18 juin 2025

Les secrets de 3 malles Louis Vuitton, en vente chez Christie’s

Après le succès de sa première vente à l’été 2024, Christie’s inaugure ce 19 juin (et jusqu’au 1er juillet) de nouvelles enchères exceptionnelles centrées sur une collection particulière de malles Louis Vuitton. Des lots rares, qui retraçent l’histoire de la maison autant que les goûts et les besoins des particuliers depuis la fin du 19e siècle. Pour Numéro, Lucile Andreani, cheffe du département « Sacs et Accessoires » chez Christie’s, revient sur trois malles novatrices.

  • Par Camille Bois-Martin.

  • La maroquinerie de luxe, un nouveau marché des enchères en plein essor

    Si les plus grandes maisons de mode continuent de faire rêver au gré de leurs derniers accessoires tendances et souvent viraux (le Paddington de Chloé, le City de Balenciaga, le Speedy de Louis Vuitton, le Birkin d’Hermès ou encore le 255 de Chanel), cet engouement nourrit également un nouveau marché. Celui des ventes aux enchères, qui dévoilent des modèles rares ou en éditions limitées, souvent puisés dans les plus belles collections privées.

    En témoigne en effet le second opus de la vente de malles historiques Louis Vuitton, proposé par la maison Christie’s. Sous l’égide de Lucile Andreani, cheffe du département “Sacs et Accessoires” en plein développent, le premier chapitre de ces enchères, inauguré en juillet 2024, a atteint des sommes records – et pour le moins innatendues : 2,3 millions d’euros ont ainsi été adjugés, pour un total de 98 lots.

    C’est un marché qui s’est révélé bien plus important que ce qu’on imaginait“ nous explique-t-elle, enthousiaste à l’approche de cette nouvelle vente, composée de 104 pièces. “Nous faisons de plus en plus de ventes de sacs à main, mais la spécificité de celle-ci est que tous les lots appartiennent à un seul collectionneur, passionné par les malles Louis Vuitton. Il s’est intéressé à l’art du voyage, au savoir-faire de la maison française et à l’histoire que ces pièces retracent. Il y a une sorte de chronologie qui se dessine au fil des valises. Ces enchères dévoilent un peu les prémices du luxe tel qu’on l’appréhende aujourd’hui, mais aussi les innovations techniques et l’audace de Louis Vuitton”. Alors que les enchères en ligne débutent ce 19 juin, Numéro revient sur trois malles exceptionnelles, sélectionnées et expliquées par Lucile Andreani.

    La malle d’explorateur, hermétique et résistante

    Cette malle représente toute les innovations et l’énergie de la fin du 19e siècle. C’est l’époque des explorateurs, des aventuriers qui se rendent dans des pays tropicaux pour les étudier” considère la spécialiste de Christie’s. Alors que l’Empire colonial français est à son apogée, de nouveaux transports se développent en effet : militaires, civils et fonctionnaires déménagent ou voyagent à Tunis, à Oran, en Asie ou en Inde.

    Chaque année, ils sont des dizaines de milliers à embarquer sur des bateaux à destination de contrées alors considérées comme “exotiques”. Mais, étiquette impose, ces voyageurs emportent avec eux de quoi tenir leur rang à bord et à l’arrivée, tout comme des tenues adaptées aux climats des pays qu’ils rejoignent. “Louis Vuitton est le premier à avoir imaginé des malles en métal.” nous explique Lucile Andreani.

    Ce modèle en zinc incarne à la fois le luxe de l’époque et l’innovation du malletier : grâce à son revêtement, il était totalement hermétique et permettait de conserver les affaires à l’abri de l’humidité, de la chaleur, de la poussière et des différentes intempéries.” poursuit-elle. Bijou de bagagerie, la malle en zinc de Louis Vuitton, lancée à la fin du 19e siècle, s’inscrit alors rapidement comme un indispensable. La serrure brevetée permet une étanchéité totale – et vaudra au fondateur de la maison une médaille d’argent.

