Thebe Magugu célèbre les pouvoirs occultes avec Kristin-Lee Moolman dans sa collection automne-hiver 2021-2022
Grand gagnant du prix LVMH en 2019, le jeune créateur sud-africain Thebe Magugu a depuis fait du chemin. Inspiré par l’alchimie et le pouvoir encore vivace des guérisseurs traditionnels de son pays, il présente ici une collection raffinée où s’incarnent des femmes tantôt romantiques, tantôt mystiques, tantôt conquérantes, mises en scène dans un court-métrage réalisé par la photographe Kristin-Lee Moolman.
Par Matthieu Jacquet.
Il y a un an et demi, le créateur Thebe Magugu remportait le prestigieux prix LVMH à seulement 26 ans. Une consécration pour ce Sud-Africain dont le label affirmait déjà une vision très forte et un ancrage dans ses racines. Depuis, le jeune homme – désormais finaliste du Woolmark Prize cette année a fait du chemin – sans dévier de la route dans laquelle il semblait s’être engagé, jusqu’au choix des titres de ses collections. Pour preuve, celui qui annonçait à l’époque baptiser chacune d’entre elles d’après une discipline ou d’une science étudiée à l’université vient de nommer la nouvelle “Alchemy”, en référence à la science occulte qui cherchait à transformer les métaux en or. Quant au propos, le créateur le puise du côté des croyances de son pays et ses “guérisseurs traditionnels, auquel les puissances divines ont donné le pouvoir de répondre à nos questions les plus brûlantes”, dont il retient une force très spécifique ancrée dans la nature. Tout ce contexte, Thebe Magugu l’a mis en scène dans un court-métrage d’une dizaine de minutes réalisé par la photographe sud-africaine Kristin-Lee Moolman, dont les clichés sensibles traduisent le bouillonnement artistique de son pays depuis déjà plusieurs années, et avec laquelle le jeune homme avait déjà collaboré sur des précédentes collections. Les pièces de son nouveau vestiaire s’invitent ici dans une histoire d’amour entre deux femmes issues de tribus rivales sur fond de mysticisme, vengeance et condamnation. Une manière pour le créateur et la vidéaste de développer leurs propres mythologies afin de proposer, comme l’explique Kristin-Lee Moolman, “un regard intersectionnel sur l’Afrique”.
Dans ce décor particulièrement bien planté, Thebe Magugu déroule un vestiaire mettant la féminité à l’honneur sous de multiples formes, en maintenant toujours un équilibre subtil entre structure et fluidité. “Quand je crée, je pense à toutes ces femmes qui font partie de ma vie, à ce qu’elles aiment, à la façon dont elles s’habillent, puis j’essaie d’en tirer ma propre interprétation”, confiait déjà en 2019 le créateur à Numéro. On retrouve ici plusieurs facettes de ces femmes à travers des costumes souples auxquels des pans de tissu, la longueur des vestes ou la maille de pulls et pantalons accordent une certaine noblesse, des mini-robes à cols roulés et à franges qui leur donnent des allures de conquérantes, d’autres plus longues à l’esprit romantique ou encore une somptueuse cape semblant composer avec une robe assortie l’uniforme parfait d’une prêtresse respectée. Inspirés par un rituel mené avec une véritable guérisseuse, les imprimés de la collection déclinent des motifs graphiques où l’on discerne parfois les os d’origine, tandis que sur des laines, on retrouve l’impact laissé par l’action de certaines plantes médicinales ou des effets de texture qui rappellent les scarifications de la peau. Particulièrement moderne et varié, l’ensemble de la collection se décline dans des tonalités douces allant du blanc au vert d’eau et au rouge sang, en passant par le rose, le bleu et le orange et se complète par des bottines à bouts pointus et à talons épais en forme de trapèzes.