céramique. Souvent présentées au sein d’installations, ses œuvres, qu’il s’agisse de sculptures molles en tissu teint, rideaux de perles lumineux ou autres écosystèmes encapsulés sous Plexiglas, matérialisent la sensibilité marquée de de l’artiste de 36 ans pour le corps et la nature, mais aussi les images de la culture de masse et vestiges de notre société consumériste. Le lieu de naissance de la plasticienne, une communauté néo-hippie des Cévennes dans laquelle elle a grandi, imprègne encore aujourd’hui sa démarche, où elle semble opérer telle une guérisseuse ou une magicienne passionnée par les plantes et leurs bienfaits autant que les micro-organismes qui composent notre environnement. Aujourd’hui, ses toiles monumentales composées d’assemblages d’images de corps, de babioles en plastique – élastiques pour cheveux, câbles colorés, strass en forme d’étoiles –, et de couches de tissus translucides autant que ses films mêlant found footage vintage, prises de vue en DV et jeux de couleurs et de lumières traduisent une même volonté de fondre les éléments entre eux pour donner à la matière tangible comme à l’image un aspect liquide et organique.
Depuis ses études en design graphique et à l’École nationale des arts décoratifs durant les années 2000, Mimosa Echard a fait du chemin. Ces dernières années, ses œuvres ont été présentées aussi bien à la Collection Lambert qu’au musée d’Art moderne de Paris ou encore par la galerie Chantal Crousel, qui la représente. Il y a à peine un mois, on pouvait encore visiter son exposition personnelle au Palais de Tokyo dans laquelle elle réunissait plusieurs sculptures ainsi qu’un film sous la forme d’un jeu vidéo immersif projeté sur une immense mosaïque textile. Pour articuler tout cet ensemble et construire la narration visuelle de son projet inédit, l’artiste s’était inspirée du cycle de vie d’un organisme proche d’un champignon, le myxomycète.
Au Centre Pompidou, Mimosa Echard présente jusqu’au 2 janvier 2023 une installation in situ complètement différente de sa précédente. Cette fois-ci, la plupart des pièces qui composent son nouveau projet se trouvent réunies dans une salle à laquelle on ne pourra jamais accéder : encastré dans l’une des cloisons de l’espace dédié à l’artiste française, un large rideau d’eau obstrue le passage du visiteur autant qu’il dissimule partiellement les éléments réunis de l’autre côté de cette paroi. À travers ses chutes incessantes qui troublent inévitablement la vue du public, on aperçoit quelques tonalités pourpres d’images accrochées dans le fond – dont on ne discernera ni les formes, ni les sujets –, tandis que des corps féminins dénudés semblent s’animer avec sensualité sur un écran vidéo et d’autres images clignotent sur un téléviseur. Agrémentée de quelques morceaux de tissus, bacs en plastique et autres boules pastel, l’installation de Mimosa Echard se présente aussi bien comme une méditation sur la notion de flux et sa pluralité d’usages qu’une mise en abîme de l’art lui-même et de la position du regardeur. Car le confronter à l’impossibilité de percevoir tout ce qui se trouve devant lui ne serait-il pas la garantie de provoquer chez lui une réaction active ?
L’installation de Mimosa Echard est à découvrir dans l’exposition des quatre finalistes du prix Marcel Duchamp 2022, jusqu’au 2 janvier 2023 au Centre Pompidou, Paris 4e.