8 jan 2025

Quels sont les meilleurs rôles de Julianne Moore ?

Retour sur les meilleurs rôles de la carrière de la flamboyante actrice américaine Julianne Moore, à l’affiche du chef-d’œuvre de Pedro Almodóvar La Chambre d’à côté face à Tilda Swinton, au cinéma ce mercredi 8 janvier 2025.

Julianne Moore au Toronto International Film Festival en septembre 2024. © Photo by KC Armstrong/Deadline via Getty Images.
Julianne Moore au Toronto International Film Festival en septembre 2024. © Photo by KC Armstrong/Deadline via Getty Images.

Sa chevelure de feu et ses tâches de rousseur ont beau être hors normes, elle ne sont pas ce que l’on retient en premier de Julianne Moore, qui brille par sa classe et son talent. Figure familière du cinéma depuis les années 90, la comédienne américaine a promené son étrangeté naturelle dans des dizaines de films, sans hésiter à changer radicalement de genre. Les grands succès publics comme ceux de la saga Hunger Games, où elle joue la présidente Alma Coin, ou encore The Lost World: Jurassic Park, ne font pourtant pas l’essentiel de sa réputation. Julianne Moore est une actrice qui laisse une autre empreinte et remporte des prix.

Julianne Moore, actrice majeure à l’affiche de La Chambre d’à côté

Elle a été nommée quatre fois à l’Oscar de la meilleure actrice (The End of the Affair en 1999, Loin du paradis en 2022) ou du meilleur second rôle (Boogie Nights en 1997, The Hours en 2002) avant de triompher avec Still Alice en 2014. Elle a ramené à la maison deux Emmy Awards pour ses prestations à la télévision, remporté trois Golden Globes pour 11 nominations et est devenue la deuxième comédienne après Juliette Binoche à réaliser la passe de trois dans les grands festivals internationaux (Berlin, Cannes et Venise).

D’Alfonso Cuarón à Paul Thomas Anderson, Julianne Moore a toujours traversé le cinéma le plus inventif. À l’affiche du bouleversant premier long-métrage en langue anglaise de l’espagnol Pedro Almodóvar, La Chambre d’à côté, elle remporte une nouvelle fois les suffrages. L’occasion de revenir sur huit rôles importants que nous avons choisis dans une filmographie prolifique de plus de 80 titres.

Les meilleurs rôles de Julianne Moore

La bande-annonce de Short Cuts (1993).

Julianne Moore en peintre dans Short Cuts (1993) de Robert Altman

Dans le film choral du vieux maître américain Robert Altman, adapté d’une nouvelle de Raymond Carver, Julianne Moore met en avant sa capacité à sublimer des seconds rôles qu’elle rend inoubliables, ce qui restera un marqueur fort de l’ensemble de sa carrière. Parfaitement intégrée à cette critique des faux-semblants d’Hollywood, elle interprète dans Short Cuts une peintre. Il s’agit de l’un de ses premiers rôles sérieux après avoir percé durant sa vingtaine dans le soap opera As the World Turns.

On se souvient surtout d’une scène devenue mythique où la native de Fayetteville en Caroline du Nord se lance dans une diatribe face à son mari (Matthew Modine) qui lui parle d’infidélité, vêtue d’un haut blanc large mais d’aucun bas, laissant apparaître durant plusieurs minutes ses fesses et sa toison pubienne. Loin d’être une provocation gratuite, ce moment finalement réaliste – oui, il arrive que l’on s’engueule à moitié nu – donne le ton de l’actrice Julianne Moore. Une femme qui n’a peur de rien et se montre incapable de vulgarité, quelle que soit la situation.

Short Cuts (1993) de Robert Altman, disponible en DVD.

La bande-annonce de Safe (1995)

Julianne Moore en femme au foyer dans Safe (1995) de Todd Haynes

Julianne Moore tape dans l’œil du jeune réalisateur indépendant Todd Haynes après sa prestation chez Robert Altman. Il l’engage pour tenir le premier rôle de son long-métrage inaugural, Safe (1995), situé dans une communauté sectaire de Californie. Celle qui a déjà 35 ans fait des merveilles dans la peau de Carol White, une femme au foyer qui perd peu à peu la raison, persuadée que l’environnement autour d’elle la rend malade.

