22 nov 2025

Marie-Antoinette en 3 scandales qui ont forgé le mythe

Depuis sa disparition il y a plus de deux siècles, l’histoire et le visage de Marie-Antoinette fascinent l’imaginaire collectif. De son opulente garde-robe aux rumeurs qui ont assombri son règne, on retient de cette figure couronnée un mythe, au cœur de la nouvelle exposition du Victoria & Albert Museum de Londres, ouverte jusqu’au 22 mars 2026. Lubrique, dépensière, superficielle, égoïste, libertine… Autant d’adjectifs qui façonnent aujourd’hui sa légende et nourrissent les scénarios de films, de morceaux de musique et de collections de mode. Numéro revient sur trois scandales qui ont forgé le mythe de la dernière – et la plus célèbre – reine de France.

  • Par Camille Bois-Martin.

  • Publié le 22 novembre 2025. Modifié le 24 novembre 2025.

    Marie-Antoinette : une reine scrutée, copiée et commentée depuis ses 14 ans

    À peine âgée de 14 ans, Marie-Antoinette (1755-1793) suscite dès son arrivée à la cour de France une grande fascination, doublée de curiosité. Vêtue d’une robe scintillante façonnée à partir d’un tissu argenté à l’occasion de son mariage avec le dauphin, la future reine de France inaugure alors deux décennies d’apparitions scrutées, commentées et copiées…

    À tel point que, pendant son règne, sa garde-robe restera ouverte aux courtisans de passage à Versailles, libres de venir observer chaque broderie et tissu lui appartenant. Entre les murs de cet illustre château, ils découvrent ainsi le style audacieux d’une reine qui tord le cou aux codes vestimentaires rigides de son époque et adopte des silhouettes novatrices, qui provoquent de nombreux débats… Autant de vêtements, de bijoux, de chaussures et de perruques qui sont aujourd’hui réunis pour la première fois depuis sa mort au sein d’une exposition dédiée à la souveraine au Victoria & Albert Museum de Londres.

    Retour sur trois scandales qui ont forgé le mythe de Marie-Antoinette, de son portrait en déshabillé à ses coiffures extravagantes, en passant par l’incontournable affaire du collier de la reine.

    1. Le portrait de Marie-Antoinette en “déshabillé”

    Marie-Antoinette est probablement l’une des reines dont on a le plus peint le portrait. Là où il était de coutume pour les rois de prendre la pose au fil de leur vie, et à l’occasion d’événements historiques, les représentations de leur épouse se faisaient plus rares, les montrant la plupart du temps auprès d’eux et de leurs enfants. Ainsi, s’il existe autant de tableaux de la dernière reine de France, c’est grâce à sa relation avec la peintre Élisabeth-Louise Vigée Le Brun – qui fait, elle aussi, figure d’ovni pour l’époque.

    Artiste féminine plébiscitée, elle réalise en effet de nombreuses commandes pour l’aristocratie de la seconde moitié du 18e siècle. En particulier, donc, pour Marie-Antoinette, dont elle peint un premier portrait en 1778. S’ensuivent alors six années de collaboration prolifique, au cours desquelles elle réalise non moins de trente peintures de la souveraine. Une, en particulier, restera dans la légende… Au fil de leur proximité de plus en plus grande, la reine l’accueille en effet dans ses petits appartements (lieux de résidence les plus privés de la couronne).

    Une controverse et une tendance de mode…

    En 1783, Élisabeth-Louise Vigée Le Brun dévoile au Salon de peinture et de sculpture un portrait de la reine “en robe de mousseline” : on la découvre alors dans un intérieur intime, une rose à la main, simplement vêtue d’un ensemble blanc proche des vêtements d’intérieurs blancs de l’époque, dits “déshabillés”. Autrement dit, une robe que toute personne de haut rang n’arbore que dans sa chambre et en compagnie de son époux ou épouse… La controverse ne se fait pas attendre..

    Le public est en effet choqué par l’accoutrement de la reine de France, dont la tenue en lin blanc se rapproche des sous-vêtements masculins et féminins de l’époque. Élisabeth-Louise Vigée Le Brun doit alors rapidement préparer un portrait de remplacement. Elle signe un second tableau, dit Portrait de Marie-Antoinette à la rose, sur lequel la souveraine apparaît à nouveau de profil et une rose à la main. Mais, cette fois-ci, habillée d’une sublime robe en soie bleue…

    Si la polémique s’estompe, le portrait initial aura un impact durable sur la mode de l’époque. En dépit (ou grâce) au scandale, ces ensembles informels en lin et mousseline vont en effet rapidement séduire les femmes, en partie dans les colonies françaises en Inde. Renommée “chemise à la reine”, cette tenue – bien plus confortable que les robes d’alors – devient ainsi largement populaire et sera adoptée par les courtisanes des décennies suivantes…

    2. Le célèbre scandale du collier de la reine

    Parmi les trésors actuellement exposés au Victoria and Albert Museum de Londres, on croise la célèbre parure à l’origine du scandale du collier de la reine… Deux ans seulement après la controverse du portrait de Marie-Antoinette, une nouvelle affaire secoue la réputation de la souveraine et attise la haine populaire qui mènera à la Révolution française.

