9 déc 2025

Charli xcx, Rosalía… En 2025, les chanteuses ont vu la pop en grand

En 2025, de nombreuses chanteuses ont challengé la pop pour la rendre plus virtuose, lyrique, démesurée et mystique. Retour sur les tours de force sonores inspirants de Rosalía, Charli xcx et FKA twigs.

  • par Violaine Schütz.

  • Chéri, j’ai agrandi la pop !” En 2025, les chanteuses issues des musiques populaires semblent s’être données le mot. Leur volonté ? Proposer des chansons ambitieuses et virtuoses, loin des canons hédonistes et superficiels de la pop.

    Ainsi, en novembre 2025, l’auteure-compositrice-interprète, musicienne et productrice espagnole Rosalía nous éblouissait avec l’album Lux, une messe de chœurs, de cordes et de cuivres d’une ambition folle. Chantée en treize langues, cette symphonie baroque s’inspirait de la musique classique et de l’opéra, mais aussi du flamenco et du fado.

    La virtuosité inspirante de Rosalía

    Composé de dix-huit titres et de quatre mouvements, le disque de Rosalía a été enregistré avec l’orchestre symphonique de Londres et la star est entourée de l’iconique Björk, d’Yves Tumor, d’Estrella Morente, figure du flamenco ou encore de la chanteuse espagnole Silvia Pérez Cruz. Sans oublier l’intervention de Guy-Manuel de Homem Christo, l’ex-moitié des Daft Punk, qui a produit le morceau Reliquia.

    Résultat ? La musique religieuse (des odes à des figures de Saintes), lyrique et virtuose Lux s’éloigne totalement de la pop pour proposer des sonorités singulières à mille lieues des tubes d’inspiration reggaeton plus évidents de la chanteuse. La presse salue d’ailleurs cette bravoure créative. Libération écrit par exemple à propos du disque : “Beaucoup d’auditeurs ont rapporté l’impression, à la découverte de Berghain, le premier extrait de Lux, de s’être senti transpercés de part en part par un éclair projeté du ciel. A raison. Propulsée prestissimo tel un bolide orffo-vivaldien, Berghain est une folie opératique survoltée hors de tous les canons de la pop à l’ère de Spotify et YouTube et même du corset de la musique d’ordinateur, sans tempo fixe, qui sort de route plus souvent qu’un mouvement de symphonie tardive de Mahler jusqu’à un épilogue indécent au pinacle d’un dramatisme ahurissant.”

    La techno expérimentale de FKA twigs

    De son côté, l’auteure-compositrice-interprète, productrice et danseuse britannique FKA twigs a publié deux albums cette année, Eusexua et Eusexua Afterglow, nourris par des expériences techno vécues en club underground à Prague. Et en plus d’expérimenter en termes d’avant-pop, de pop et de techno, elle mettait au point tout un concept se distillant aussi au sein de l’esthétique des projets, de ses clips et de ses lives. “Eusexua est une pratique. Eusexua est un état d’esprit. C’est l’apogée de l’expérience humaine.”

    L’univers de la chanteuse a encore été loué par la plupart des médias, notamment par Télérama, qui décrit ainsi son monde fait de mutations : “S‘immiscer dans le monde sonore de FKA Twigs, c’est accepter son lot de bizarrerie, d’étrangeté et d’inconnues. Depuis son patronyme, cryptique, jusqu’à la forme de ses chansons, son mélange des genres (musique, danse, arts visuels), elle œuvre depuis toujours entre snobisme, audace et avant-garde artistique.”

    La symphonie gothique de Charli xcx

    Autre aventurière du son à avoir étonné en 2025 ? La Brat girl Charli xcx, qui s’est éloignée des clubs vert néon de son précédent album pour lorgner vers la musique gothique, industrielle et symphonique avec son single House. L’extrait de la BO du film Hurlevent (2026), mettant en scène Margot Robbie et Jacob Elordi, s’offre même un invité classieux : John Cale, échappé du Velvet Underground. Dans un autre titre extrait de la bande originale du film, Chains of Love, elle lorgne du côté des mélopées lyriques et romantiques de la diva mystique Kate Bush.

    Charli xcx déclare d’ailleurs que cette BO, intitulée Wuthering Heights (disponible en février 2026), sera un disque “cru, sauvage, sexuel, gothique, britannique, torturé et composé de véritables phrases, ponctuation et grammaire.” Quitte à perdre les fans des euphorisants 360 et Apple ?

    Des liens entre Taylor Swift et Sylvia Plath ?

    À un moindre niveau, certaines productions des derniers albums d’Ethel Cain, Aya Nakamura et Addison Rae étaient marquées par des audaces sonores. D’un autre côté, les chanteuses Sabrina Carpenter, Lady Gaga, Tate McRae et Taylor Swift ont proposé une pop plus classique, mais ce n’est pas pour autant qu’elle est moins louable. Il ne faut en effet pas dénigrer la pop commerciale comme l’insinuait Addison Rae en portant un tee-shirt Hating pop music doesn’t make you deep, sous prétexte qu’elle serait moins honorable que celle qui puise dans les orchestrations ou les expérimentations.

    Certains critiques musicaux ont aussi insinué que si l’album de Taylor Swift The Life of a Showgirl (2025) était moins bon que ses précédents, c’était à cause de son bonheur en amour. La chanteuse aurait été meilleure pour écrire des paroles de chansons lorsqu’elle était malheureuse à cause d’idylles décevantes. Un argument sexiste qui rejoint les nombreux préjugés auxquels sont soumises les pop stars féminines depuis les années 2000 (on se souvient des jugements destructeurs sur Britney Spears lus dans la presse). Heureusement, en 2025, un livre signé de l’auteure américaine Maggie Nelson tisse des ponts entre la chanteuse et parolière talentueuse de Shake it off et la poétesse Sylvia Plath. De quoi recentrer le débat…

    Quand les chanteuses challengent la pop

    Dans un article intitulé “The realities of being a pop star“ posté sur sa page Substack, Charli xcx rappelle ces tristes réalités. La chanteuse britannique évoque le fait qu’on qualifie un sex-symbol de « p*te« , une anarchiste de “p*tain de droguée« , tandis qu’on voit souvent une femme intelligente comme quelqu’un de “prétentieux et n’ayant rien dit d’intéressant.” Elle ajoute : « Tout part peut-être du fait que la société patriarcale dans laquelle malheureusement, nous vivons nous a tous lavé le cerveau. (…) Nous sommes tous formés à détester les femmes, à nous haïr nous-mêmes et à être en colère contre les femmes qui sortent de la jolie petite boîte dans laquelle la perception du public les a mises.”

    Une façon de lutter contre les algorithmes

    On peut d’ailleurs voir le désir de certaines pop star à se hisser dans d’autres sphères que la pop (Charli xcx signera deux BO de films en 2026, Hurlevent et Mother Mary) comme une réponse à la façon dont l’industrie et le public perçoivent parfois les stars féminines de la pop. On leur en demande tellement qu’elles doivent toujours en faire plus.

    Mais on peut aussi voir cette volonté d’imaginer des contrées moins formatées comme un réflexe de survie – voire un antidote – face à la montée des algorithmes, de l’IA et des canons de TikTok et des plateformes de streaming. Lors d’une interview accordée au podcast musical du New York Times, Rosalía avouait qu’elle avait été exigeante envers son public avec Lux, expliquant : “Plus nous vivons à l’ère de la dopamine, plus je souhaite l’inverse.

    Lux (2025) de Rosalía, disponible. Eusexua (2025) de FKA twigs, disponible. Wuthering Heights de Charli xcx, disponible le 13 février 2026.