Réflexion amère sur l’oppression de la vie américaine autant que portrait d’une héroïne flirtant avec la folie, inspiré par le chef d’œuvre féministe Jeanne Dielman 23, Quai Du Commerce, 1080 Bruxelles (1976) de Chantal Akerman, Safe s’intéresse également aux impasses de certaines conceptions du développement personnel. L’actrice utilise sa gravité naturelle et sa capacité à inquiéter dans un film fascinant doublé d’un joli flop au box office. Ce qui n’empêchera pas Julianne Moore de marquer durablement les esprits. Sa carrière décolle bientôt.

Safe (1995) de Todd Haynes, disponible sur Prime Video.

La bande-annonce de The Hours (2003).

Une épouse malheureuse dans The Hours (2003) de Stephen Daldry

L’enchaînement 2002-2003 est celui de la consécration pour Julianne Moore, qui remporte plusieurs récompenses internationales majeures : Coupe Volpi de la meilleure actrice à Venise pour Loin du paradis, le génial mélo de Todd Haynes, avant un prix similaire au festival de Berlin grâce à sa prestation dans The Hours, une distinction qu’elle partage cette fois-ci avec ses deux prestigieuses collègues Nicole Kidman et Meryl Streep.

Dans ce succès critique et public qui suit trois personnages féminins reliés à l’univers de Mrs Dalloway, l’un des romans phares de Virginia Woolf, Julianne Moore est présente dans la partie située en 1951. Son interprétation d’une femme mariée mais malheureuse bouleverse. Dans The Hours, elle conduit son personnage de la soumission au patriarcat à une forme d’indépendance radicale, grâce à la littérature.

The Hours (2003) de Stephen Daldry, disponible sur MyCanal.

La bande-annonce d’A Single Man (2008).

Une quadra en mal de romance dans A Single Man (2008) de Tom Ford

Le premier film de Tom Ford, créateur star passé par Gucci et Yves Saint Laurent, donne l’occasion à Julianne Moore de se glisser dans la peau d’une femme des années 1960, dans un ambiance pré-Mad Men très réussie. Charlotte, que tout le monde appelle Charley, est une quadra en mal de romance qui tombe amoureuse de la mauvaise personne : un homosexuel mélancolique (Colin Firth) qui perd son compagnon et projette de se suicider.

Sur le thème de l’illusion romantique, A Single Man confirme le grand talent de l’actrice pour les situations mélodramatiques, mais aussi son absence de retenue quand il s’agit de jouer une femme plus si jeune en lutte pour conserver sa beauté, au risque du désespoir. Une thématique on ne peut plus contemporaine. Dans ce film délicat et éthéré, sa chevelure rousse montée en choucroute est comme un paravent face à la cruauté du monde.

A Single Man (2008) de Tom Ford, disponible sur Prime Video.

La bande-annonce de Game Change (2012).

Une femme politique dans Game Change (2012) de Jay Roach

Ce n’est peut-être pas le rôle le plus célébré de celle qui a passé les années 2010 entre projets audacieux, blockbusters (Hunger Games en 2012) et comédies romantiques (Crazy, Stupid, Love en 2011), mais cet étrange téléfilm consacré à la campagne de la républicaine Sarah Palin pour devenir vice-présidente en 2008, a permis à Julianne Moore d’empocher un Emmy award, un Golden Globe et un Screen Actors Guild award.

Son incarnation de cette figure largement insaisissable de l’extrême-droite américaine relevait, selon la critique du New York Times Alessandra Stanley, “moins de la sympathie que de la pitié”. L’actrice ne retient pas ses coups dans ce portrait mordant d’un animal politique annonçant les années Trump, approximations et haine comprise. Surtout, la comédienne montre ici qu’elle peut jouer toutes les femmes américaines, quel que soit leur look ou leur classe sociale.

