L’exposition d’Ai Weiwei à Marseille en 5 chiffres clés
2 tonnes de savon, 61 lustres et 12 sculptures d’animaux… Tels sont les chiffres spectaculaires des œuvres de l’exposition “Fan Tan” d’Ai Weiwei au Mucem, à Marseille. Numéro décrypte l’exposition en compagnie de sa commissaire, Judith Benhamou-Huet.
Par Marthe Rousseau.
L’artiste chinois Ai Weiwei expose une série d’œuvres réalisées depuis les années 80 jusqu’à de nouvelles créations inédites, en relation avec les collections d’art populaire du Mucem, à Marseille. Au-delà de sa propre histoire et de celle de son père poète, c’est celle ambiguë de l’Orient et de l’Occident au tournant du XIXe et du XXe siècle qui est ici révélée.
1929. C’est la date à laquelle le père d’Ai Weiwei découvre la “porte de l’Orient”, Marseille, dont le chaos lui inspira plus tard un poème. À 19 ans, il s’imaginait une France impérialiste et rétrograde. Il découvre toutefois une autre facette en allant à Paris où il rencontre l’avant-garde littéraire et picturale. Les vers de Charles Baudelaire, d'Arthur Rimbaud et d'Émile Verhaeren l’influencent dans ce qui constituera son œuvre. Même sous le poids de la dictature chinoise qui le force à l’exil pendant vingt ans, il garde avec lui cet héritage, explique Judith Benhamou-Huet, commissaire de l’exposition. “Ça va le fasciner et le marquer pour toute sa vie. Ainsi, bien plus tard, alors qu’il a été envoyé de force sur l’ordre de Mao Zedong dans le nord de la Chine dans le cadre de la Révolution culturelle, il conserve avec lui une encyclopédie écrite en français qu'il ne cesse de relire. Tous les autres livres de sa bibliothèque ont été brûlés par lui-même, avec l’aide d’Ai Weiwei encore enfant, parce qu'ils étaient considérés par les autorités comme subversifs.” L'été dernier, Ai Weiwei s'est rendu pour la première fois à Marseille sur les pas de son père.
1 tonne. C’est le poids que représente chacun des deux savons de Marseille conçus spécialement pour l’exposition. Gravés respectivement de la Déclaration des droits de l’homme de 1789 et de la Déclaration des droits de la femme de 1791 (rédigée par Olympe de Gouges et jamais appliquée), ils symbolisent un savoir-faire propre à la cité phocéenne. “Le Mucem est un musée d’art populaire, et à ce titre, nous nous sommes intéressés à la tradition de ce savon au succès mondial, fabriqué ici depuis le Moyen Âge. Lorsqu’Ai Weiwei est venu à Marseille, il a été frappé par ce matériau associé à la ville. Il a voulu l'utiliser en grand format alors qu'il tend à se rétracter et à effacer, par l’usage, les inscriptions gravées à sa surface.”
1 tonne. C’est le poids que représente chacun des deux savons de Marseille conçus spécialement pour l’exposition. Gravés respectivement de la Déclaration des droits de l’homme de 1789 et de la Déclaration des droits de la femme de 1791 (rédigée par Olympe de Gouges et jamais appliquée), ils symbolisent un savoir-faire propre à la cité phocéenne. “Le Mucem est un musée d’art populaire, et à ce titre, nous nous sommes intéressés à la tradition de ce savon au succès mondial, fabriqué ici depuis le Moyen Âge. Lorsqu’Ai Weiwei est venu à Marseille, il a été frappé par ce matériau associé à la ville. Il a voulu l'utiliser en grand format alors qu'il tend à se rétracter et à effacer, par l’usage, les inscriptions gravées à sa surface.”
61. C’est le nombre de lustres anciens des années 1920-1930 rassemblés par Ai Weiwei pour former un seul lustre spectaculaire d’une tonne, exposé au Mucem. Un porte-bouteilles géant – référence à celui réalisé en 1914 par Marcel Duchamp – soutient l’œuvre. L’ensemble rappelle les lustres clinquants suspendus dans certains hôtels de grandes villes chinoises.
12. C’est le nombre de sculptures de têtes d’animaux dont l’œuvre Circle of Animals est composée, en référence aux 12 signes astrologiques chinois. Ai Weiwei a réalisé la copie d’une fontaine-horloge hautement symbolique en Chine. Fabriquée par un jésuite français au 18e siècle pour l’empereur Qianlong, elle a ensuite été récupérée de force par les Français. Judith Benhamou-Huet explique les enjeux d'une œuvre qui a fait polémique en Chine. “En 1860, la fontaine-horloge a été pillée par les troupes françaises et anglaises, et en 2009, deux têtes d'animaux se sont retrouvées mises aux enchères dans la collection Bergé-Saint Laurent, ce qui a suscité un énorme scandale en Chine. L’artiste nous interroge ici sur une œuvre conçue dans une esthétique française, par un Français, pour un empereur chinois, dont une partie s’est finalement retrouvée la propriété d’un collectionneur français, avant qu’elle ne retourne en Chine, car finalement considérée comme un élément clé du patrimoine chinois.”
2. C’est le nombre de photos de la fameuse série Study of Perspective d’Ai Weiwei, sur lesquelles un doigt d’honneur fait front à des monuments symbolisant le pouvoir culturel et politique. Ces deux photos sont mises en relation avec un reliquaire du 17e siècle, où les deux doigts levés ont une toute autre signification. Le clou du spectacle : une sculpture en cristal d’un bras moulé par Ai Weiwei, et qui, lui aussi, se prolonge par un doigt d’honneur. Judith Benhamou-Huet explique : “Ai Wei Wei a moulé la silhouette d’un de ses amis, de l’oreille au bout de la main, alors qu'il fait un doigt d’honneur. L'œuvre est placée non loin d’un bras-reliquaire du 17e siècle en bois doré, représentant un geste de bénédiction du Christ. On trouve donc d’un côté les deux doigts levés, symbole catholique par excellence, et d’un autre, ce geste frondeur, d’un artiste qui combat l’autorité et l’académisme sous toutes ses formes.”
Fan Tan par Ai Weiwei, exposition du 20 juin au 12 novembre 2018, au Mucem, Marseille.