On a rencontré BFRND, le mystérieux et génial musicien des shows Balenciaga
Le Français BFRND accompagne depuis plusieurs années les défilés Balenciaga de sa techno-symphonique flambloyante. Pour Numéro, il se confie sur son récent album ELEPHANT. Electrisant.
Propos recueillis par Thibaut Wychowanok.
NUMERO: L’album servait à l’origine de bande originale pour la collection été 2023 de Balenciaga. En quoi ces 4 titres expriment-ils chacun à leur manière le concept et l’approche originale du défilé ?
Chaque morceau représente un sentiment lié à l’idée selon laquelle il faut se battre pour être qui nous sommes.
Quelle a été l’inspiration ou le concept ayant initié chaque morceau ?
Elephant ouvre l’album. Il tient quasiment le rôle d’un réveil qui sonne pour vous tirer d’un rêve profond ; le temps de la prise de conscience, de la première silhouette, de la sécurité a sonné.
Untouchable sonne comme une toux, un raclement de gorge, quelque chose devenu tabou aujourd’hui à cause de la pandémie. Ce morceau joue sur cette idée de tabou.
Rage couvre la partie la plus longue du défilé. Le morceau parle de ce que nous ressentons lorsque nous poursuivons nos rêves, lorsque le monde extérieur n’est pas prêt à recevoir nos idées et que nous devons vous battre pour elles, même quand le frigo est vide, parce que nous croyons en nous et au fait que nous parviendrons à nos fins.
Heroes est un hymne pour toutes les personnes qui ont souffert dans leur vie. Il célèbre leur puissance et sert d’inspiration à ceux qui souffrent encore aujourd’hui. Il les encourage à continuer à aller de l’avant, coûte que coûte.
Quelles sont les valeurs ou stratégies que vous partagez avec Balenciaga ?
Je pense que quand on veut produire quelque chose de qualitatif, on ne peut pas s’éparpiller dans tous les sens et prétendre être une star. Il faut travailler très dur, se surpasser autant que possible, sortir de sa zone de confort, et ensuite la reconnaissance et les applaudissements que vous méritez suivront. C’est ce que je ressens lorsque Demna me pousse à sortir de ma zone de confort. Il peut parfois être dur avec moi, mais jamais injuste. C’est une personne très émotive et d’une grande sensibilité qui m’aide toujours à progresser à pas de géant à travers nos collaborations en me faisant prendre conscience de mes points forts.
L’éléphant est une référence à l’expression anglophone « l’éléphant dans la pièce ». Quels sont les questions ou sujets importants qui ne sont pas abordés aujourd’hui dans l’industrie artistique (art, musique, mode) ?
Adolescent, j’étais gay et gothique. J’ai grandi dans une petite ville très homophobe qui s’opposait fermement à toute forme de culture alternative et votait pour des partis d’extrême droite. Je me faisais quotidiennement harceler physiquement ou verbalement dans la rue de mes 14 ans à mes 25 ans. Il s’agit clairement d’une forme d’abus et j’en ai été victime. Aujourd’hui, quand je parle de l’éléphant dans la pièce, je parle de gens qui, comme moi, sont victimes de cette société dans laquelle il est normal de se moquer et de blesser des gens comme nous à cause de nos différences. Ma famille et moi sommes tous très minces ; c’est génétique. Vous ne pouvez pas vous imaginer combien de personnes osent commenter mon corps, et pas seulement sur les réseaux sociaux, parce qu’il leur semble normal d’exprimer des sentiments négatifs à l’égard d’un corps maigre. Les gens ont une parole débridée à ce sujet. Dieu merci, je me sens bien dans mon corps, donc cela ne me touche pas personnellement. D’ailleurs, ces gens-là ne se soucient pas de ce que je peux ressentir.
Quel devrait être le rôle et la stratégie d’un artiste évoluant dans une société où certains sujets ne peuvent plus être abordés ?
Je pense que si vous avez une voix qui a un impact sur un grand nombre de personnes, vous vous devez de partager vos valeurs et de choisir votre combat. Les gens vous aiment pour une raison et vous pouvez sûrement communiquer avec votre public de manière pédagogique afin de les éduquer sur des sujets qui vous tiennent à cœur.
L’œuvre a été entièrement générée par une intelligence artificielle transformant du texte en image. Pouvez-vous expliquer comment fonctionne cette I.A. et comment l’œuvre a-t- elle été conçue ?
