Alan Crocetti, des bijoux entre provocation et sensualité
Shootés par les plus grands artistes tels que les photographes Szilvezter Mako, Ferry van der Nat, Lee Wei Swee ou encore le réalisateur Luke Gilford, les bijoux du créateur brésilien Alan Crocetti célèbrent la puissance de l’individualité. Teintée d’érostime, sa joaillerie prône une liberté et un effondrement des barrières de genres. Numéro a eu la chance de le rencontrer et de recueillir ses confidences.
Par Louise Menard.

La joaillerie comme un cri de liberté
S’il a fondé sa marque entre Paris et Londres, Alan Crocetti a vu le jour à plus de 6000 km de ces capitales européennes. Né au Brésil, le créateur s’exile à Rome puis à Londres, où il intègre le cursus de Fashion Design au sein de la très renommée école Central Saint Martin.
“J’ai découvert la joaillerie lors de ma dernière année d’études lorsque j’ai confectionné, pour ma collection finale, un bijou d’oreille en argent doré, orné d’une perle. C’est à ce moment-là que je suis tombé amoureux des bijoux, de la beauté des matériaux, de la complexité du processus de création,” confie le créateur.
À la suite de ce déclic et porté par le besoin de concrétiser cette passion naissante, Alan Crocetti réalise ses propres bijoux usant du rhodium, d’améthystes, de topazes, de l’argent, de perles, de péridots, de rubis… Son ADN ? Un mélange de punk et d’érotisme matérialisé à travers des créations dont le design organique et les formes pleines contrastent avec des gemmes à l’aspect tranchant.
Telles une rose épineuse qui transperce l’oreille ou une chevalière scorpion, ses bijoux portent en eux une certaine forme d’agressivité. Une volonté d’exalter l’individualité de chacun et de déconstruire les stéréotypes de genre inhérents à la joaillerie.
Pour sa dernière collection intitulée Hard Core, le créateur reste fidèle à lui-même et reprend quelques-unes de ses pièces signatures, notamment le pendentif en forme de phallus ou encore le “bijou pansement”, destiné à être posé sur l’arrête du nez. Artiste engagé et travailleur acharné, Alan Crocetti fait de la joaillerie une fusion entre combat, remède et désir.

L’interview d’Alan Crocetti
Numéro : Quel est votre premier bijou ?
Alan Crocetti : Lorsque je me suis fait percer les oreilles à l’âge de 13 ans, j’ai eu des boucles en forme de pistolet. C’est le premier bijou que j’ai eu.
Quand avez-vous décidé de devenir créateur de bijoux ?
Je n’ai jamais compris pourquoi les bijoux étaient considérés comme de simples accessoires, ni pourquoi personne ne cherchait à remettre en question cette perception des choses. J’ai voulu revaloriser la joaillerie et redéfinir sa place au sein de l’industrie.
Comment est née l’envie de lancer votre marque ?
La seule raison pour laquelle j’ai créé ma marque, c’était pour que les hommes portent des bijoux. J’avais le sentiment qu’ils avaient besoin que quelqu’un leur dise qu’ils en avaient le droit. Les bijoux de ma mère, par exemple, je n’ai jamais compris pourquoi mon père ne les portait pas. Et en grandissant, j’ai toujours été intrigué par le fait que quelque chose d’aussi beau puisse être une menace pour la masculinité.

Quelles sont vos inspirations ?
J’ai un trouble déficitaire de l’attention que j’ai longtemps considéré comme une sorte de malédiction. Mais en vieillissant, j’ai réalisé que c’était un don. Parce que tout m’inspire. C’est comme si je tombais amoureux en permanence, de chaque petite chose qui m’entoure. Et je suis également particulièrement fasciné par l’architecture, la musique et l’anatomie.
Comment décririez-vous le style de vos collections ?
Je n’aime pas dire que j’ai une esthétique particulière car le style de mes collections varie beaucoup. Mais je cherche toujours à repousser les limites en termes de design et de portabilité.


Des bijoux qui renversent les stéréotypes
Que voulez-vous transmettre à travers vos bijoux ?
Mon intention principale est de sensibiliser les gens à la beauté et de les réconcilier avec eux-mêmes. Dans la société comme dans la mode ou dans la joaillerie, la tradition perpétue des cases et des stéréotypes qui me mettent mal à l’aise. À travers mon travail, j’ai envie de casser ces codes d’uniformité et de célébrer l’individualité. Mon message est le suivant : soyez fidèle à qui vous êtes, soyez fier de ce que vous êtes et portez ce que vous voulez porter. Les bijoux sont pour moi une extension du corps. Ils représentent également une forme de guérison. À travers la joaillerie, je veux abolir les visions archaïques et aider le monde à se libérer d’une certaine masculinité toxique.

Une joaillerie portée par les stars
Depuis que vous avez lancé votre marque, avez-vous vécu un moment dont vous êtes particulièrement fier ?
J’ai quitté le Brésil sans rien en poche et aussi cliché que cela puisse paraître, je considère chaque étape de mon parcours, aussi petite soit-elle, comme une réussite. De mes collaborations avec des créateurs que j’admire comme Jean Paul Gaultier ou encore Helmut Lang, aux stars qui ont porté mes bijoux comme Miley Cyrus, Lady Gaga, Dua Lipa, Madonna, Rosalía et Kylie Jenner, à ma participation en tant qu’invité d’honneur et co-président du 38e Festival de Hyères dans la catégorie accessoires… Toutes les étapes de mon parcours ont été au-delà de mes espérances les plus folles. Mais rien ne vaut le sentiment que j’ai éprouvé le jour où j’ai pu vivre de mes créations. C’est probablement le moment où j’ai ressenti le plus de fierté.
Les créations Alan Crocetti sont disponibles sur alancrocetti.com.