Focus : l’incroyable installation chamanique de Bianca Bondi à Lafayette Anticipations
Présentée jusqu’au 7 mai 2023 à Lafayette Anticipations au sein de l’exposition “Au-delà”, l’œuvre de Bianca Bondi célèbre l’entrée dans la période estivale avec talismans, sels et lait maternel.
Introduction par Matthieu Jacquet.
Conclusion par Sarah Matia Pasqualetti Douglas Irvine.
En 1911, le peintre Vassily Kandinsky publie son essai Du spirituel dans l’art, dont le titre résume une idée claire : pour se renouveler, l’art gagne à emprunter le chemin du spirituel. Par la suite, nombreux sont les artistes qui ont poursuivi cette démarche, souvent par le biais du rituel, sortant des carcans du rationnel pour trouver les clés qui permettront de mieux appréhender le réel. L’exposition collective “Au-delà. Rituels pour un monde nouveau”, présentée jusqu’au 7 mai 2023 à Lafayette Anticipations est irriguée par cette réflexion. Loin de développer une approche chronologique ou scientifique de son sujet, sa commissaire Agnes Gryczkowska réunit dans l’espace fondation parisienne une trentaine d’œuvres réalisées à des époques diverses – de 2700 avant J.C. à aujourd’hui – et dans de nombreux médiums – du textile et la peinture à la vidéo et au son… – pour montrer la manière dont la spiritualité a pu façonner l’art. Parmi cette sélection purement subjective, chaque œuvre explore à sa manière le domaine du sacré et propose autant d’outils pour mieux comprendre l’environnement qui nous entoure qui s’avèrent, même des siècles plus tard, plus pertinents que jamais à l’heure d’une époque incertaine saturée par l’information et d’un déclin du mysticisme, contré timidement par l’émergence d’une foi nouvelle dans le domaine de l’occulte.
Au centre de l’espace de Lafayette Anticipations, cinq grands mâts en bois noir surmontés chacun d’un quartz lumineux cernent un chemin tracé dans un bassin de sel blanc. Alors que le placement de ces sculptures dessine vu d’en haut les pointes d’un pentagramme, les cercles concentriques se révélant sur le sol salin écrivent au sol un langage visuel cryptique. Dans cette installation in situ, Bianca Bondi célèbre l’entrée dans la période estivale par l’apparition, entre autres, de ces motifs talismaniques. La jeune artiste sud-africaine le rappelle elle-même : tous les rites charrient avec eux un ensemble de formes qui deviennent, entre les mains de ses pratiquants, des symboles dont le sens reste souvent énigmatique. Au sein de l’exposition, plusieurs de ces éléments chargées de sens apparaissent d’une œuvre à l’autre, guidant le spectateur à la manière de boussoles.
Bianca Bondi pratique la magie à partir d’une considération de l’énergie cosmique présente dans chaque personne et chaque chose. Son cadre magique de référence est celui de la Wicca, une des principales formes de néopaganisme, qui promeut le culte de la terre et de la Nature et se revendique art de vivre en harmonie avec son environnement. L’artiste choisit les matériaux et les objets qui composent ses œuvres en fonction de leur énergie et de leur puissance symbolique, en essayant de l’activer ou de la canaliser pour des installations spécifiques, qu’elle conçoit pour la plupart in situ. Elle s’intéresse aux objets qui ont une histoire, une vie antérieure, et qui nécessitent donc d’être purifiés avant leur utilisation. Ainsi, Bianca Bondi effectue des rituels pour nettoyer leur aura en faisant passer les objets à travers les quatre éléments, soit matériellement (par exemple avec le feu des bougies ou l’eau des larmes), soit mentalement (un exercice qui demande un effort très intense de visualisation et de méditation).
Une autre technique de purification utilisée par l’artiste est celle du nettoyage par l’eau salée. Le sel opère d’une façon bien particulière : il enlève les bactéries en même temps qu’il éloigne les mauvais esprits. Les propriétés antibactériennes du sel agissent tant sur le plan matériel – car ce désinfectant naturel absorbe les toxines – que sur le plan symbolique, en nettoyant les lieux des mauvaises énergies spirituelles. Avec un seul et même procédé, on peut donc purifier un objet tant du point de vue chimique que du point de vue de sa dimension auratique.
“Au-delà. Rituels pour un nouveau monde”, du 15 février au 7 mai 2023 à Lafayette Anticipations, Paris 4e.