Pour faire simple, l’I.A. est semblable à un robot auquel vous écrivez un texte décrivant votre idée de manière assez précise. Vous pouvez même demander que l’image finale soit en 3D ou une peinture à l’huile. L’I.A. peut générer autant de propositions que vous le souhaitez. J’ai donc décidé de travailler sur cette peinture au pastel qui représente un groupe de personnes marchant en direction d’une ville en feu. Elle représente un peu mon état d’esprit lorsque je travaillais sur ce défilé. Une énergie débordante brûlait en moi.
Dans un avenir proche, quel pourrait être l’impact de l’I.A. sur l’industrie musicale ? Quel pourrait être l’avenir de la musique avec cette technologie ?
Je pense qu’elle deviendra un outil. C’est comme avoir un frère jumeau, un autre cerveau à qui vous pouvez apprendre à sonner comme vous et qui peut finalement devenir votre petit lutin de Noël. Pour l’instant, la technologie est très primitive et opaque, mais dans quelques années nous serons tous les témoins de choses étonnantes émanant d’elle.
Quand et quel a été le tout premier morceau que vous avez produit ?
J’ai composé mon premier morceau guitare/voix vers l’âge de 11 ans. Il était très sombre et cold wave, mais aussi très beau. À dire vrai, je joue encore ce titre et peut-être que je le sortirais un jour !
Quand et pourquoi avez-vous pris la décision de devenir artiste ?
Je n’ai pas de date précise en tête, mais il me semble avoir toujours voulu être un artiste. Enfant, je restais seul à la maison pendant que mes parents étaient au travail et la première chose qui me traversait l’esprit était de danser et de chanter avec la musique à fond dans l’escalier à la manière de Britney Spears. C’est tout ce dont je me souviens.
Y a-t-il déjà eu une figure passée ou actuelle dans l’industrie de la musique qui a été une source d’inspiration pour vous ?
Thom Yorke est vraiment le meilleur à mon sens. Il n’y a rien de mauvais dans ce qu’il a fait par le passé et il produit encore des choses incroyables aujourd’hui. Il n’est absolument pas intéressé par la célébrité, seulement par la perfection musicale. Je respecte beaucoup cela.
Battant aux rythmes sombres et violents de tous les affects et crises de la société contemporaine, la musique opératique de BFRND évoque un monde en lutte, entre tragédies et révoltes grandioses. Alors que les sublimes 17 minutes imaginées pour le show printemps-été 2023 de Balenciaga (un défilé en pleine boue dans un décor post-apocalyptique) sont enfin réunies au sein de l’album ELEPHANT, le musicien – marié à Demna, directeur de création de Balenciaga, et figure de la maison (des campagnes aux projets spéciaux comme ce fameux épisode spécial des Simpsons ) – nous décryptique ce nouvel opus, son titre énigmatique et nous éclaire sur ce que veut dire être artiste dans un monde en mutation et en crise.
Numéro : L’album a été imaginé à l’origine comme la bande originale de la collection été 2023 de Balenciaga. En quoi ces 4 titres expriment-ils chacun à leur manière le concept et l’approche originale du défilé ? Quelles valeurs partagez-vous avec la maison ?
BFRND : Chaque morceau représente un sentiment lié à l’idée selon laquelle il faut se battre pour être qui nous sommes. Je pense que quand on veut produire quelque chose de qualitatif, on ne peut pas s’éparpiller dans tous les sens et prétendre être une star. Il faut travailler très dur, se surpasser autant que possible, sortir de sa zone de confort, et ensuite la reconnaissance et les applaudissements que vous méritez suivront. C’est ce que je ressens lorsque Demna me pousse à sortir de ma zone de confort. Il peut parfois être dur avec moi, mais jamais injuste. C’est une personne très émotive et d’une grande sensibilité qui m’aide toujours à progresser à pas de géant à travers nos collaborations en me faisant prendre conscience de mes points forts.
Quelle a été l’inspiration ou le concept ayant initié chaque morceau ?
Elephant ouvre l’album. Il tient quasiment le rôle d’un réveil qui sonne pour vous tirer d’un rêve profond ; le temps de la prise de conscience, de la première silhouette, de la sécurité a sonné. Untouchable sonne comme une toux, un raclement de gorge, quelque chose devenu tabou aujourd’hui à cause de la pandémie. Ce morceau joue sur cette idée de tabou. Rage couvre la partie la plus longue du défilé. Le morceau parle de ce que nous ressentons lorsque nous poursuivons nos rêves, lorsque le monde extérieur n’est pas prêt à recevoir nos idées et que nous devons vous battre pour elles, même quand le frigo est vide, parce que nous croyons en nous et au fait que nous parviendrons à nos fins. Heroes est un hymne pour toutes les personnes qui ont souffert dans leur vie. Il célèbre leur puissance et sert d’inspiration à ceux qui souffrent encore aujourd’hui. Il les encourage à continuer à aller de l’avant, coûte que coûte.
