Créateur de mode

Issey Miyake

Il ne dessinait pas : il pensait en volumes. Issey Miyake, né en 1938 à Hiroshima, a bouleversé l’histoire de la mode en libérant le vêtement du corps. Conjuguant art textile et innovation, il a inventé une grammaire vestimentaire unique, aujourd’hui réactivée à Paris avec l’exposition Dancing Texture.

Publié le 24 juin 2025. Modifié le 6 août 2025.

Un créateur novateur

Depuis les années 1970, Issey Miyake n’a cessé de repenser la mode comme un art du mouvement, du vide et du tissu libéré. À contre-courant des diktats occidentaux, il imagine une silhouette qui ne modèle pas le corps, mais l’accompagne. Il ne cherche pas à contraindre, ni même à séduire selon des canons figés. Ce qu’il propose, c’est une vision de la liberté, cousue à même le quotidien.

Dans les années 1990, cette démarche se cristallise avec Pleats Please, une ligne de vêtements plissés, conçus pour bouger. Les plis, permanents, légers et fluides, accompagnent les gestes sans jamais entraver le mouvement. Ainsi, la technologie devient un outil poétique. Le tissu, quant à lui, se transforme en souffle. Il épouse les déplacements du corps, sans le corseter ni le ralentir.

Par ailleurs, avec A-POC (A Piece of Cloth), il pousse encore plus loin cette idée. Le vêtement, conçu d’un seul tenant et sans couture, épouse le corps tel une seconde peau. Chaque pièce est pensée comme une forme à activer, une architecture souple à découper. Là encore, Issey Miyake affirme une vision radicale : le tissu devient un espace de liberté totale. Il ouvre un champ d’expérimentation où technique, design et vivant fusionnent.

Un art du quotidien

Contrairement à de nombreux créateurs de son époque, Issey Miyake ne cherche pas à flatter. Il veut libérer. Il pense le tissu comme un rythme, une matière sensible. Chaque vêtement se conçoit comme un prolongement du souffle, une vibration presque musicale. En somme, il ne s’agit plus d’habiller un corps, mais d’accompagner un mouvement intérieur.

Plus encore, il s’agit d’un art du quotidien. D’un geste humble, tourné vers la vie réelle. Ses vêtements ne sont pas conçus pour les podiums, mais pour les rues, les corps en transit, les existences actives. Ils sont faits pour danser, pour marcher, pour exister sans contrainte. À travers cette philosophie, Miyake propose une forme de mode durable, intuitive, presque silencieuse. Une mode qui respecte le corps et le temps.

Un héritage en mouvement

Depuis sa disparition en 2022, Issey Miyake n’a jamais vraiment quitté la scène qu’il avait dessinée. Son nom, désormais synonyme d’innovation textile, continue d’irriguer toutes les branches de sa maison. À Tokyo comme à Paris, ses équipes perpétuent une approche à la fois minimaliste et profondément avant-gardiste. Loin d’un hommage figé, son héritage demeure vivant.

Chaque collection, chaque exposition prolonge une pensée en mouvement. Rien n’est figé. Tout est recherche, dialogue, transmission. Les nouvelles lignes ne copient pas : elles réinterprètent, elles interrogent, elles avancent. Ainsi, la maison Miyake ne se contente pas de préserver une mémoire : elle continue d’explorer l’inconnu.

En 2025, l’Atelier Vendôme à Paris accueille Dancing Texture, une exposition dédiée à la ligne masculine IM MEN. Plus qu’une rétrospective, cette présentation donne à voir une continuité. Cette nouvelle branche explore la souplesse du vêtement et la chorégraphie des matières. Elle prolonge l’esprit de Miyake, tout en ouvrant une voie nouvelle.

À travers un parcours scénographique évocateur, les visiteurs découvrent un vestiaire en transformation. Les textiles, fluides et animés, semblent dialoguer avec l’air. Les découpes, précises et graphiques, dessinent des silhouettes légères. Chaque pièce évoque le souffle du geste. Ainsi, le vêtement devient un prolongement du corps en mouvement.

Ce travail témoigne d’un engagement intact. La maison ne se contente pas d’archiver l’histoire : elle l’active. Les créations de IM MEN illustrent cette fidélité à une idée essentielle. Le vêtement ne doit pas imposer une forme. Il doit révéler une énergie.

Une esthétique du geste

Son œuvre convoque des disciplines multiples : la danse contemporaine, l’architecture, la calligraphie, l’origami. Chaque collection incarne une tension entre structure et fluidité. Il s’inspire des rituels japonais, tout en dialoguant avec l’avant-garde occidentale.

ll y a, dans son travail, une discipline presque spirituelle. Une précision extrême qui ouvre au mouvement. Une forme de silence actif. À travers Dancing Texture, cette idée se déploie. Les créations dansent, plient, respirent. Elles ne se posent pas : elles s’élèvent. Cette conception du vêtement dépasse la fonction. Elle devient proposition artistique. Une façon de penser la place du corps, du vide, du souffle dans l’espace.

Une mode qui respire encore

Dans un monde saturé d’images et de slogans, l’œuvre d’Issey Miyake apparaît comme une parenthèse. Une respiration. Une invitation à ralentir. À repenser le vêtement, non comme un signe, mais comme un espace.

Son luxe ne réside pas dans la démonstration. Il repose dans l’essentiel : la légèreté, le confort, la justesse du mouvement. Ainsi, sa vision séduit au-delà du monde de la mode. Danseurs, plasticiens, architectes, musiciens s’en inspirent. Non pour imiter, mais pour prolonger. Penser depuis le corps, non contre lui.

Dès lors, il ne s’agit plus seulement de style. Mais de présence. De sensation. De liberté. Issey Miyake, toujours, a défendu l’idée d’un vêtement discret mais actif. Un vêtement qui accompagne. Qui élève. Qui libère. Et cette idée, précieuse et rare, continue aujourd’hui de faire école.