Maria Grazia Chiuri quitte Dior : retour sur 7 défilés mémorables, entre art et mode
Si Maria Grazia Chiuri a largement contribué au renouveau de Dior depuis son arrivée à la tête de la maison en 2017, la créatrice a également marqué les esprits au gré de défilés, où l’art sert ses revendications comme celles du monde de la mode. Alors qu’elle vient d’annoncer son départ, Numéro revient sur sept collections mémorables.
Par Camille Bois-Martin.

Maria Grazia Chiuri quitte la direction artistique de Dior
C’est officiel : Maria Grazia Chiuri quitte les écuries Dior. En poste depuis 2016, la créatrice italienne – passée par les ateliers Fendi puis par ceux de Valentino – témoigne d’une longévité surprenante dans une industrie en permanence secouée par des changements de poste.
Première femme à prendre la direction artistique de l’incontournable maison de mode française, elle laisse derrière elle un héritage riche, inspiré à la fois par l’histoire de la marque mais aussi par ses propres passions (l’art) comme par les revendications féministes qui l’animent.
Son premier défilé Dior au slogan marquant
En 2016, Maria Grazia Chiuri prend les rênes des ateliers Dior. En septembre de la même année, elle présente ainsi sa toute première collection pour la maison. Ce défilé printemps-été 2017 très attendu, marque alors les esprits par le message engagé de la créatrice italienne. Et révolutionne l’identité de la marque tout en posant les bases de sa nouvelle esthétique.
Au gré notamment de corsets et de jupes en tulle volumineuses, mais aussi, et surtout, de simples tee-shirt blancs imprimés d’une phrase aujourd’hui devenue culte : “We should all be feminist”. Politique, ce slogan tiré de l’ouvrage éponyme (2014) de l’écrivaine Chimamanda Ngozi Adichie, souligne surtout le fait que Maria Grazia Chiuri est la première femme à prendre la direction artistique de Dior. Un tournant majeur, mis en avant par ce défilé.
Les artistes du défilé Croisière 2020 de Maria Grazia Chiuri
Ancrées dans l’histoire de la maison, les collections de Maria Grazia Chiuri font souvent référence à des périodes clés. À l’image du défilé Croisière 2020 organisé à Marrakech, rappelant la courte (mais révolutionnaire) période d’Yves Saint Laurent chez Christian Dior en 1960. Témoignant de sa maîtrise du sujet autant que de son ouverture d’esprit, la créatrice italienne invite de nombreux couturiers et artisans locaux à revisiter des pièces iconiques de la maison.
Ainsi les femmes de l’association marrocaine Sumano, spécialisée dans le textile et la céramique, imaginent-elles un manteau à franges en laine tissée. Tandis que l’artiste afro-américaine Mickalene Thomas signe un tailleur Bar brodé de perles et imprimés de motifs de ses œuvres dans le dos. La créatrice britano-jamaïcaine Grace Wales Bonner dévoile également sa version du New Look au gré de broderies en raffia. Le styliste Pathé’O, connu pour avoir été le tailleur de Nelson Mandela, signe lui un haut imprimé du visage de ce dernier. On note également la collaboration autour de turbans de la britannico-guinéenne Martine Henry avec Stephen Jones.
Quand Judy Chicago créait le décor d’un défilé haute couture
Portée par son message féministe et par sa passion pour l’histoire de l’art, Maria Grazia Chiuri invite de nombreuses artistes sur ses défilés pour questionner les liens entre le corps de la femme, la mode, la culture et l’art. Pour la saison haute couture printemps-été 2020, elle choisit l’une des pionnières de l’art féministe américain : Judy Chicago.
Au sein des jardins du musée Rodin, cette dernière imagine une installation monumentale intitulée The Female Divine. Éloge au pouvoir féminin, bien au-delà de sa capacité à procréer, ce décor interroge la puissance et l’influence de la femme.“What if women ruled the world?” (“Et si les femmes régnaient sur le monde?”) écrit ainsi Judy Chicago sur les murs et sur les bannières…
Le défilé Dior à ciel ouvert à Lecce
Il s’agit probablement de l’un des défilés les plus grandioses de l’ère Maria Grazia Chiuri chez Dior. Organisé après la pandémie de Covid, l’évènement prend place dans la région natale de la créatrice italienne, dans les Pouilles. Plus précisément dans la petite ville de Lecce, au cœur de la Piazza del Duomo. Dont la cathédrale se retrouve, pour l’occasion, totalement surplombée d’une architecture de lumière signée de l’artiste Marinella Senatore.
Sur le parvis, la chorégraphe israélienne Sharon Eyal dévoile un spectacle inspiré par la Pizzica, une danse libératrice ancestrale de la région. Bref, un défilé Dior Croisière 2021 fantastique à la croisée des arts et des disciplines, sublimant le savoir-faire italien cher à la couturière, autant que celui des ateliers de la maison française.
Les installations d’Eva Jospin en inspiration de Maria Grazia Chiuri
Dans ce défilé printemps-été 2023, tout, de la scénographie aux looks, est le fruit du travail méticuleux de la directrice artistique Maria Grazia Chiuri. La créatrice s’inspire de la ville de Paris, mais aussi de l’une des femmes qui a le plus marqué la capitale : la reine Catherine de Medicis (1519-1589). Une figure incontournable de l’histoire franco-italienne, à qui l’ont doit d’ailleurs le jardin des Tuileries.
Au sein duquel elle fit justement construire une grotte (détruite pendant le 17e siècle), et que l’artiste Eva Jospin, invitée par Maria Grazia Chiuri, reconstruit ainsi spécialement pour le défilé. Apparaissant depuis cette installation, les mannequins semblent voyager directement depuis 16e siècle. En effet, on retrouve tous les codes de la cour française de l’époque, de la dentelle de Burano aux robes et jupes à crinolines, ou encore les corsets. Cette dernière était importée par Catherine de Médicis dans les manufactures royales.
Les Valkyries de Joana Vasconcelos chez Dior
Figure majeure de la scène artistique contemporaine portugaise, Joana Vasconcelos s’est vue proposer de nombreux prestigieux projets. Du château de Versailles à la Biennale de Venise, en passant par le Bon Marché et, plus récemment, par le décor du défilé Dior automne-hiver 2023-2024.
Convoquant ses immenses et célèbres Valkyries —des installations de tissu, de faïence et de poterie —, l’artiste imagine un décor grandiloquent et coloré. Prenant place autour de ces formes organiques et chamarrées, les invités sont plongés dans un univers féministe où sont transcendées les inspirations de l’artiste. Pour rappel, les Valkyries sont des déesses vierges et violentes, filles et messagères du dieu Odin, issues de la mythologie nordique.
Maria Grazia Chiuri rend hommage à Faith Ringold
Pour son défilé haute couture printemps-été 2024, Maria Grazia Chiuri rendait hommage à l’artiste et activiste américaine Faith Ringgold (1930-2024), disparue quelques mois plus tôt. Dans les jardins du musée Rodin, les murs et le plafond étaient recouverts d’œuvres inspirées par le travail de la plasticienne. Notamment ses combats féministes et antiracistes qu’elles menaient depuis les années 60 ont fait date dans l’histoire de l’art occidental. Permettant, après elle, à de nombreux artistes de couleur et engagés d’avoir davantage d’espace pour s’exprimer.
Une cause proche des valeurs de la couturière italienne, qui réinvente pour l’occasion les œuvres de la plasticienne au sein de dizaines de bannières et d’une trentaine de mosaïques grandeur nature, reproduites en broderies.