10 jan 2025

Nicole Kidman, Jacob Elordi… Pourquoi le mot Babygirl obsède-t-il la pop culture ?

Alors que le thriller érotique Babygirl avec Nicole Kidman s’apprête à arriver dans les salles obscures, Numéro décrypte l’obsession de la pop culture pour ce terme, de son émergence dans les cercles BDSM à l’avènement des hommes babygirl dans la mode.

La bande-annonce du film Babygirl (2025).

Babygirl, un thriller érotique avec Nicole Kidman

Si le mot “babygirl” évoque l’âge tendre lorsqu’on tente de le traduire en français, son détournement par la pop culture n’a aujourd’hui rien d’enfantin. À commencer par la sortie imminente d’un film intitulé Babygirl. Dans ce thriller érotique, Nicole Kidman incarne Romy, PDG d’une entreprise spécialisée dans le e-commerce.

Elle fait la rencontre de Samuel, l’un de ses nouveaux stagiaires, de 24 ans son cadet, incarné par le charismatique Harris Dickinson. S’ensuit une relation cachée et tumultueuse où chaque regard, chaque geste pourrait faire fondre la glace.

Dans une interview pour Variety, produite dans le cadre du cycle Actors on Actors, Nicole Kidman confie à Zendaya : “Dès que j’ai su que le film allait s’appeler Babygirl, je me suis dit : c’est fini. Je veux en être. Je veux être la Babygirl.

D’où cette question : qu’est-ce qu’une babygirl ? La signification du terme a évolué avec le temps. Vers 2015, lorsque le réseau social Tumblr régnait encore en maître sur les tendances, le mot “babygirl » était l’ancêtre de l’esthétique coquette, qui fait des ravages dans les rues aujourd’hui. Être une babygirl, c’est, dans ce sens, apprécier la couleur rose pastel, les froufrous et les jupes à volants.

De l’esthétique coquette aux milieux BDSM 

Cependant, pour certains esprits plus aventureux, le terme babygirl circule dans les milieux BDSM, désignant alors une personne au comportement docile dans une relation. Lorsque nous interrogeons Halina Reijn, la réalisatrice du film Babygirl, sur le choix du titre du long-métrage, elle confie à Numéro : “Qu’il passe par un déguisement ou une attitude, un fantasme peut parfois être déroutant – surtout ici, dans Babygirl, avec Romy qui est une femme puissante, rêvant d’être protégée et soumise par un homme fort.

ASAP Rocky célébrant son anniversaire à Carbone, le 4 octobre 2023 à New York. © Jackson Lee / GC Images.  tendance babygirl
ASAP Rocky célébrant son anniversaire à Carbone, le 4 octobre 2023 à New York. © Jackson Lee / GC Images.

Au sein des cercles adeptes du sado-masochisme, l’utilisation de certains mots aux connotations enfantines a été courante comme “babygirl » ou encore « vanilla sex« . En revanche, dès lors que ces locutions sont sorties de ces milieux, leur emploi est souvent critiqué, voire moqué.

Par exemple, dans 365 Jours (2020), thriller érotique aux accents BDSM de piètre qualité, une séquence du film a déchaîné les passions sur Internet. Dans une scène censée être à l’apothéose du désir, l’un des personnages assène à une de ses comparses : “Es-tu perdue, babygirl ?” Manqué.

Un million de frissons de gêne plus tard, la scène devient un meme sur les réseaux sociaux. Les internautes n’hésitent pas à railler ce film, faisant de cet extrait le canevas de nombreux sketchs humoristiques. La figure de la babygirl était donc censée sombrer dans les abysses d’Internet…

L’homme babygirl, une tendance qui s’impose à Hollywood

Le thriller avec Nicole Kidman est-il le seul responsable de la renaissance de la babygirl ? Pas exactement. “Babygirl » est aussi le terme par lequel la toile a choisi de désigner toute une galaxie de célébrités et de personnages fictifs masculins.

Sur TikTok, une internaute qualifie l’homme fictif babygirl par la formule “Eyes, cries, war crimes”. Ainsi, l’homme babygirl est un homme charismatique, doté d’un beau regard (encore plus lorsqu’il est couvert de larmes), qui a pu commettre des atrocités par le passé. Pensez à Kendall Roy dans Succession, Joel Miller dans The Last of Us ou encore Carmy Berzatto dans The Bear

Pedro Pascal au Met Gala 2023 célébrant « Karl Lagerfeld: Une ligne de beauté » au Metropolitan Museum of Art, le 1er mai 2023 à New York. © Sean Zanni/Patrick McMullan via Getty Images. tendance babygirl
Pedro Pascal au Met Gala 2023 célébrant « Karl Lagerfeld: Une ligne de beauté » au Metropolitan Museum of Art, le 1er mai 2023 à New York. © Sean Zanni/Patrick McMullan via Getty Images.

Dans une interview hilarante enregistrée pendant la tournée promotionnelle de la deuxième saison de House of the Dragon, Matt Smith est décontenancé par cette tendance qu’il ne connaît pas. En effet, son personnage nommé Daemon Targaryen a eu l’honneur d’être défini comme un homme babygirl par les fans de la série. Selon la journaliste, le personnage babygirl par excellence serait un homme doux et affectueux.

