Qui est le créateur et ébéniste Amaury Darras, finaliste du 40e Festival de Hyères ?
Bien que le prochain Festival de Hyères soit prévu du 16 au 19 octobre 2025, les noms des jurys et finalistes viennent de tomber. Parmi eux se retrouve l’artiste, ébéniste et créateur de vêtements en bois Amaury Darras, basé à Marseille, que Numéro a eu la chance de rencontrer il y a un mois de cela. À travers son regard passionné, le jeune homme s’est confié sur les mystères de sa pratique, ses inspirations et ses plus grands désirs, tout en témoignant avec sincérité de sa dévotion pour l’artisanat.
par Louise Menard.
Publié le 7 février 2025. Modifié le 9 février 2025.

Des créations en bois entre vêtements et sculptures
Amaury Darras ne semble pas conscient de son talent. Et ce, malgré de prestigieuses collaborations avec la marque Zomer, ou encore avec la chanteuse Björk et des apparitions dans des magazines de mode réputés comme Vogue, Dazed ou encore Harper’s Bazaar.
Ayant passé une grande partie de son enfance dans l’atelier de menuiserie de son grand-père, le jeune homme de 27 ans y découvre alors l’univers du bois et le travail de ce matériau noble. Très tôt, il utilise cette pratique comme un défouloir, mais aussi comme un moyen pour s’évader.
Peu à l’aise à l’école, il quitte le parcours traditionnel pour l’école Boulle, puis enchaîne avec six années d’ébénisterie. Accompagné d’un ami, il ouvre un atelier au cœur de la cité phocéenne, véritable refuge et point de départ de ses sculptures.
Toutes réalisées à la main, de la maquette en carton au facettage en passant par le patronage, les pièces d’Amaury Darras, sont innovantes autant pour le domaine de la mode que pour celui du travail du bois. Avez-vous déjà vu auparavant une visière, un harnais, un corset, des sabots et même un pantalon en bois ?
En osant le mélange des genres et l’utilisation de formes pleines et solides inhabituelles, le créateur pousse le savoir-faire toujours un peu plus loin et chérit une technique autour de laquelle il entretient un mystère fascinant.

Amaury Darras parmi les finalistes du 40e Festival de Hyères
2025 est une grande année pour le Festival de Hyères, l’un des festivals les plus attendus de la sphère artistique, tant par les créateurs émergents que par les professionnels de l’industrie de la mode, des accessoires et de la photographie.
Depuis 40 ans désormais, l’événement, organisé au cœur de la célèbre Villa Noailles, honore l’artisanat et dévoile au grand jour des créateurs de talent, sous l’égide de Jean-Pierre Blanc, fondateur du Festival.
Outre le concours de mode et celui de photographie, c’est le concours consacré à la création d’accessoires qui a particulièrement retenu notre attention. Si, cette année, le jury mode se compose de personnalités éminentes, Julien Dossena (Rabanne), les directeurs artistiques de Viktor & Rolf, Pelagia Kolotouros (Lacoste), Alexandre Mattiussi (Ami), Louis Gabriel Nouchi ou Ludovic de Saint Sernin, le jury accessoires est loin d’être en reste. Au sein de celui-ci se retrouve en effet Charlotte Chesnais, Pierre Hardy, la fondatrice et créatrice de La Manso,
Christian Louboutin ou encore le chapelier Philip Treacy. Autant de figures incontournables du milieu de la mode, qui ont choisi pas moins de dix jeunes talents. Parmi lesquels l’artiste et ébéniste Amaury Darras.
Le jeune homme aura alors l’occasion de présenter ses pièces au sein d’une exposition collective, du 16 au 19 octobre 2025, et de bénéficier ainsi d’une visibilité à la portée internationale, qui, on l’espère, saura rendre justice à son art et lui porter la chance qu’il mérite…
L’interview du designer de mode Amaury Darras
Numéro : Pourriez-vous nous décrire votre parcours en quelques mots ?
À 15 ans, j’ai arrêté l’école pour débuter un CAP ébénisterie en apprentissage, puis j’ai intégré l’école Boulle où je suis resté deux ans, le temps de passer mon brevet de métier d’art avant de véritablement débuter ma carrière en ébénisterie. Après, j’ai travaillé dans une entreprise à Orléans spécialisée dans la copie de meubles anciens pour des palaces et, dans un autre registre, j’ai aussi fait du prototypage pour de grands designers. Ces expériences ont été vraiment formatrices car ce que j’y faisais était extrêmement complexe d’un point de vue technique. Mais je ne m’y retrouvais pas sur le plan esthétique…

À quel moment avez-vous décidé de devenir créateur ?
Je me suis lancé il y a environ trois ans, ce qui n’était pas une décision facile à prendre. Mais je ne pouvais plus continuer ainsi. Je me sentais bloqué dans une espèce de frustration créative engendrée par le fait de ne pas pourvoir m’exprimer librement, de sans cesse devoir traduire la vision des autres. J’avais un peu fait le tour de l’univers du mobilier aussi…

Une passion pour le bois
Comment vous est venue l’idée de faire des vêtements en bois ?
Je voulais faire quelque chose de neuf tout en mélangeant des univers et en combinant mes passions. À l’époque, je dessinais beaucoup de personnages de BD, des costumes aussi. Puis je me suis intéressé aux accessoires, ce qui m’a finalement amené à me tourner vers le corps. Ce qui me plaît avec le bois, c’est son aspect très organique et le défi technique que son utilisation implique. Tout faire pour rendre mes créations légères et portables surtout, est un challenge quotidien qui me stimule.

Comment travaillez-vous cette matière ?
Même si je garde mon procédé technique confidentiel, je peux dire pour faire simple, que ce que je fais consiste en une forme de marqueterie en 3D. J’ai beaucoup utilisé la ronce de noyer français, partie de l’arbre située entre le tronc et les racines, parce que visuellement c’est ce qui va être le plus intéressant et parce que j’aime cette teinte de marron chaud qui la caractérise. Comme on travaillerait un tissu, je sélectionne des placages qui permettent de jouer avec les symétries et les motifs naturellement présents sur le bois. J’aime aussi créer un contraste entre les volumes imposants de mes pièces, leur aspect massif et la finesse de leur exécution.
Thierry Mugler et l’Art déco comme inspirations
Quelles sont vos inspirations ?
Côté mode, je pense que le créateur Thierry Mugler m’a profondément inspiré pour tout ce qui est approche des formes, esthétique, structures solides, processus de création mais aussi amour de l’artisanat. Sinon je pense à l’artisan du cuir Robert Mercier, qui a beaucoup collaboré avec Balmain et Loewe. Et puis à certains mouvements comme l’Art déco, l’Art nouveau, qui se succèdent et pourtant s’opposent et qui ont eu une influence énorme sur mes créations.
Quel serait votre plus grand rêve ?
Peut-être avoir une ou plusieurs de mes pièces au sein d’une exposition permanente au musée des Arts décoratifs de Paris. Je crois que c’est le lieu que j’ai le plus exploré dans ma vie. Il incarne pour moi l’union parfaite entre mode, mobilier et artisanat français.
Crédits shoot : production, Bloom Studio par Imane El Aouad. Bijoux Alizée Quitman. Talents Aquani Vega et Omar Sy. Hairstyle Manon Martin. Make-up Garance Murru. Nails Charlie Poussin.