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Rossy de Palma
Fantasque, exubérante, pleine d’humour, Rossy de Palma déploie son énergie extraordinaire et sa personnalité rebelle sur les écrans depuis les années 90. Artiste passionnée, muse de Jean-Paul Gaultier et de Pedro Almodóvar, l’Espagnole au charisme unique vit son métier d’actrice comme l’expression magique d’une créativité qui la traverse.
Publié le 17 août 2023. Modifié le 8 août 2025.

Rossy de Palma : de l’anonymat aux films d’Almodovar
Le destin de Rossy de Palma, d’abord éloigné des projecteurs, bascule lorsqu’elle devient la muse de Pedro Almodóvar. Leur rencontre en 1986 marque le début d’une collaboration cinématographique durable. L’année suivante sort La loi du désir, suivi de Les Femmes au bord de la crise de nerfs en 1988. Elle y partage l’affiche avec Antonio Banderas et Carmen Maura. Son rôle excentrique et sa prestation marquent les esprits. Son visage anguleux, souvent comparé aux tableaux de Picasso, devient iconique.
Très vite, sa présence dépasse le statut de second rôle : elle devient une signature visuelle et émotionnelle du cinéma almodovarien. Grâce à sa singularité assumée, Rossy incarne une esthétique nouvelle, hors des normes imposées par l’industrie. En effet, son jeu libre, presque instinctif, capte l’attention sans jamais chercher à séduire au sens traditionnel. Ce refus du conformisme, aussi bien dans son apparence que dans son attitude, la transforme en figure féminine emblématique d’un cinéma résolument moderne. Dès lors, elle s’impose comme une actrice essentielle, capable de faire exister des personnages puissants, insolents, souvent blessés, toujours bouleversants. En somme, sa rencontre avec Almodóvar marque un point de bascule : elle devient, à travers ses rôles, une héroïne de la marge, dont la beauté étrange raconte d’autres récits.
Dès lors, Almodóvar la considère comme l’une de ses muses. Il la dirige dans huit de ses films entre 1987 et 2021. Parmi eux : Attache-moi ! (1990), Kika (1993), La fleur de mon secret (1995), Étreintes brisées (2009), Julieta (2016), Madres Paralelas (2021). Elle obtient deux Goya de la meilleure actrice dans un second rôle, en 1993 et 1995.

Rossy de Palma, indétrônable icône de mode, de cinéma et de musique
Elle incarne l’esprit audacieux et rebelle propre à l’univers d’Almodóvar. Leurs collaborations renforcent sa place d’actrice hors pair et révèlent son aisance à naviguer entre humour, drame et burlesque. L’actrice espagnole enchaîne ensuite les rôles auprès de grands noms du cinéma international : Robert Altman (Prêt-à-porter, 1994), Jean-Louis Milesi (Nag la bombe, 2000), ou plus récemment Benjamin Millepied, dans son premier film Carmen (2023).
Au fil des décennies, Rossy de Palma affirme sa singularité dans tous les domaines artistiques qu’elle touche. Tantôt comédienne sur les planches, tantôt performeuse dans des galeries d’art ou chanteuse dans des happenings confidentiels, elle construit un langage transversal, fondé sur l’intuition, le corps et la voix. Sur scène, elle bouleverse autant qu’elle amuse, jouant avec les archétypes, les masques et les ruptures de ton. Elle ne cherche pas à plaire : elle cherche à dire quelque chose de juste.
Par ailleurs, sa relation à la mode ne se résume pas au statut de muse. Elle revendique une manière de s’habiller comme une manière d’être au monde. Avec Jean Paul Gaultier, mais aussi Vivienne Westwood, Antonio Marras ou Yohji Yamamoto, elle forme un dialogue constant entre tissu, identité et expression. Chaque vêtement devient une extension de sa pensée, un manifeste esthétique.
Dans l’univers du luxe, son visage anguleux, son port de déesse, sa voix rauque tranchent avec les canons habituels. Pourtant, c’est justement ce décalage qui fascine. Parce qu’elle est inclassable, elle incarne une forme de modernité libre. En somme, Rossy de Palma n’interprète pas la différence : elle la célèbre, la magnifie, et l’offre en héritage.

L’univers bariolé et engagé de Rossy de Palma
Depuis ses débuts, Rossy de Palma incarne une forme de liberté inclassable. Ni tout à fait actrice, ni totalement muse, elle se situe quelque part entre l’icône et l’antithèse des standards établis. D’ailleurs, sa collaboration de longue date avec Pedro Almodóvar l’a propulsée au rang de figure culte, tant en Espagne qu’à l’international. À travers des rôles souvent excessifs, habités, profondément humains, elle a su imposer une autre idée du féminin : baroque, insaisissable, puissante. Chaque apparition devient une déclaration d’indépendance, un manifeste incarné contre l’uniformité.
En parallèle de sa carrière cinématographique, Rossy de Palma cultive un rapport viscéral à la mode, au théâtre et à la poésie. Elle a collaboré avec Jean Paul Gaultier, Antonio Marras ou encore Viktor & Rolf, affirmant un goût prononcé pour l’expérimentation visuelle. Ses performances flirtent souvent avec le happening, brouillant les frontières entre art et vie. Elle ne joue pas un rôle : elle est le rôle.
Ainsi, loin de se contenter d’un statut de “personnalité excentrique”, elle construit, au fil du temps, une œuvre profondément cohérente. Elle y explore l’identité, la laideur sublime, le désir d’émancipation, et les marges comme terrain de liberté. Son accent chantant, son port de tête, son regard fier : tout chez elle devient langage.
En 2025, Rossy de Palma demeure plus que jamais une figure inspirante. À la fois flamboyante et lucide, elle continue de défier les normes esthétiques et sociales. Parce qu’elle ne se plie à aucune mode, elle devient intemporelle. Parce qu’elle assume tout — ses angles, ses blessures, ses éclats — elle donne à voir une beauté qui ose, qui dérange parfois, mais qui touche toujours.