    La malle Lily Pons : le glamour hollywoodien

    Il s’agit probablement de l’un des modèles les plus iconiques de l’histoire de Louis Vuitton : la fameuse malle à chaussures. Si l’on connaît bien celle de l’actrice Greta Garbo (1905-1990), la toute première version fut réalisée pour la chanteuse française – et super-star d’Hollywod dans les années 30 – Lily Pons. “Pour moi, cette malle représente le glamour du vieil Hollywood. Elle me rappelle les dressings dse célébrités d’aujourd’hui, qui ont toutes des compartiments attitrés pour les sacs à main, les chaussures ou les bijoux.”

    Comme la plupart des stars de l’époque, sa garde-robe était épiée et commentée par toutes les gazetttes et magazines contemporains. Se déplaçant avec une multitude de tenues pour ses tournées de concert à travers les États-Unis et l’Europe, celle-ci se devait ainsi de transporter ses plus beaux ensembles, comme de les protéger : et c’est ici que GastonLouis Vuitton entre en scène. Proche des célébrités de l’époque, ce dernier imagine alors des malles somptueuses adaptées aux besoins de ses prestigieux clients.

    Transporter (et protéger) 36 paires de chaussures…

    Aussi utile que cette pièce soit, c’est plutôt une fantaisie. Elle permettait à la chanteuse de transporter 36 paires de chaussures“– un peu comme un secrétaire, mais version mode. “Très rapidement, ce modèle a été décliné pour d’autres actrices et clientes souvent en voyage, et qui souhaitaient avoir leur garde-robe à portée de main. Comme un dressing portatif.” sourit Lucile Andreani.

    Dans la presse féminine de l’époque, on commente cette malle comme le “symbole asbolu du chic parisien”, voire même comme “l’accessoire obligé du trousseau de la Parisienne en voyage” (in Louis Vuitton: 100 Legendary Trunks, 2010, page 271). Bref, un incontournable qui contribue alors au succès de la maison française, et témoigne de sa capacité d’innovation. “C’est la naissance du luxe moderne : c’est-à-dire à quel point on peut aller dans la précision pour répondre à un besoin précis.” conclut la spécialiste.

    La malle Aéro, de la montgolfière à l’avion

    Cette malle incarne la capacité d’innovation et d’adaptation de Louis Vuitton, que ce soit pour les nouveaux moyens de transports comme pour l’esthétique.” nous explique Lucile Andreani. Déposée officiellement par la maison en 1908, cette pièce dite “Malle Aéro” se destine à l’origine à être fixée à la nacelle d’un ballon de montgolfière. D’apparence sommaire, la valise se distingue en réalité par sa légèreté, inédite pour l’époque. Louis Vuitton souhaitait créer des malles insubmersibles, étanches, et qui ne rajouteraient pas trop de poids à la montgolfière.”

    Puis les transports dans les airs se sont développés, et l’avion a rapidement remplacé la montgolfière. Les malles de la maison françaises se sont alors avérées indispensables : légères et compactes, celles-ci pesaient 26 kilos une fois remplies. Une prouesse pour les années 30, imposant ainsi Louis Vuitton en leader.

    L’ancêtre des bagages cabines

    Une publicité publiée dans le journal L’Illustration en 1927 par la maison témoigne de cette inovation : “Pourquoi payer des excédents de bagages quand il existe des malles merveilleuses qui, pleines, ne pèsent pas 30 kilos ?” pouvait-on y lire (in Louis Vuitton: 100 Legendary Trunks, 2010, page 59). “Ce modèle est vraiment l’ancêtre du bagage cabine. Mais, du fait de sa fragilité, il a moins traversé le temps que les autres malles. C’est pourquoi il n’en reste que très peu aujourd’hui” ajoute la spécialiste de Christie’s.

    C’est très rare de retrouver ces modèles de valise” poursuit-elle. “Elle nous raconte les évolutions de la société de l’époque, sa manière de voyager. Et c’est intéressant de voir l’utilité de ces objets avant, et celle qu’ils recouvrent aujourd’hui, en se transformant en décoration. Si on ne voyage plus avec ces malles plutôt lourdes et sophistiquées, on les transforme aujourd’hui en mini-bar, en table basse… C’est une pièce de luxe avec une histoire fascinante et une esthétique reconnaissable entre mille.”

    Vente en ligne Christie’s “L’art du voyage par Louis Vuitton : Legendary Trunks : A European Private Collection : Part II”, du 19 juin au 1er juillet 2025.

    Exposition du 21 au 26 juin 2025 chez Christie’s, 9 avenue Matignon, Paris 8e.