@hitsradiouk

Targaryen’s 🤝 babygirl @Liv Marks | Celeb Interviewer #mattsmith #hotd #houseofthedragon #ewanmitchell @Sky @NOW

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Alors, la plus belle arme de l’homme babygirl résiderait-elle dans sa sensibilité ? Plutôt qu’une énième célébration de l’hyper-virilité, la pop culture chante les louanges des personnages masculins doués de délicatesse, en harmonie avec leur part de féminité. Ceux qui osent la vulnérabilité, à rebours de l’archétype du “bad boy”, longtemps resté indétrônable dans la fiction. Émerge ainsi une tendance – dépouillée de connotations sexualisantes et infantilisantes – qui brouille les codes rigides de la virilité…

Jacob Elordi et Pedro Pascal en chefs de file

Outre nos personnages fictifs préférés, qui sont les représentants de la tendance babygirl ? Un extrait de l’émission Saturday Night Live dévoilé en janvier 2024 impose l’acteur Jacob Elordi comme l’un des maîtres du phénomène. Vêtu d’un sage cardigan en laine rouge, les mains jointes derrière la taille et affichant de légers bafouillements… Le comédien australien est une apparition adorable sur le plateau du programme – et bien au-delà.

Sa collection de sacs à main de designers fait sensation lors de chacune de ses apparitions : d’un duffle-bag jaune moutarde Louis Vuitton à un sac matelassé à bandoulière en cuir Bottega Veneta.

Extrait de l’émission Saturday Night Live avec Jacob Elordi, Reneé Rapp et Bowen Yang. (2024)

Parmi les autres hommes babygirl, on peut citer Pedro Pascal, qui a fait sensation avec son short et son manteau long rouge au Met Gala 2023, Harry Styles et son style vestimentaire excentrique, ou encore Lewis Hamilton, qui a fait du collier à perles sa pièce joaillière fétiche.

Plus encore, Timothée Chalamet ne manque pas de munir son vestiaire de créations purement babygirl : un dos-nu rouge (encore !) à la Mostra de Venise 2022 signé Haider Ackermann, un top métallisé Tom Ford pour la première du film Wonka en 2023, ou encore les premières tenues homme de la directrice artistique Chemena Kamali pour Chloé.

Enfin, les acteurs Manny Jacinto, Colman Domingo ainsi que le rappeur ASAP Rocky font partie des hommes moins souvent cités lorsqu’on évoque la tendance babygirl, mais qui s’inscrivent tout autant dans la mouvance.

Timothée Chalamet à la 79ème édition du Festival international de cinéma de Venise en 2020, sur le tapis rouge de la projection du film Bones and All, le 2 septembre 2022. © Marilla Sicilia/Archivio Marilla Sicilia/Mondadori Portfolio via Getty Images.
Timothée Chalamet à la 79ème édition du Festival international de cinéma de Venise en 2020, sur le tapis rouge de la projection du film Bones and All, le 2 septembre 2022. © Marilla Sicilia/Archivio Marilla Sicilia/Mondadori Portfolio via Getty Images.

Du rose, des froufrous et des sacs à main sur les podiums

Transcender les limites du genre par la mode n’a rien de nouveau. Certains créateurs ont tenté de questionner et de repousser les codes traditionnellement masculins et féminins à travers l’histoire, des smokings d’Yves Saint Laurent aux modèles à corset d’Alexander McQueen pour sa collection printemps-été 1998.

Alors, pourquoi est-ce que l’esprit babygirl prend autant en ampleur aujourd’hui dans l’industrie du vêtement ? La sociologue spécialisée en mode Émilie Coutant explique un article publié sur Cairn, “il faut y saisir […] une volonté d’abandon de cette identité stable et figée dans laquelle l’homme ne se reconnaît plus” à travers la “prolifération d’images de l’homme paré […] sur tous les supports d’images (cinéma, presse, mode, musique…)

La masculinité n’apparaît plus comme un concept monolithique, mais au contraire, comme une chose avec laquelle les consommateurs et les créateurs sont invités à expérimenter. Selon les données d’un sondage mené par le média américain Vogue Runway, la tendance favorite de l’année 2023 était le “genderbending menswear” : ce phénomène qui consiste à défier les règles de la mode masculine.

Jacob Elordi à la grande réouverture du magasin Tiffany &Co, le 27 avril 2023 à New York. © Nina Westervelt/Variety via Getty Images. tendance babygirl
Jacob Elordi à la grande réouverture du magasin Tiffany &Co, le 27 avril 2023 à New York. © Nina Westervelt/Variety via Getty Images.

Ainsi, l’avènement de la tendance babygirl entre en résonance avec l’éclosion d’une masculinité plurielle, complexe, en constante mutation. Sur les podiums, les créateurs s’amusent à jouer avec des éléments esthétiques, traditionnellement associés au genre féminin. Rose pastel, froufrous et strass ornent les modèles des défilés Louis Vuitton, Loewe, Ami, Prada ou Balmain – maisons de prédilection des représentants du mouvement babygirl.

Donc oui, la tendance babygirl participe à défaire la mode – et les célébrités – des carcans de la virilité. Elle contribue à démocratiser une expression du style et de la personnalité à travers le vêtement. Mais puisque la mode est cyclique, sommes-nous à l’abri d’un retour de l’hyper-masculinité sur les podiums ? Seul le temps nous le dira…