    Composé de près de 650 diamants et pesant 2842 carats, il s’agit là du collier le plus cher jamais réalisé en France. Commandité par Louis XV pour sa favorite Madame du Barry, le bijou ne sera terminé qu’après la mort du roi. Il sera alors proposé à Marie-Antoinette, qui le refuse néanmoins à cause de son coût astronomique. Mais cette dernière se retrouve, malgré tout, au cœur d’une affaire sans précédent…

    Désireux de retrouver les faveurs de la reine, le cardinal de Rohan, répudié par cette dernière pour ses mœurs licencieuses, fait confiance à une prétendue amie de la souveraine, la “comtesse” de La Motte. Celle-ci lui promet un retour en grâce et organise, à ses dépens, un complot. Après avoir falsifié des lettres de Marie-Antoinette, elle va jusqu’à se travestir pour rencontrer de Rohan, et lui faire croire qu’il a en face de lui la reine de France. Elle propose alors au cardinal de servir de prête-nom pour la reine et de chapeauter l’achat de ce somptueux, moyennant un échelonnement en quatre versements sur deux ans.

    Un train de vie luxueux à contre-courant de son temps

    Les joailliers de la Couronne, soulagés de pouvoir enfin vendre cette coûteuse parure, la remettent ainsi au cardinal de Rohan. Celui-ci la transmet à la fausse comtesse de La Motte, qui disparaît dans la nature… avec le bijou. La reine est alors accusée de malversation par les bijoutiers, qui ne voient jamais arriver la colossale somme attendue. Une enquête est ouverte et le cardinal est accusé. Alors que le scandale éclate à Paris, Marie-Antoinette se retrouve fustigée pour ses goûts de luxe et accusée de ruiner la royauté – et le peuple de France. Si l’affaire aboutit finalement sur la condamnation de Madame de la Motte et ses complices, retrouvés entre-temps, la controverse est telle que l’impopularité de la souveraine ne cesse de croître.

    D’autant qu’au cours de son règne, la reine accumule de nombreuses et somptueuses parures, innovantes dans leur coupe, entre bagues en forme de cœur ou de boucles d’oreilles imitant un nœud… Un train de vie luxueux que le peuple français juge d’autant plus indécent face à la famine et les crises dont il souffre alors. Et auquel la couronne n’a d’ailleurs plus les moyens de subvenir, opérant à crédit avec ses fournisseurs à condition d’une mise en avant à la cour ou dans un tableau. Un système que l’on pourrait aujourd’hui rapprocher, par exemple, des échanges de visibilité proposés par les célébrités et influenceurs, des tapis rouges aux réseaux sociaux.

    3. Le pouf, signature et symbole de décadence

    Comme la guillotine, Marie-Antoinette survit par son mythe et par les représentations de la Révolution Française qui ont forgé sa légende. En particulier au gré des caricatures qui ont terni la fin de son règne, dont on retrouve de nombreux exemples au sein de l’exposition du Victoria & Albert Museum. Un “détail” en particulier semble inspirer les artistes de l’époque : son extravagante coiffe blanche, montée sur sa tête comme une crème chantilly.

    Forcée de quitter Versailles pour la prison du Temple puis celle de la Conciergerie, Marie-Antoinette abandonne, au cours de cette funeste période, tous ses attirails – et donc, sa légendaire coiffure. Mais son image reste à jamais liée à ses cheveux poudrés et redressés au-dessus de son crâne, dans une mise en beauté appelée “le pouf”.

    Créée par le coiffeur Léonard et popularisé par la souveraine, celle-ci est confectionnée à partir d’un échafaudage de fils de fer, de tissus, de gaze, de crins, de faux cheveux et des propres cheveux de la cliente. La coiffe, décorée de plumes, de fleurs ou de bijoux, peut parfois dépasser un mètre de hauteur et atteindre cinq kilos ! Et son temps de confection demander plusieurs heures… voire tout un après-midi. Pour son aspect pompeux, l’artifice devient rapidement l’objet de nombreuses moqueries.

    Entre caricature et réalité

    Dès la fin des années 1770, de nombreuses caricatures fleurissent, représentant Marie-Antoinette coiffée d’objets plus insolites les uns que les autres. Sur l’une, on retrouve dans la chevelure le jardin de Versailles, sur une autre, la perruque fait dix fois la taille de la reine… Un jeu de société inspiré par la coiffe devient même populaire à la fin du 18e siècle. Sur son plateau, on découvre les coiffures les plus extravagantes de la reine, de la toilette matinale à ses apparitions officielles. Le carré gagnant présente la souveraine célébrant la victoire de Frégate de la Liberté (1781), brandissant une palme de la victoire… avec une poule nichée dans ses cheveux.

    De ses cheveux à ses bijoux en passant par sa garde-robe, Marie-Antoinette fascine autant qu’elle scandalise. Un cocktail sulfureux, largement caricaturé et exagéré lors de la Révolution française, qui se retrouve ainsi à l’origine des scandales qui ont forgé son mythe, toujours au cœur de notre imaginaire collectif.

    “Marie-Antoinette Style”, exposition jusqu’au 22 mars 2026 au Victoria and Albert Museum, Londres, Royaume-Uni.