17 juin 2021

L’artiste Felipe Pantone imagine une Alpine A110 exceptionnelle

Pour la première fois de son histoire, la marque Alpine fait appel à un artiste pour revisiter l’un de ses modèles automobiles. Inspiré par l’art optique et le street art, Felipe Pantone peint l’intégralité de l’A110 d’un motif coloré et graphique évoquant la vitesse et l’aérodynamisme. Produit en seulement quatre exemplaires, ce coupé sport deux places a été dévoilé lors du dernier Grand Prix de Formule 1 de Monaco le 21 mai dernier.

Texte par Matthieu Jacquet.

Photos et vidéo par Philippe Fragnière.

Montage et retouche par Hugo Sibut-Pinote.

À l’occasion du Grand Prix F1 de Monaco, Alpine, seule marque française exclusivement dédiée à la voiture de sport, dévoilait le 21 mai dernier une collaboration détonante avec l’artiste Felipe Pantone, invité à habiller intégralement l’un de ses modèles : l’Alpine A110S. Un défi qui a particulièrement intéressé ce trentenaire argentin, à présent installé en Espagne. Fort d’une œuvre située entre le street artist anonyme Banksy et le peintre hongrois Victor Vasarely, dont il se réclame sans hésitation, Felipe Pantone n’a jamais eu peur d’investir des supports inhabituels. Dès l’âge de douze ans, il fait ses armes en couvrant de ses peintures les murs de Buenos Aires, rompu à la vitesse de production requise par l’art urbain. Lorsque le jeune homme arrive à l’âge adulte et commence à étudier les beaux-arts dans le circuit traditionnel, le graffiti devient le noyau de sa pratique: “son impermanence, sa rapidité, son omniprésence et son ubiquïté ont fini par constituer mon propre discours”, explique-t-il.

 

D’une aile d’avion au tourbillon d’une montre, Felipe Pantone déploie désormais sa peinture abstraite partout, habitué aux grandes variations d’échelle, et pousse la couleur dans ses retranchements en l’exaltant au sein de ses dégradés et de ses motifs graphiques. Proches du street art mais également de l’op art et de l’art cinétique, ses œuvres jouent sur la perception du spectateur et perturbent sa compréhension des techniques. Exploitant un vocabulaire visuel post-Internet, elles déroutent par leur précision et leur homogénéité ceux qui s’imaginent devant des peintures générées sur Photoshop : si l’on croit y voir des dégradés et spectres chromatiques numériques, les pièces, en vérité, sont le plus souvent peintes de la main même de leur auteur, qui rappelle ainsi avec malice que ces formes et ces couleurs existaient bien avant l’avènement d’Internet, tout en jouant délibérément avec cette ambiguïté.

Inspiré par l’élégance du design et les qualités dynamiques de l’A110, l’artiste a mûri, dans le secret de son esprit, sa propre interprétation de la voiture. L’ampleur de la surface à investir ici l’a améné à se donner de nouveaux objectifs : “compléter le design original de la voiture en rendant son apparence encore plus dynamique et plus rapide, uniquement grâce aux couleurs et aux formes.” Désormais, sur la carrosserie noire de l’Alpine A110S, des dizaines de rectangles aux teintes dégradées se découpent pour former une sorte de nuancier de couleurs qui s’étend sur les ailes arrière comme des traînées de lumière, et qui évoque même, sur le capot, les colonnes mouvantes d’un égaliseur de musique. Parmi ces compositions graphiques, on discerne également des damiers ondulatoires, des traînées noires et blanches et des flèches colorées, illustrations visuelles de la vitesse et de l’aérodynamisme. De ce tableau vibrant, trois couleurs principales émergent : bleu, blanc et rouge, tel un hommage à l’unique coupé sport deux places fabriqué en France.

Magie de l’art… là où l’on croit voir une myriade de pixels imprimée sur autocollants, chaque rectangle a, en réalité, été soigneusement peint à la main pendant environ un mois, bombé et laqué à maintes reprises par l’artiste et son équipe afin d’obtenir cette surface aussi lisse qu’homogène. L’Argentin n’hésite pas à justifier cette attention portée au détail en citant l’un de ses artistes favoris, Carlos Cruz Diez : “Les défauts ôtent aux effets”, avait rappelé un jour le peintre vénézuélien, révélant ainsi son propre amour de la précision dont ses œuvres se font toujours l’écho. Prolongeant cette approche artistique d’ensemble, Felipe Pantone étend sa vision jusqu’à l’intérieur des roues de l’A110 et décline les étriers de frein en deux couleurs différentes : bleus à l’avant et rouges à l’arrière. “Tout est possible, déclare le trentenaire avec optimisme. Il suffit juste de prendre le temps de s’asseoir et de réfléchir.”

 

Produite en quatre exemplaires dont trois sont disponibles à la vente, tous peints à la main par l’artiste et son équipe, cette œuvre automobile rappelle à Felipe Pantone son passé d’artiste urbain tout en lui offrant un champ d’expression colossal et inédit. Plutôt qu’une toile figée, enfermée entre les murs d’une galerie ou d’un musée, la voiture est en effet caractérisée par son mouvement et sa présence dans l’espace public, accessible aux yeux de tous. Incarnation de l’audace d’Alpine, ces modèles uniques offriront donc à tout collectionneur la satisfaction de posséder à la fois une icône automobile et… une œuvre d’art.