Thom Browne raconte un conte enneigé incarné par la championne de ski Lindsey Vonn
Un mois et demi après avoir dévoilé sa première ligne pour enfants à travers un film amusant, Thom Browne utilise de nouveau la vidéo pour raconter l’histoire de sa collection automne-hiver 2021-2022. Au programme, une épopée imaginaire en noir et blanc dans les montagnes enneigées dont l’héroïne n’est autre que Lindsey Vonn, première championne de ski olympique aux États-Unis.
Par Matthieu Jacquet.
Si Thom Browne était déjà connu pour ses défilés spectaculaires, les Fashion Weeks digitales ne semblent en rien lui avoir ôté sa créativité. En effet, le créateur américain n’a eu aucun mal à s’emparer de l’outil vidéo pour raconter les histoires qu’il mettait, jusque là, en scène face à un public. En janvier dernier, son label annonçait une grande nouveauté : la création de sa première ligne pour enfants, dévoilée à travers une vidéo décalée et amusante en noir et blanc ou fillettes et petits garçons jouaient le rôle d’employés de bureau dans les année 50. Cette fois-ci, pour sa collection homme et femme automne-hiver 2021-2022, Thom Browne choisit de raconter un conte dans les montagnes enneigées dont l’héroïne n’est autre que Lindsey Vonn, première championne olympique américaine de ski. Assoupie, la jeune femme coiffée de deux longues tresses blondes se rêve en Alice d’un pays de merveilles hivernales en noir et blanc, seulement réveillé par la lumière de son ample robe jaune. Alors que se joue une version instrumentale d’Over the rainbow, hymne culte du film Le Magicien d’Oz jadis interprété par Judy Garland, l’actrice monte dans un hélicoptère qui l’amène en haut d’une piste.
C’est lors de sa fabuleuse descente en ski que se dévoile la collection, au gré des personnages statiques que la championne croise sur sa route et entre lesquels elle slalome. Si Thom Browne s’amuse depuis longtemps des codes du genre mais aussi des conventions apportées par le costume trois-pièces, il l’annonce ici explicitement : cette saison, les femmes revêtent des silhouettes masculines, les hommes des silhouettes féminines, tandis que le sportswear rencontre le vestiaire formel dans une volonté manifeste de briser les frontières et en prendre le contrepied. Aussi, manches ballons froncées, boléro, jupes longues taille haute, vestes cintrées, tailleurs, robes et corsets apparaissent dans des ensembles revêtus par des hommes coiffés de hauts-de-forme et dont les visages sont contenus dans des bulles noires transparentes, tandis que Lindsey Vonn, seule femme de cette présentation dont elle est le centre, porte sous sa robe un costume à nœud papillon avant d’enfiler un manteau, un pantalon et un sac à dos pour enfourcher ses skis.
À travers les gros plans récurrents de la caméra, le film permet de découvrir les nombreux détails des pièces dont on ne peut discerner les couleurs mais que l’on devine évoluant dans des nuances de gris, du noir profond au blanc pur – palette classique du créateur. On constate ainsi le tressage de la laine des pulls irlandais, le remarquable travail de plissé sur plusieurs robes et jupes en taffetas de soie noir, le baleinage et le laçage des chemises blanches, le rembourrage des épaules des vestes, le tweed des tailleurs agrémenté de patchs, cordons et autres systèmes de fermeture, ou encore les billes brodées dans les rainures d’un châle matelassé comme une doudoune. Si Thom Browne nous avait encore peu habitué à un travail de déséquilibre et déconstruction, toujours attentif à la structure parfaitement symétrique de ses ensembles, cette nouvelle collection apporte par les drapés asymétriques des robes, les différences de longueurs et de volumes un vent de nouveauté à son label fondé il y a maintenant vingt ans, tout en conservant au fil de chaque ensemble une même base : la chemise blanche à nœud papillon noir. Une fois finie cette séance de glisse sur la neige, Lindsey Vonn se réveille dans un lit austère, le cuir doré de ses bottines à talons étincelant dans la pièce. Alors que son rêve dans l’imaginaire foisonnant de Thom Browne vient de s’achever, sa nouvelle vie semble pouvoir enfin commencer.