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Viktor&Rolf
En 1993, Viktor Horsting et Rolf Snoeren, tout juste diplômés d’une école des beaux-arts néerlandaise, lancent leur maison à Paris.
Publié le 3 juillet 2025. Modifié le 7 juillet 2025.

Les débuts de Viktor&Rolf
Dès leurs premiers pas, ils mêlent performance et couture, remportant un prix au festival de Hyères et présentant des silhouettes sculpturales qui défient les codes. Très vite, la maison se distingue comme un laboratoire artistique où l’expérimentation devient signature.
Entre haute couture et prêt-à-porter conceptuel

Bien que la marque soit surtout reconnue pour ses défilés couture, elle lance également des lignes prêt-à-porter dès 2000. Toutefois, elle fait le choix audacieux de suspendre cette activité en 2015 pour revenir à ses racines : la haute couture. Ce retour marque une priorité renouvelée au geste créatif et l’émotion visuelle. Chaque collection devient alors une performance, toujours visuelle, parfois ironique, souvent poétique.
Une esthétique irrévérencieuse et narrative

Viktor & Rolf sculptent le vêtement en concept. Le duo détourne donc les codes, joue avec l’absurde, transforme les classiques en objets surréalistes. Certaines de leurs pièces célèbres : une robe constituée de cadres peints ou encore une collection de manteaux exclusifs conçus comme des objets d’art. Toujours, leurs silhouettes disent un propos. Elles interrogent, intriguent, et convoquent le spectateur comme témoin d’une création radicale et narrative.
Des défilés comme performances totales
Les shows de Viktor & Rolf dépassent le simple défilé : ce sont des expériences. Lors de la collection printemps/été 2023 intitulée Late Stage Capitalism Waltz, les robes semblaient flotter, tourner ou défier la gravité, créant des illusions optiques saisissantes. Ces choix scéniques renforcent le sens de leurs vêtements, qui fusionnent provocation et poésie, critique sociale et beauté conceptuelle.
Une maison indépendante

Liberté créative comme fondement
Dès le départ, Viktor Horsting et Rolf Snoeren imposent leur différence. Bien que rattachés au groupe OTB, leur autonomie artistique demeure entière. Chaque collection part d’un concept, jamais d’un impératif commercial. Le vêtement ne répond pas à une demande. Il exprime une idée. Même lorsqu’ils s’aventurent dans la parfumerie, la démarche reste fidèle à leur vision. Flowerbomb et Bonbon n’obéissent pas aux recettes du marketing. Le flacon devient sculpture. La campagne devient image. L’univers reste cohérent. La production reste volontairement limitée. Peu de pièces, peu de compromis. Pourtant, la portée de leur travail est mondiale. Le rayonnement ne dépend pas du volume, mais de la singularité.
Reconnaissance institutionnelle et muséale
Peu de créateurs contemporains franchissent aussi naturellement les murs des musées. Viktor & Rolf y entrent sans forcer. Leur univers, nourri d’art contemporain, s’y inscrit logiquement. Des lieux comme le Kunsthalle de Munich, la National Gallery of Victoria ou le Centraal Museum exposent leurs œuvres.
En 2024, l’exposition Fashion Statements retrace leur parcours. Des premières pièces conceptuelles aux robes spectaculaires, tout y est. Le parcours met en lumière une pensée visuelle en constante évolution. Robes inversées, slogans brodés, volumes flottants : la couture devient manifeste. Chaque pièce s’émancipe du corps. Elle devient une œuvre. L’ensemble compose un récit. La mode prend ici une dimension historique.
Couture comme langage plastique
La mode, chez Viktor & Rolf, ne sert pas à habiller. Elle sert à questionner. Le vêtement devient support de pensée. Une robe se fait architecture. Un manteau s’impose comme manifeste. Chaque défilé raconte une tension. L’ironie y croise la rigueur. L’excès se confronte à la précision. Le discours est aussi fort que la forme. Chaque élément répond à un équilibre. Le duo détourne les codes. Il joue avec les conventions. Le podium devient scène. La couture devient écriture. Chaque collection propose une grammaire visuelle nouvelle.
Poétique de l’étrangeté
L’univers se nourrit d’influences variées : théâtre, art conceptuel, performance, surréalisme. Chaque saison ouvre un nouveau monde. Certains vêtements flottent. D’autres enferment. Certains corps disparaissent. D’autres surgissent dans l’espace. La silhouette devient étrangère, presque inquiétante. Pourtant, tout reste lisible. Le regard est dérouté, jamais perdu. L’étrange dialogue avec l’élégance. La surprise naît du contraste. La répétition n’existe pas. Chaque projet redéfinit le rapport au corps, à l’objet, au regard. La couture devient langage de l’inconscient.
Lenteur comme posture créative
À rebours du rythme imposé par l’industrie, Viktor & Rolf défendent le temps long. Chaque collection exige du recul. La pensée précède le croquis. Le silence précède le volume. La fidélité à la haute couture témoigne d’un respect profond pour la main, le geste, le savoir-faire. Le vêtement est construit. Il n’est jamais assemblé à la hâte. Chaque détail compte. Cette lenteur s’impose comme un luxe ultime. Dans un monde qui court, créer à son rythme devient un acte de résistance.
Une œuvre libre et cohérente
Le duo ne cherche pas l’approbation. Il suit une ligne. L’important n’est pas de plaire, mais de rester juste. Chaque collection interroge. Chaque pièce surprend. L’ensemble forme une œuvre cohérente, dense, indocile.Le vêtement devient matière à réflexion. Le défilé devient une scène politique. Beauté, absurdité, ironie et engagement s’y rencontrent sans hiérarchie. Dans un paysage saturé d’images lisses, Viktor & Rolf continuent de chuchoter des formes fortes. Leur voix, rare et précise, affirme une autre idée du luxe : celle d’un regard libre, critique, poétique.