Que nous racontent les costumes du film Queer signés du créateur Jonathan Anderson ?
En salles ce mercredi 26 février, le dernier film de Luca Guadagnino agite les critiques. Avec Daniel Craig et Drew Starkey dans les rôles principaux, Queer déroule le fil d’une histoire cryptique et décousue, mais sublimée par les décors imbibés de références artistiques et les costumes au pouvoir (très) érotique, signés du créateur Jonathan Anderson.
Par Camille Bois-Martin.
Les costumes du film Queer puisés dans la mode des années 50
En avril 2024, le film Challengers de Luca Guadagnino dévoilait déjà la première collaboration du réalisateur avec Jonathan Anderson, directeur artistique de la maison Loewe et fondateur de la marque JW Anderson. Des mini shorts de Josh O’Connor et Mike Faist au tee-shirt imprimé “I Told Ya” devenu viral, les costumes signés du créateur irlandais participaient à l’engouement général du public, mais aussi à la tension sexuelle qui anime le long-métrage. Un duo gagnant entre mode et cinéma qui a incité les deux protagonistes à travailler à nouveau ensemble pour le dernier projet du cinéaste italien, Queer.
En salles ce mercredi 26 février 2025, le film s’inspire du livre du même nom de William S. Burroughs (sorti en 1985) et suit une romance fantasmée et décousue entre Lee (joué par Daniel Craig) et Alberton (incarné par Drew Starkey). Planté dans le Mexique des années 50, le décor léché – dont les scènes devant les baies vitrées du bar ne sont pas sans rappeler l’esthétique des tableaux d’Edward Hopper – se mêle visuellement à un vestiaire fascinant et résolument érotique.
Mais il ne faut pas s’y tromper : ces vêtements ne sont pas des créations de Jonathan Anderson, mais bien des pièces sourcées dans des boutiques et par le biais de revendeurs spécialisés dans la mode masculine de la seconde moitié du 20e siècle. S’ils paraissent, au premier abord, contemporains, les vêtements portés par Daniel Craig et Drew Starkey sont ainsi totalement historiques (hormis deux costumes et un collier Loewe) et correspondent à la période dans laquelle s’ancre le récit.
Chaque pantalon, chemise ou veste n’existe qu’en un seul exemplaire (inédit pour un film d’une telle envergure), et l’ensemble des costumes peut être stocké dans une seule et même valise. Restreinte, cette garde-robe nourrit néanmoins l’esthétique et l’histoire du film, et pallie parfois un scénario totalement halluciné. Tournés sur pellicule, les plans de Luca Guadagnino jouent sur les différentes textures des tissus (lin, soie, jersey, nylon crêpé, transparence, opacité, froissé) et composent un tableau séduisant, qui suit l’évolution psychologique et physique des personnages.
L’incontournable costume en lin de Daniel Craig
Parmi tous les vêtements de Queer, le costume en lin écru de Lee (Daniel Craig) tient un rôle central. Visible sur la plupart des images promotionnelles et dans la majorité du film, l’ensemble se transforme au fil des évènements qui jalonnent la vie du personnage principal. D’abord parce qu’il s’agit de la première silhouette sur laquelle Jonathan Anderson semble s’être attardée. Dans une interview accordée à i-D, il explique que la pièce témoigne de l’importance du tailleur dans le vestiaire masculin après la Seconde Guerre mondiale. Du développement du prêt-à-porter à l’intérêt nouveau porté au menswear, la pièce re-modernise la garde-robe des hommes et se répand dans les villes occidentales.
Après de longues recherches, le créateur irlandais tombe finalement sur le parfait costume, assez usé sur les genoux et sur les coudes pour ne pas paraître neuf, et offrir un semblant de vie au personnage. Au début du long-métrage, le tailleur est immaculé, à peine froissé. De la tête au pied, son apparence propre et soignée se fâne progressivement, au fur et à mesure que Lee sombre dans la drogue et dans l’alcool et qu’il se laisse consumé par son amour toxique pour Alberton.
Sa chemise se froisse alors, sa veste flotte sur ses épaules et le bout de son pantalon se ternit de terre et de tâches de saleté… Comme s’il disparaissait derrière ses vices et son costume, Daniel Craig devient rongé par le quotidien. Et les auréoles brunes de son ensemble en lin semblent presque diffuser à travers l’écran la sueur et l’odeur corporelle du personnage…
Des vêtements qui nourrissent une tension érotique
Face à Lee, la garde-robe d’Alberton (Drew Starkey) tranche. Objet de fantasme du premier, le personnage porte un vestiaire plus sensuel. Ses vêtements sont fluides et serrés à la taille, sublimant sa silhouette et attisant le désir qu’il provoque. Il semble, a priori, plus soigné. Mais certaines scènes laissent entrevoir de petits trous dans ses vêtements, ou un haut mal rentré dans son pantalon, suggérant le côté imparfait du protagoniste pourtant adulé par le héros.
Parmi les pièces marquantes du personnage, les yeux des critiques et du public ont remarqué une chemise transparente vert pâle. S’il s’agit bien d’un vêtement d’époque datant des années 50 et sourcé par Jonathan Anderson, la pièce offre au personnage une apparence presque surréaliste et anachronique. Et ajoute à la tension sexuelle qu’il suscite chez Lee, laissant apparaître son corps sous le tissu…
Le créateur irlandais porte également beaucoup d’attention aux caleçons, dont le pouvoir érotique est évident mais est accentué par la présence de boutons (typiques du 20e siècle). Malgré la fougue des baisers et des préliminaires échangés entre les deux personnages, leurs gestes se ralentissent ainsi lorsqu’ils prennent le temps de déboutonner ou de baisser leur sous-vêtements. Le climax de ce potentiel érotique des vêtements dans Queer ? Quand Daniel Craig caresse longuement le pull de Drew Starkey avant leur première séquence sexuelle.
Queer de Luca Guadagnino, avec Daniel Craig et Drew Starkey, actuellement au cinéma.