Qui est Kalika, nouvelle star insolente de la pop qui mêle trash et finesse ?
Cette jeune révélation de la pop française fait une arrivée en fanfare sur la scène musicale. Insolente, extravertie, percutante, l’ex-candidate de la Nouvelle Star fait souffler un vent d’effronterie dans un paysage souvent trop sage. Avec ses textes crus et ses looks provocateurs, tous ongles vernis dehors, Kalika compte bien se tailler une place de choix parmi les artistes en vue, envoyant résolument valser les codes établis et les manières policées.
Kalika n’est pas de ces femmes qui passent inaperçues. Mèches bleues parsemant sa longue chevelure ébène, triple trait d’eye-liner autour des yeux, crayon marine soulignant le contour des lèvres et mèches fixées en épis formant autour de son visage une couronne stellaire… Même dans les locaux de son label, loin des studios de tournage de ses clips et des scènes de concert, la chanteuse de 23 ans ne délaisse pas sa parure d’artiste, bien décidée à montrer que la femme qui se trouve derrière n’est en vérité qu’une seule et même personne : extravertie, entière et explosive. À l’image de ses textes sans détour, celle qui qualifie sa musique de “chanson française trash aux mots tranchants” surprend par son franc-parler, de plus en plus rare chez les artistes émergents qui mesurent le moindre de leurs propos. Son univers visuel, dont elle gère l’intégralité de la direction artistique, traduit dès ses premiers clips un projet déjà très affûté : dans Mon amour, mon ami (2021), elle dégaine manteau léopard et combinaisons pailletées écarlates, barrettes de couleurs vives et visage couvert de bonbons et de glaçage pour gâteaux. Dans Olala, son clip le plus récent, sorti en 2022, elle danse en micro-brassière déchirée, legging bleu aux jambes annelées, longs ongles pointus bleu pastel, prisonnière d’une cage circulaire, au beau milieu d’un chapiteau de cirque. Avec son attitude badass, ses paroles crues et sa voix rauque, Kalika dénote et détonne dans la scène française actuelle en assumant frontalement son extravagance et sa sensualité ravageuse.
Il y a quelques années pourtant, la carrière de Kalika aurait pu prendre une tout autre direction. Initialement, Mia – de son vrai nom – était une jeune fille de la région d’Avignon passionnée de musique. À la maison, son père joue du violon, tandis que chez sa grand-mère maternelle, vivant parmi les gens du voyage, la jeune fille grandit au son de la musique manouche. Ses séjours de plusieurs mois dans le sud de l’Inde avec sa mère doctorante, spécialiste de ce pays, nourrissent quant à eux l’imaginaire coloré et multisensoriel qui la caractérise désormais. Vers l’âge de 7 ans, le biopic de Ray Charles lui donne l’envie de chanter, une passion qu’elle alimentera par une participation assidue aux karaokés de sa région. Quelques années de piano et de chorale plus tard, en 2016, âgée de 17 ans, Mia candidate à la compétition musicale la plus suivie de la télévision française : Nouvelle Star. Lors du premier casting filmé, trois des quatre jurés sont emballés, à l’exception de JoeyStarr, qui ne masque pas son scepticisme. Mais alors que l’apprentie chanteuse progresse jusqu’au théâtre de Baltard, ses prestations finiront par convaincre le rappeur revêche : “Au début, il était dur car il était dans son personnage, mais au fond, c’est quelqu’un de très cool. On est même devenus copains”, s’amuse la jeune femme. “C’était comme une école de musique accélérée”, se remémore avec enthousiasme celle qui finit par décrocher la deuxième place sur le podium final. Alors que sa médiatisation lui procure plusieurs propositions, la plus jeune candidate de cette édition les refusera une par une pour continuer à étudier la musique et consolider son projet. “Je préférais continuer à galérer, mais construire quelque chose dont je serais fière plus tard.” Elle suivra alors un cursus à la MAI, prestigieuse école de musique de Nancy, puis à l’école de jazz pour parfaire sa pratique du chant, du piano, de l’écriture mais aussi de la scène.
“Je voulais montrer dès le départ que je ne serais pas une chanteuse bien sous tous rapports, qui porte des petites chemises en soie et des mocassins.”
“J’écris comme je parle : ce n’est pas parce que je fais de la musique que je vais me mettre à chanter comme Françoise Hardy.”
