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Souheila Yacoub
Souheila Yacoub, née le 29 juin 1992 à Genève, s’impose comme l’une des actrices les plus singulières du cinéma francophone. De ses débuts sur les planches à son rôle dans Dune : Deuxième Partie, elle construit une trajectoire exigeante, instinctive, entièrement traversée par le corps. Portrait d’une présence.

Les débuts de Souheila Yacoub
Avant d’entrer en scène, Souheila Yacoub entre en compétition. Enfant, elle se forme à la gymnastique artistique au plus haut niveau. La discipline, le silence, la maîtrise du geste : tout passe par le corps. Elle représente la Suisse jusqu’à ce qu’une blessure mette fin à ce début de carrière.
En 2012, elle devient Miss Suisse Romande. Une étape étonnante dans un parcours où rien n’est joué d’avance. C’est pourtant sur les bancs du Cours Florent, puis du Conservatoire de Paris, que sa vocation prend forme. Elle ne cherche pas la lumière. Elle cherche l’incarnation.
Une actrice du mouvement, entre théâtre et cinéma

Son premier rôle marquant, Gaspar Noé le lui confie. Dans Climax, elle interprète Selva, meneuse d’une troupe en pleine descente psychotrope. Le film est physique, halluciné, chorégraphié à la limite du corps. Elle ne joue pas : elle est là, intensément, sans filtre. Cette performance la révèle. Et marque durablement.
Des choix assumés

Dans No Man’s Land (Arte), elle incarne une combattante kurde avec une justesse qui bouleverse. Dans Les Sauvages, elle impose une force politique, toute en tension. Au théâtre, elle crève la scène dans Tous des oiseaux de Wajdi Mouawad. Une présence qui prend racine, qui s’étire, qui vibre.
Le cinéma d’auteur la repère vite. Philippe Garrel (Le Sel des larmes), Cédric Klapisch (En corps), Noémie Merlant (Les Femmes au balcon) : à chaque film, elle propose autre chose. Jamais la même. Toujours juste. Elle n’imite pas. Elle capte. Et elle transmet.
En 2024, elle rejoint l’univers de Denis Villeneuve. Dans Dune : Deuxième Partie, elle incarne Shishakli, une guerrière Fremen à la présence muette, mais ancrée. Ce rôle la fait passer de l’intime à l’épique. Elle entre dans un autre registre — sans rien perdre de sa densité.
Aux côtés de Zendaya et Timothée Chalamet, elle impose une nouvelle gravité. Elle devient l’une des Shooting Stars de la Berlinale. Et son nom revient, calmement mais sûrement, dans les listes des espoirs aux César.
Une comédienne d’aujourd’hui, tournée vers demain

Souheila Yacoub échappe aux cases. Elle passe d’un projet à l’autre avec une exigence rare, refusant de se laisser définir. Tantôt politique, tantôt sauvage, parfois classique, parfois radicale : elle navigue entre les registres avec une aisance déconcertante.
Elle parle plusieurs langues, mais surtout plusieurs langages. Le silence, chez elle, dit autant que le verbe. Ainsi, son jeu ne cherche jamais l’effet. Il reste intérieur, tendu, vibrant.
Sur sa vie personnelle, elle garde la même maîtrise. On lui connaît une relation avec Lomepal, mais elle n’en fait jamais un sujet. Pas de mise en scène, ni d’apparitions calculées. Ce qu’elle choisit de taire renforce ce qu’elle donne à l’écran.
Sa retenue n’est pas un retrait, mais une forme d’intensité — profonde, contenue, lumineuse sans débordement.
De la gymnastique à la scène, de Miss à actrice habitée, Souheila Yacoub suit une trajectoire imprévisible, cohérente dans son audace. Là où on croit l’attendre, elle bifurque. Et chaque apparition déplace quelque chose. Elle trouble, elle capte, elle fracture doucement.
Son cinéma, à l’image de son corps, est mouvant, enraciné, libre. Dans un monde qui classe, catégorise, réduit, elle rappelle que certaines présences échappent à l’étiquette. Parce que l’essentiel, chez elle, ne se déclare pas. Il s’impose. Il se ressent.