Que pouvait-on découvrir sur l’art contemporain africain à la foire AKAA ?
Plus grande foire en France dédiée à l’art contemporain africain, AKAA a réuni pendant trois jours plus 130 artistes, dont les œuvres ont été exposées par une cinquantaine de galeries, au Carreau du Temple, à Paris. Une troisième édition conclue avec succès, marquée par de nombreux talents émergents et de nouvelles galeries.
Par Laura Catz.
Juste après la foire 1.54 de Londres qui demeure incontournable en matière d’art contemporain africain, au point de s'être exportée à New-York et Marrakech, la foire AKAA – Also Known As Africa –, plus importante foire française consacrée aux artistes vivant en Afrique ou d’origine africaine, se tenait du 9 au 11 novembre au Carreau du Temple, à Paris. Sculpture, peinture, photographie, installation, performance et design… La richesse de cette troisième édition prouve à quel point l’art africain séduit de plus en plus de collectionneurs français, malgré tout plus conservateurs que leurs homologues britanniques. Beaucoup expliquent d'ailleurs leur peur de s’engager en avançant l'argument “effet de mode”. Pour la galeriste parisienne Anne de Villepoix, qui s'expose pour la première fois à l'AKAA, la démocratisation de l'art africain demande un gros travail de pédagogie. Celle-ci a d'ailleurs vendu la totalité de ses acryliques et pastels sur papier d'Adjaratou Ouedraogo en un temps record. L'artiste prometteuse du Burkina Fasso évoque son monde douloureux de l'enfance à travers des figures hybrides faussement naïves.
On retient notamment de cette année Amadou Sanogo sur le stand de la galerie Magnin-A. Derrière ses toiles monumentales aux grands aplats de couleurs et aux traits presques enfantins, le Malien de 41 ans exprime la quête de l'identité de l'individu au sein de la société africaine. On se trouve alors face à une peinture figurative aux limites de l’abstraction, où les figures, parfois privées de têtes, semblables à des pantins, sans esprit ni réflexion, évoquent le marasme politique du continent, dirigé par des beaux parleurs. 1:54, FIAC, Art Paris Art Fair, Art Lagos… Amadou Sanogo est un habitué des grandes foires internationales, représenté depuis de nombreuses années par le galeriste André Magnin.
S'il connaît ses premières impressions picturales autour du marché de sa ville natale (Ségou), c'est à l'Institut National des Arts de Bamako qu'Amadou Sanago poursuit des études. Refusant l'académisme, il agit plutôt en autodidacte, s'exerçant d'abord sur des draps et des toiles de tailles différentes récupérées au marché aux tissus. L'élégance de ses gestes picturaux et des ses symboles et thèmes abordés plaît. Ayant longtemps refusé qu'il devienne artiste car un artiste n'est pas digne au Mali, sa famille s'habitue enfin à cette condition. Amadou Sanogo est devenu un “vrai quelqu'un”, un artiste affranchi d'un cadre formel qui invente ses propres codes picturaux pour raconter autant l'histoire de son pays, que ce soit les épopées historiques ou bien les évènements récents, que ses expériences de vie.
“Savez-vous qu’il est plus simple au Maroc de trouer les murs d’une maison, que de faire entrer un âne dans son salon?”, s’interroge quant à lui le photographe Hicham Benohoud présenté par Loft Art Gallery Casablanca, comme une forme d'introduction à sa démarche artistique, qui questionne les limites du raisonnable. Avec sa série “Landscaping”, l'artiste incontournable de la photographie contemporaine marocaine s'improvise architecte des paysages désertiques du Sahara. L'humour, le surréalisme et l'auto-dérision sont des éléments récurrents chez Hachim Benohoud, qui explore les notions d'individualité et d'identité collective, à travers des mises en scène sensibles, parfois ambiguës.
Si le public marocain voit dans ses œuvres de la légèreté et de l'humour, le public étranger y décèle davantage de violence et de critique, selon Jacques Antoine Gannat, chargé de développement pour la Loft Art Galery Casablanca. Formé aux arts-plastiques, habitué des autoportraits et à l'introspection, Hicham Benohoud puise son inspiration dans les tensions générées par les rapports de forces très marqués au Maroc, entre ce qui est permis et ce qui ne l'est pas. Très côté sur la scène internationale, Hicham Benohoud fuit les vernissages et préfère ne pas trop regarder ce qui se fait ailleurs.