Dès son premier titre original L’été est mort, paru en janvier 2021, Kalika frappe fort : “C’est pas possible tu m’désespères avec tes chicots de travers/ Et dire que j’y ai mis ma langue dans ta caverne d’Ali gang bang”, entonne-t-elle avant d’enchaîner : “Ne mets plus tes doigts dans mes fesses, ne m’appelle plus ta tigresse”. Délicieusement subversif, le couplet aux airs de règlement de comptes fait mouche par son audace, mais prend le risque de diviser : est-ce là un titre parodique, un simple coup de com ou un projet sincère ? Très réfléchie, la décision clivante de la jeune femme d’introduire son disque avec ce morceau vise précisément à affirmer sa radicalité. “Je voulais montrer dès le départ que je ne serais pas une chanteuse bien sous tous rapports, qui porte des petites chemises en soie et des mocassins”, ironise-t-elle sans citer de noms. Bercée par la chanson française et le jazz manouche, ses influences se détournent d’ailleurs complètement de la scène francophone actuelle : l’artiste évoque plutôt le rappeur estonien Tommy Cash et son univers barré, l’électro-pop joyeusement foutraque de la Britannique Charli XCX ou encore le hip-hop insolent et trash du duo sud-africain Die Antwoord, tous reliés par des univers transgressifs et sans tabou, bousculant dans le fond comme dans la forme les codes des genres auxquels ils sont traditionnellement affiliés. “J’aime quand un morceau est cru mais qu’il y a de la finesse, car cru ne veut pas dire vulgaire, justifie Kalika. J’écris comme je parle : ce n’est pas parce que je fais de la musique que je vais me mettre à chanter comme Françoise Hardy. Je ne viens pas du même milieu et nous n’avons pas les mêmes histoires à raconter.” Parmi ses inspirations majeures dans la pop française actuelle, elle cite cependant le duo Yelle, dont elle assurait, sur la tournée 2021, la première partie.
L’objectif de Kalika de donner un salutaire coup de pied dans la fourmilière de la pop française semble atteint. Dans Chaudasse, dont le clip filmé dans une caravane s’inspire du cadre dans lequel elle a grandi avec sa grand-mère, l’artiste raconte : “Pourquoi faudrait-il que je passe/ Encore une fois pour la chaudasse ?/ Pourquoi le mec serait pas fautif ?/ C’est lui qui dégrafe les soutifs” Brûlot féministe ou hommage au milieu tzigane ? “La culture gitane et la culture pop, le féminisme et le côté punk font tous partie de moi : ils seront toujours présents par bribes dans mon projet, à travers les paroles, les clips, les vêtements, le vocabulaire ou encore l’attitude.” Début mars, Kalika dévoile son premier EP Latcho Drom, titre provenant d’une expression tzigane qui signifie “bonne route” choisie en clin d’œil à ses origines. En trois ans, l’artiste prolifique a déjà écrit une centaine de morceaux. Comment a-t-elle élu les sept retenus sur son opus ? “Le couperet, c’est lorsqu’on joue a cappella, ou juste avec un piano ou une guitare, rétorque-t-elle. Quand le morceau fonctionne sans artifices, sans arrangements et sans production, que la mélodie est assez forte pour se suffire à elle-même et que le texte raconte une histoire, c’est que la base est bonne.” Au fil de Latcho Drom, Kalika déroule un récit musical au relief inattendu : si les morceaux incisifs le jalonnent comme des points de repère, des titres plus calmes (Touche-moi ou Dinosaure) révèlent une facette bien plus mélancolique où la chanteuse à fleur de peau dévoile ses émois sous leur forme la plus pure. “Ça me plaît car Dinosaure et L’été est mort représentent pour l’instant les deux extrêmes de ce que je peux faire et de ce que je suis, se réjouit-elle, rêvant déjà aux nouvelles manières de les interpréter sur scène, avec musiciens, danseurs, robots-dinosaures et cornes de diable géantes à l’appui. Car ce qui me plaît à moi, ce sont les extrêmes.”
Latcho Drom (Cinq 7) de Kalika, disponible.
En 2019, Mia est fin prête à se lancer en solo. Au prénom que les téléspectateurs connaissaient, jugé trop doux par la jeune femme, elle préfère son deuxième prénom, Kalika, qui ouvre un nouveau cycle dans sa carrière. Ce prénom, choisi par ses parents, porte en effet une double référence à sa culture. Il renvoie d’une part à Sara la Kali, sainte vénérée par la communauté gitane, mais aussi à Kali, déesse mère hindoue de la Protection, de la Transformation et de la… Destruction. Mais alors que Kalika signe avec son label début 2020, le premier confinement est annoncé. Frustrée de ne pas passer le seuil des studios, fermés jusqu’à nouvel ordre, la Parisienne ne se laisse pas abattre et, dans la continuité de ses performances sur la scène de Baltard, reprend des titres d’artistes très variés, de Roméo Elvis à Maître Gims en passant par Marie Laforêt, Billie Eilish et Dua Lipa. Durant le confinement, en mars et en avril 2020, elle se lance un nouveau challenge, invitant ses abonnés à lui envoyer des textes racontant leur histoire, drôle ou tragique, à partir desquels elle écrira une chanson en deux jours avant de jouer en direct sur Instagram. Quelques mois plus tard, elle publie sur son compte les “versions du balcon”, interprétations de ses titres ou de reprises filmées au smartphone sur la surface exiguë de son balcon parisien avec son guitariste Balthazar Picard, qu’elle poursuit encore à ce jour, y conviant même d’autres artistes comme Joanna. Spontanées et peu coûteuses, ces initiatives lui permettent d’étendre sa communauté au point que certaines vidéos deviendront virales sur TikTok, avant même la sortie de son EP.