24 sep 2024

Qui est vraiment Ravyn Lenae, discrète concurrente des reines du R’n’B ?

Deux ans après la sortie d’Hypnos, Ravyn Lenae profite encore du succès de ce premier album sensationnel et parachève sa mue en héroïne du R’n’B expérimental. Dans son second disque, Bird’s Eye, la chanteuse de 25 ans navigue entre les genres et s’autorise toutes sortes de textures sonores pour mieux relater ses souvenirs chagrinés… Rencontre.

La pochette de Bird’s Eye (2024), le second album studio de la chanteuse Ravyn Lenae.

Bird’s Eye, le nouvel album de Ravyn Lenae

Lorsqu’elle évoque son enfance à Chicago, Ravyn Lenae, 25 ans, se souvient surtout de la musique qui passait dans l’autoradio de son père. En fouillant davantage, c’est aussi un jardin qui ressurgit, sorte d’éden enseveli par l’automne et ses feuilles orange brûlé. Des années plus tard, elle a compris que ses vagabondages de petite fille ont inspiré sa musique. Comme si, pour composer, il fallait forcément qu’elle se replonge dans une époque où les problèmes d’adultes n’avaient pas encore remplacé les rires candides. 

Deux ans après la sortie d’Hypnos, son premier album étourdissant produit en partie par Steve Lacy, Fousheé et Kaytranada, la musicienne déploie, avec son nouveau disque, Bird’s Eye, un R’n’B alternatif d’une maturité ahurissante. Dans ses compositions à l’exubérance maîtrisée, on retrouve les élégies d’une SZA, la ferveur élégante d’une Erykah Badu et les expérimentations résolument cool d’un Steve Lacy qui, en 2018, avait déjà produit son EP, Crush.

– Votre musique est assez complexe à définir, vous ne trouvez pas ?

– Ma musique est une affaire de sensations. J’aime à penser que je m’inspire d’un monde qui n’existe pas encore… Un nouvel espace onirique, fluide, flexible et doux à la fois. Je la tisse comme une ligne sans fin qui s’autorise toutes sortes de vagues. Pourquoi ne pas parler de conte de fée ?

Love Is Blind (2024) extrait de l’album Bird’s Eye de Ravyn Lenae.

Classick Studios : le rendez-vous des artistes de Chicago

Petite fille de pasteur, Ravyn Lenae grandit en tant que membre de l’église chrétienne. Vers l’âge de 15 ans, elle participe à l’After School Matters, un programme estival qui propose des cours d’art ou de musique aux jeunes de Chicago. Objectif : les empêcher des traîner dans la rue pendant les vacances scolaires. Après tout, n’importe quelle discipline artistique est susceptible d’aboutir à une carrière professionnelle. L’adolescente reçoit le premier chèque de sa vie : 300 dollars.

Elle réserve aussitôt une session au Classick Studios, lieu de rendez-vous des artistes en vogue. C’est là-bas, qu’elle croisera Noname, Chance the Rapper ou Mick Jenkins, trois rappeurs dont la carrière parle désormais pour elle-même. Mais c’est surtout avec Smino et le producteur Monte Booker qu’elle se liera d’amitié. Ensemble, ils montent un collectif : Zero Fatigue. Des années plus tard, Ravyn Lenae est belle et bien sur scène. En 2017, elle accompagne justement son homologue de Chicago, Noname, lors de sa tournée Telefone Tour puis enchaîne avec celle d’une certaine SZA…

Venom (2022) extrait de l’album Hypnos de Ravyn Lenae.

L’incroyable évolution de Ravyn Lenae

Comment juger un artiste autrement qu’à l’aune de ses évolutions. Trois morceaux de Ravyn Lenae rendent justement compte de sa mue progressive. D’abord Everything Above, pur produit néo soul – de la basse aux percussions lo-fi crépitantes – issu de son EP Moon Shoes (2016). La jeune femme révèle déjà un talent indéniable mais se contente encore de faire comme ses idoles. Ensuite Venom, virage électronique extrait de son album Hypnos (2022). Cette fois, sa voix surgit plus claire dans un morceau aérien et percutant. Ravyn Lenae se découvre par la même occasion un alter ego de femme fatale belliqueuse… Enfin Love Is blind, l’un de ses morceaux favoris que l’on découvre justement dans son nouvel album, Bird’s Eye (2024). Son falsetto rappelle les titres de R’n’B alternatif d’une Fka twigs – dont l’univers est évidemment plus vaste que cela – et condense parfaitement le genre néo-soul et ses expérimentations électroniques.

– Quelle relation entretenez-vous avec l’expérimentation ?

– L’expérimentation musicale a toujours été un désir très profond. Désormais, je m’efforce de suivre la règle de 3% de Virgil Abloh : pour composer un morceau, utilisez quelque chose de très familier auquel tout le monde peut s’identifier puis transformez-le à hauteur de 3%. Juste assez subtilement pour que cela semble nouveau… tout en restant familier.

Aujourd’hui, Ravyn Lena s’autorise à rêver d’une autre carrière en parallèle. Pourquoi pas du cinéma ? Si elle a suivi quelques cours de théâtre au lycée, elle reconnait que sa mémoire lui fait encore défaut pour réciter autant de texte. Pour être plus précis, elle a déjà une idée en tête : doubler une princesse dans l’univers Disney.

Bird’s Eye de Ravyn Lenae, disponible.