Game Change (2012) de Jay Roach, disponible sur Prime Video et MyCanal.

La bande-annonce de Maps to the Stars (2014).

Une star hollywoodienne dans Maps to the Stars (2014) de David Cronenberg

La femme américaine ultime, c’est sans doute l’actrice de cinéma, avec toutes ses extravagances et ses angles morts. Si dans sa vie privée et ses apparitions hors caméra, Julianne Moore n’a jamais cultivé le scandale, elle interprète dans cette satire signée du grand David Cronenberg une star hollywoodienne en perte de vitesse fixée dans le passé, odieuse avec ses proches et son assistante personnelle, incapable de gérer ses humeurs et sans aucune peur du ridicule.

De ce rôle pas si évident – on parle de cette séquence gênante aux toilettes ? -, Julianne Moore fait un prétexte aux plus grandes folies et même à une forme de violence. La même année, l’actrice remporte l’Oscar pour sa performance dans Still Alice, un drame assez convenu où son personnage souffre d’une forme précoce de la maladie d’Alzheimer. Mais de cette période, c’est bien sa composition furieuse pour le réalisateur de Faux-Semblants que l’on retient.

Maps to the Stars (2014) de David Cronenberg, disponible sur Prime Video.

La bande-annonce de May December (2024).

Une “cougar” dans May December (2024) de Todd Haynes

Même si elle a croisé de nombreux grands cinéastes au cours de sa carrière, des frères Coen (The Big Lebowski en 1998) à Paul Thomas Anderson (Boogie Nights en 1997 et Magnolia en 1999), Julianne Moore a développé la relation la plus durable et la plus surprenante avec Todd Haynes. La preuve avec leur cinquième collaboration, le magnifique May December, dans lequel l’actrice interprète une femme, Gracie, qui vit avec un compagnon beaucoup plus jeune qu’elle, rencontré alors qu’il était… au collège.

Condamnée par la justice, Gracie a donné naissance à l’enfant du jeune homme en prison et vit désormais avec lui une relation maritale. Quand le film commence, une star hollywoodienne (Natalie Portman) s’incruste dans sa vie pour trouver de l’inspiration car elle va jouer dans le biopic inspiré par son histoire. Est-ce que tout va exploser ? Ce superbe film d’actrices au sommet de leur art offre à Julianne Moore un rôle sulfureux de prédatrice sexuelle, dans lequel elle déploie toute son expérience et son ironie, sa capacité à flirter avec les situations extrêmes.

May December (2024) de Todd Haynes, disponible sur MyCanal.

La bande-annonce de La Chambre d’à côté (2025).

Une écrivaine dans La Chambre d’à côté (2025) de Pedro Almodóvar

Dans ce film à l’intensité extraordinaire, Julianne Moore tient le rôle un peu en retrait de celle qui regarde et qui écoute. Elle incarne une écrivaine à qui une vieille amie journaliste très malade (Tilda Swinton) annonce qu’elle a choisi de mourir et aimerait l’avoir auprès d’elle pour ce moment terminal. Si toute l’attention médiatique se porte vers l’excellente Tilda Swinton, plus exposée, Julianne Moore fait preuve dans La Chambre d’à côté de toute sa finesse et d’une forme de retenue bouleversante.

À travers son personnage, elle agit comme le relais des spectateurs face aux choix moraux présentés à l’écran, sans jugement excessif mais avec toute la profondeur requise. Désormais entrée dans la soixantaine, Julianne Moore démontre également avec cette ode à la liberté de choix que les actrices de sa génération peuvent encore régner sur les écrans. Avec Tilda Swinton mais aussi Demi Moore, elle fait partie des femmes les plus puissantes d’Hollywood, loin des clichés associés aux ravages de l’âge sur l’image.

La Chambre d’à côté de Pedro Almodóvar, avec Julianne Moore, Tilda Swinton et John Turturro, au cinéma le 8 janvier 2025.