Les créatrices parisiennes à suivre : Janette Papas de Güç

par Léa Zetlaoui.

Güç, quand le vêtement s’adapte aux corps

Janette Papas ne se contente pas de créer de beaux vêtements. Avec sa marque Güç, fondée en 2021, elle insuffle une véritable philosophie de l’art de s’habiller. Inspirée par son propre style, audacieux et intuitif, elle imagine des collections où le layering et le multiporté deviennent de véritables modes d’expression. Chaque pièce invite à jouer, superposer, transformer, pour créer un style qui évolue au gré des envies et des personnalités.

Imaginez un pantalon de costume orné d’ouvertures pour laisser s’échapper une jambe. Ou encore une chemise ample qui, en quelques gestes, se transforme en robe. Mais aussi des tops et des jupes moduables. Mieux encore : un élégant manteau noir doublé d’un gilet, pensé pour faire tomber les manches sans avoir à l’ôter.

Derrière cette approche ingénieuse et multifonctionnelle, on devine un long travail de conception. Pour que chaque vêtement épouse le corps et se prête au jeu des métamorphoses, il faut multiplier les essais, ajuster, réinventer sans relâche. Deux qualités se révèlent alors chez Janette Papas : la patience, et une persévérance sans faille.

Et si ses collections s’adressent avant tout aux femmes, l’inspiration masculine, elle, n’est jamais bien loin. Cette féminité jamais appuyée, toujours subtile, évoque d’ailleurs l’esprit de créateurs de mode anti-fashion comme Martin Margiela, Helmut Lang ou Jil Sander.

Évoluant en toute discrétion, Janette Papas prend le temps de faire mûrir le concept de Güç, loin du tumulte et des injonctions de l’industrie de la mode. Un choix qui se révèle payant : ses pièces, pensées avec soin et sincérité, séduisent une clientèle en quête d’authenticité et de liberté. Une vision qu’elle partage aujourd’hui dans une interview pour Numéro.

L’interview de Janette Papas

Numéro : Quel est votre premier souvenir lié à la mode ? 

Janette Papas : Ma famille vient d’un tout petit village en Turquie, situé à la frontière avec la Syrie. Quand j’étais enfant, j’y ai passé la plupart de mes étés. J’ai toujours adoré la façon dont les gens s’habillaient. Je voyais beaucoup de vêtements traditionnels, toujours empreints d’un certain pragmatisme. À l’époque, c’était surtout la manière dont les hommes s’habillaient qui me fascinait. Alors, je faisais comme eux : un sarouel masculin, des vestes et chemises oversized…

J’imagine que cela devait attirer les regards ?

Oui ! Autant dire que dans ce petit village très attaché aux traditions, ça ne passait pas inaperçu. Mais peu importe, j’aimais ça – et j’aime toujours. Aujourd’hui encore, je porte beaucoup de vêtements masculins, et la plupart des pièces de Güç en sont largement inspirées. 

À quel moment de votre vie avez-vous décidé de faire carrière dans ce milieu et pourquoi ? 

J’étais vraiment mauvaise à l’école. Mais un jour, quand j’avais 15 ans, une amie m’a dit qu’elle ne s’inquiétait pas pour moi, car j’étais plutôt douée en dessin et en art. Ça été un déclic et un an plus tard, j’ai commencé à suivre des cours d’art et de mode. C’était étonnamment naturel pour moi, et surtout, j’adorais ça. 

Votre parcours en quelques mots ? 

J’ai quitté Vienne pour Berlin afin d’étudier la mode à l’école Esmod, avecun échange à Istanbul. Ma première expérience professionnelle a été chez Koché, pendant un été. Après avoir obtenu mon diplôme, je suis partie à Paris, où j’ai eu l’opportunité d’intégrer le studio de Jacquemus en 2018, suivi d’une expérience chez Afterhomework en 2019. En 2020, un an avant de lancer Güç, j’étais au développement des tissus chez Mugler.

Une mode multifonctionnelle et durable

Comment est née l’envie de lancer votre propre marque ? 

J’ai toujours su qu’un jour j’aurais ma propre marque. Mais je voulais d’abord définir la bonne esthétique. J’ai toujours détesté l’expression “il faut s’adapter aux vêtements”. Pour moi, les vêtements sont comme une seconde peau, une extension de soi-même. Alors, j’ai décidé de créer des pièces qui s’adaptent au corps, et non l’inverse.

Pouvez-vous décrire en quelques mots le style de vos collections ? 

Chaque collection de Güç repose sur le jeu des contrastes, entremêlant des éléments opposés pour donner naissance à un univers singulier à chaque saison. Aussi, chaque pièce est multifonctionnelle et durable. Donc avec Güç, aborde d’une façon nouvelle la mode responsable : un seul vêtement offre plusieurs possibilités de style.

Que voulez-vous transmettre comme message à travers vos vêtements ? 

Je veux que chaque personne qui porte Güç se sente à l’aise dans son corps. Grâce à cette approche multifonctionnelle, mon objectif est d’offrir un maximum de possibilités pour s’approprier chaque pièce. Et ainsi toucher un éventail plus large de styles et de personnalités. Pour l’aspect durable, chaque vêtement est conçu exclusivement à partir de fibres naturelles.

Entreprendre dans la mode

Depuis que vous avez lancé Güç, avez-vous vécu un moment dont vous êtes particulièrement fière ? 

J’ai adoré le pop-up que nous avons fait l’été dernier. C’était une expérience très spéciale pour moi, car c’était la première fois que j’avais l’opportunité de rencontrer mes clients. C’était extrêmement inspirant de voir comment chacun s’appropriait sa pièce, la réinterprétait et l’intégrait à son propre style. Cela m’a rempli de joie de constater que le message que j’ai voulu transmettre prenait réellement vie à travers eux. 

En tant qu’entrepreneuse dans la mode, quel est le plus gros challenge auquel vous êtes confrontée ? 

Je pense qu’en tant que marque émergente, on fait déjà face à de nombreuses limites. Mais, étonnemment, mon plus grand défi a été de tout concevoir mes collections de manière durable. Cela a rendu les contraintes encore plus restrictives. Mais c’est un choix que j’ai fait en toute conscience – et sans aucun regret. 

Les collections de Güç sont disponibles sur gucofficial.com.