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Calvin Klein
Il a imposé un nom — le sien — en trois lettres capitales, devenues symboles d’un lifestyle américain aussi épuré que provocateur. Calvin Klein, designer new-yorkais, n’a pas seulement habillé les corps : il a dessiné une époque. Lignes nettes, sensualité froide, campagnes iconiques… Une grammaire visuelle qui résume l’Amérique des années 90 et dépasse le vêtement.

Les débuts de Calvin Klein
Calvin Klein naît le 19 novembre 1942 à New York. Enfant, il se perd déjà dans les carnets de croquis. Les tissus, les ciseaux, les silhouettes l’attirent comme une évidence. Après son diplôme au Fashion Institute of Technology en 1962, il affine son geste chez différents créateurs, notamment Dan Millstein. Là, il conçoit tailleurs et robes avec une précision qui séduit ses premiers mentors. Très vite, Nicolas de Gunzburg, figure de la mode new-yorkaise, le prend sous son aile.
En 1968, avec son ami Barry Schwartz, il fonde Calvin Klein Limited. Dix mille dollars suffisent pour lancer une ligne de manteaux. L’aventure commence dans un atelier modeste, mais la rigueur des coupes annonce déjà une révolution.
Au début des années 70, la mode américaine cherche encore un visage. Klein impose le sien : clair, dépouillé, sans bavardage. Les lignes sont nettes, les teintes sobres, les matières naturelles. L’élégance s’exprime par la retenue, presque par le silence.
Puis vient 1978. Le jean Calvin Klein surgit comme un manifeste. La campagne avec Brooke Shields dérange et fascine. Elle joue sur l’ambiguïté, brouille les limites entre jeunesse et désir, provoque un débat culturel. Le vêtement cesse d’être un objet neutre. Il devient langage, territoire de pouvoir.
Au fil des années 80, l’audace grandit. Klein ose les sous-vêtements comme emblèmes. Les mannequins défilent en slip, les jeans deviennent emblématiques. La marque s’étend : prêt-à-porter, parfums, montres. Le minimalisme s’érige en empire. Des visages comme Kate Moss, Mark Wahlberg ou Scarlett Johansson donnent chair à cette esthétique sensuelle et provocatrice.
Mais l’histoire connaît ses secousses. En 1992, la maison chancelle, proche de la faillite. Paradoxe, Klein reçoit l’année suivante le prix du meilleur designer américain. Dix ans plus tard, en 2002, Philips-Van Heusen rachète la marque. Pourtant, l’empreinte du créateur demeure. Chaque collection prolonge son vocabulaire : sobriété, radicalité, intensité.
Mode épurée, sensualité assumée

Le style Calvin Klein se lit dans la discipline. Pas d’imprimés, pas d’ornements : une pureté qui confine à l’ascèse. Chaque coupe se veut nette, chaque teinte mesurée. Les vêtements épousent le corps sans jamais le masquer. Cette rigueur fonde sa singularité. Elle place Klein en éclaireur de la mode américaine contemporaine. Bien avant les années 90, il pressent l’attrait pour la neutralité, cette esthétique épurée qui marquera toute une décennie.
Une sensualité brute, sans vulgarité
Sous l’apparente froideur, une tension affleure. Les campagnes pour Calvin Klein Underwear le prouvent. Mark Wahlberg et Kate Moss incarnent une nouvelle grammaire du corps. Muscles tendus, lignes androgynes, nudité sculptée : l’érotisme se fait concept. Les pièces du quotidien — jeans, T-shirts, sous-vêtements — deviennent soudain des icônes, chargées de désir et d’audace.
Des campagnes qui redessinent la pop culture

Impossible d’évoquer Calvin Klein sans rappeler ses campagnes. En effet, photographiées par Herb Ritts ou Steven Meisel, elles façonnent un univers visuel cohérent, presque muséal. Ainsi, les corps nus, les regards distants et les décors glacés composent une Amérique blanche et froide. Elles traduisent une esthétique du vide qui à la fois fascine et dérange. Durant les années 90, ces images saturent l’espace culturel. CK devient donc synonyme de provocation millimétrée, transgressive mais élégante. La publicité s’érige ici en miroir de l’inconscient collectif.
Même après le départ du fondateur en 2003, la maison reste influente. En effet, les directions artistiques successives — de Raf Simons à Heron Preston — ont tenté de réinventer le mythe. Pourtant, l’ADN demeure intact : minimalisme, sensualité, absence calculée. D’ailleurs, les slogans eux-mêmes sont restés inoubliables, à l’image du célèbre : « Do you know what comes between me and my Calvins? Nothing. »
Quelques chiffres
Tout d’abord, le parfum unisexe CK One illustre ce succès planétaire. En 1996, plus de quinze millions de flacons sont écoulés sous licence Unilever. L’Europe concentre 40 % des ventes, tandis que la France s’impose comme troisième marché européen. Calvin Klein se classe neuvième vendeur de parfums dans l’Hexagone, unique maison américaine présente dans le top 10.
La lingerie confirme l’empreinte de la marque. En 1996, les soutiens-gorge couleur chair transparents atteignent 487 000 ventes. La ligne de sous-vêtements génère alors cent millions de dollars de chiffre d’affaires. La même année, plus de deux millions de lunettes trouvent preneurs. La ligne CK Sun, lancée en février 1997, élargit encore l’univers de la maison. Quant aux jeans, ils dominent ainsi le marché américain, représentant 700 millions de dollars de revenus en 1996.
L’essentiel comme luxe moderne

Plus qu’une marque, Calvin Klein s’est imposé comme un langage. Ses coupes minimalistes, ses campagnes iconiques et ses produits devenus cultes traduisent une vision : celle d’une mode débarrassée du superflu, mais chargée de désir. Entre rigueur et sensualité, provocation et dépouillement, Klein a redéfini le vêtement comme une déclaration. Son héritage perdure, preuve que l’essentiel, lorsqu’il est juste, traverse les époques sans jamais se démoder.