5 nov 2025

Comment The Cure a marqué la pop culture, de Tim Burton à Billie Eilish

Icônes du romantisme noir, les membres de The Cure ont redéfini le rock en transformant la mélancolie en véritable signature esthétique. Avant que le groupe ne s’empare de la scène principale du festival Rock en Seine 2026, Numéro décrypte l’univers de la bande de Robert Smith et son influence durable sur l’imaginaire collectif, de Billie Eilish à The 1975 en passant par MGMT.

  • par Alexis Thibault.

  • The Cure débarque au festival Rock en Seine et au cinéma

    Lorsque le punk exprime une rage incendiaire et radicale, le chanteur anglais Robert Smith choisit plutôt de rendre sa poésie au désespoir. Accords suspendus, guitares liquides, voix fêlée… En 1978 surgit The Cure, groupe de rock et de new wave britannique qui décortique les ténèbres pour en révéler la part la plus sublime. Les albums Seventeen Seconds (1980) et Faith (1981) en dessinent les contours : un monde élégant, fantomatique, beau-bizarre.

    Autrefois nommé The Obelisks puis Easy Cure, la formation invente une nouvelle forme d’émotion froide, sans plainte ni colère, une saudade mal fagotée et parfois inspirée par des cauchemars, contemplation lucide du vide et de la perte. Près d’un demi-siècle plus tard, The Cure foulera la scène du festival Rock en Seine, le 30 août 2026, aux côtés de Nick Cave & The Bad Seeds et Tyler, The Creator. Et avant ça, le 11 décembre 2025, le film-concert The Show of a Lost World, remasterisé en 4K, sortira dans les salles obscures du monde entier. L’occasion de revenir sur l’apport phénoménal du groupe à la pop culture.

    The Cure – Just Like Heaven (1987)

    De la cold wave à la pop baroque

    L’intelligence de The Cure réside évidemment dans sa capacité à métamorphoser son ADN sans jamais le trahir. Après la noirceur ascétique des débuts, viennent les éclats baroques de The Head on the Door (1985) et Kiss Me, Kiss Me, Kiss Me (1987), où le groupe fusionne musique gothique, pop sensuelle et psychédélisme pur. Robert Smith s’impose comme un compositeur total, capable d’écrire à la fois des hymnes planétaires (Just Like Heaven, Lovesong) et des titres plus labyrinthiques (The Snakepit, The Kiss).

    Chaque disque devient alors un espace mental, une cathédrale sonore dont la structure semble mouvante et organique. Elle frappe le public de plein fouet. Car écouter The Cure, c’est aussi le revendiquer. En 1982, l’enregistrement de Pornography (1982) se déroule ainsi dans une atmosphère délirante, entre excès et visions nocturnes : le groupe vivait reclus, persuadé que la maison d’enregistrement était hantée. Robert Smith dira plus tard que ce disque fut à la fois une descente aux enfers… et une exorcisation.

    The Cure – Lullaby (1989)

    Une influence visuelle majeure qui a marqué Tim Burton

    Le mythe The Cure finit par dépasser largement la musique. Le maquillage charbonneux, la chevelure ébouriffée, la silhouette androgyne de Robert Smith ont imposé une imagerie romantique sombre, quelque part entre le clown triste et l’ange déchu. Ce langage visuel marquera toute une génération d’artistes et de cinéastes. Tim Burton, notamment, revendique ouvertement cette influence. Son long-métrage Edward aux mains d’argent (1990) porté par le visage pâle de Johnny Depp rend hommage à la formation. Une esthétique gothique empreinte d’humour noir et de douceur blessée qui prolonge alors l’univers du groupe dans l’image animée.

    The Cure impose définitivement (et totalement) son esthétique. Dans une décennie dominée par l’excès et la revendication de la réussite, Robert Smith chante la peur, la perte et la solitude sans la moindre ironie. Sa voix, oscillant entre murmure et cri, offre à toute une jeunesse marginale un espace de reconnaissance. Le rock ne célèbre plus la puissance, il change de posture : il devient introspectif, vulnérable, sincère. Cette voie nouvelle mènera à l’émergence d’un rock alternatif plus authentique, dont on retrouvera l’écho chez Radiohead, Interpol, Four Tet, Mogwai, Placebo, The xx, Deftones ou encore les Smashing Pumpkins.

    MGMT – Little Dark Age (2018).

    Billie Eilish à MGMT, des enfants de Robert Smith ?

    Plus de quarante ans après le disque Three Imaginary Boys (1979), The Cure continue de fédérer. Leur son a traversé les décennies parce qu’il parle de ce que le temps n’effacera jamais : le manque, l’amour, la peur, la beauté qui se cache dans les mondes en ruine.

    Cet héritage se retrouve aujourd’hui chez The 1975. Le groupe britannique formé en 2002 a repris la mélancolie scintillante et les guitares vaporeuses de l’opus Disintegration (1989). Chez le groupe MGMT aussi, dont le psychédélisme mélancolique prolonge un désenchantement similaire. En témoigne leur morceau Little Dark Age, sorti en 2018.

    Olivia Rodrigo, Robert Smith – Friday I’m in Love (Live From Glastonbury) (2025).

    Même la pop star mélancolique Billie Eilish, pourtant enfant du streaming, en incarne la descendance émotionnelle. Le guitariste Johnny Marr (ex–The Smiths) la qualifiera d’ailleurs, au cours d’une interview, de “version moderne de The Cure”. Récemment, Olivia Rodrigo a aussi repris une chanson du groupe en concert à Glastonbury, accompagnée de Robert Smith.

    Et l’excellent acteur Pedro Pascal a fait sensation sur le tapis rouge en tee-shirt The Cure. On parie donc qu’il y aura beaucoup de monde à Rock en Seine en 2026 pour les voir en live.

    The Show Of A Lost World de Nick Wickham, au cinéma le 11 décembre 2025. The Cure en concert au festival Rock en Seine le dimanche 30 août 2026.