ELEPHANT est une référence à l’expression anglophone “l’éléphant dans la pièce” (à propos d’un sujet ou d’un problème flagrant que personne ne veut évoquer). Quels sont les questions ou sujets importants qui ne sont pas abordés aujourd’hui dans l’industrie artistique ?
Adolescent, j’étais gay et gothique. J’ai grandi dans une petite ville très homophobe qui s’opposait fermement à toute forme de culture alternative et votait pour des partis d’extrême droite. Je me faisais quotidiennement harceler physiquement ou verbalement dans la rue de mes 14 ans à mes 25 ans. Il s’agit clairement d’une forme d’abus et j’en ai été victime. Aujourd’hui, quand je parle de ”l’éléphant dans la pièce”, je parle de gens qui, comme moi, sont victimes de cette société dans laquelle il est normal de se moquer et de blesser des gens comme nous à cause de nos différences. Ma famille et moi sommes tous très minces ; c’est génétique. Vous ne pouvez pas vous imaginer combien de personnes osent commenter mon corps, et pas seulement sur les réseaux sociaux, parce qu’il leur semble normal d’exprimer des sentiments négatifs à l’égard d’un corps maigre. Les gens ont une parole débridée à ce sujet. Dieu merci, je me sens bien dans mon corps, donc cela ne me touche pas personnellement. D’ailleurs, ces gens-là ne se soucient pas de ce que je peux ressentir.
Quel devrait être le rôle et la stratégie d’un artiste évoluant dans une société où certains sujets ne peuvent plus être abordés ?
Je pense que si vous avez une voix qui a un impact sur un grand nombre de personnes, vous vous devez de partager vos valeurs et de choisir votre combat. Les gens vous aiment pour une raison et vous pouvez sûrement communiquer avec votre public de manière pédagogique afin de les éduquer sur des sujets qui vous tiennent à cœur.
L’artwork de l’album a été entièrement générée par une intelligence artificielle. Pouvez-vous expliquer comment fonctionne cette I.A. ?
Pour faire simple, l’I.A. est semblable à un robot auquel vous écrivez un texte décrivant votre idée de manière assez précise. Vous pouvez même demander que l’image finale soit en 3D ou une peinture à l’huile. L’I.A. peut générer autant de propositions que vous le souhaitez. J’ai donc décidé de travailler sur cette peinture au pastel qui représente un groupe de personnes marchant en direction d’une ville en feu. Elle représente un peu mon état d’esprit lorsque je travaillais sur ce défilé. Une énergie débordante brûlait en moi.
Dans un avenir proche, quel pourrait être l’impact de l’I.A. sur l’industrie musicale ? Quel pourrait être l’avenir de la musique avec cette technologie ?
Je pense qu’elle deviendra un outil. C’est comme avoir un frère jumeau, un autre cerveau à qui vous pouvez apprendre à sonner comme vous et qui peut finalement devenir votre petit lutin de Noël. Pour l’instant, la technologie est très primitive et opaque, mais dans quelques années nous serons tous les témoins de choses étonnantes émanant d’elle.
Quand et quel a été le tout premier morceau que vous avez produit ?
J’ai composé mon premier morceau guitare/voix vers l’âge de 11 ans. Il était très sombre et cold wave, mais aussi très beau. À dire vrai, je joue encore ce titre et peut-être que je le sortirais un jour !
Quand et pourquoi avez-vous pris la décision de devenir artiste ?
Je n’ai pas de date précise en tête, mais il me semble avoir toujours voulu être un artiste. Enfant, je restais seul à la maison pendant que mes parents étaient au travail et la première chose qui me traversait l’esprit était de danser et de chanter avec la musique à fond dans l’escalier à la manière de Britney Spears. C’est tout ce dont je me souviens.
Y a-t-il déjà eu une figure passée ou actuelle dans l’industrie de la musique qui a été une source d’inspiration pour vous ?
Thom Yorke est vraiment le meilleur à mon sens. Il n’y a rien de mauvais dans ce qu’il a fait par le passé et il produit encore des choses incroyables aujourd’hui. Il n’est absolument pas intéressé par la célébrité, seulement par la perfection musicale. Je respecte beaucoup cela.
Elephant de BFRND. Disponible.