Imminent Fantasma ou la joaillerie comme poésie
Aperçus portés sur les marches de Cannes par la sublime Raya Martigny, en mai 2024, les bijoux de la créatrice Pauline Bernard, à l’origine de la marque de joaillerie Imminent Fantasma, s’inspirent de multiples récits philosophiques et recèlent de questionnements profonds. Pour Numéro, la créatrice se confie avec passion sur son parcours et ses fiertés, ses souvenirs et ses idoles.
Par Louise Menard.
Les bijoux délicats et mystiques de Imminent Fantasma
“Pour moi, Imminent Fantasma c’est l’idée de désirer ce que l’on ne comprend pas.” Ce qui se ressent à travers les mots de Pauline Bernard, c’est une façon unique de poser un regard exalté et contemplatif sur le monde qui l’entoure, une philosophie de vie qui imprègne également l’ensemble de ses créations, de la bague Octave aux boucles d’oreilles Rose d’Acanthes en passant par le bracelet Murmur.
Parmi ses formes fétiches, le soleil et les demi-lunes, semblables à des tourbillons, se succèdent collection après collection. Des arabesques rondes et répétitives servant aussi bien des pièces numérotées en or 18 carats que des pièces plus modestes en argent ou en plaqué or. Grâce au métal nu, Pauline Bernard crée de minuscules paysages, comme des moments de poésie venant adoucir le quotidien et qui nous rappellent toute la valeur symbolique qui animent ses bijoux.
L’interview joaillerie de Pauline Bernard
Numéro : Quel est votre premier souvenir lié aux bijoux ?
Mon premier souvenir bijoux est assez drôle, c’est celui du collier de griffes de Rahan, homme préhistorique et héros de la BD culte des années 70 qui porte son nom. Sinon, je garde un souvenir plus classique-affectif du regard de ma mère lorsqu’elle me raconte l’histoire de l’un de ses bijoux préférés : une chevalière en or au style médiéval, sertie d’une couronne et d’un rubis, une bague qui lui avait été offerte par sa grand-mère.
À quel moment de votre vie avez-vous décidé de faire carrière dans ce milieu et pourquoi ?
Je n’ai pas vraiment décidé de faire carrière dans ce milieu, mais à 15 ans, j’ai rencontré une bijoutière qui enseignait à l’École Boulle et alors que je ne connaissais pas du tout ce métier, elle m’a hypnotisée de par sa passion. Je crois que j’ai passé le concours d’entrée à l’école la semaine qui a suivi notre rencontre, et c’est comme ça que tout a commencé.
Pourriez-vous partager votre parcours en quelques mots ?
Je dirais que mon parcours s’est établi autour de deux arts complémentaires : le design de bijoux et la mise en scène, et de deux écoles : l’une de construction, l’École Boulle, où l’on apprend la minutie des techniques et l’histoire de la joaillerie, puis l’École des Arts Décoratifs, qui est à mon sens l’école de la déconstruction, où l’on apprend à remettre en question tout ce que l’on croit savoir. Puis, après mes études, j’ai travaillé pour des maisons de joaillerie comme Château Euphorie, ou Lorenz Baumer, et j’ai même réalisé des vitrines pour Boucheron, tout en collaborant à des projets de scénographie. J’ai eu la chance de travailler sur les décors des défilés Chanel pour Karl Lagerfeld, dans des lieux magiques, tels que le Grand Palais ou l’Opéra de Versailles, ainsi que sur des expositions au Jeu de Paume ou encore à la Fondation Louis Vuitton.
Comment est née l’envie de lancer votre marque ?
Durant le Covid, toutes mes activités professionnelles ont brutalement cessé, et j’ai donc eu le temps de me poser et de ressortir mes vieux carnets de dessins. C’est ainsi qu’est née ma première collection : Ritual Talks. En réalité, je ressentais depuis quelque temps déjà, un inconfort face au travail titanesque des décors et un rapport valeur/temps qui ne me correspondait plus.
Que voulez-vous transmettre à travers vos bijoux ?
De la joie et des valeurs symboliques. Je voudrais que mes bijoux soient un refuge.
Depuis que vous avez lancé votre marque, avez-vous vécu un moment dont vous êtes particulièrement fière ?
J’adore lorsqu’une cliente m’écrit que mes bijoux lui donnent de la force ou lorsque l’une d’elle revient pour la énième fois compléter sa collection. Et bien sûr, voir mes bijoux portés par des actrices, des acteurs et des musiciens que j’admire. Par exemple, je suis désormais amie avec Béatrice Dalle sur Instagram et je suis fière qu’Imminent Fantasma apparaisse sur la couverture d’un magazine international. Mais surtout je suis aux anges aussi lorsque l’on fait appel à moi pour un projet entièrement personnalisé et sur-mesure. C’est un peu comme si je partageais un secret avec la personne que j’ai en face de moi.
Pourquoi ce nom, Imminent Fantasma ?
“Imminent Fantasma” est un nom auquel j’ai pensé au moment de terminer mon mémoire de fin d’études. J’avais dans la tête des lectures comme Umberto Eco, le manifeste du Ciné-Œil de Dziga Vertov, La société du spectacle de Guy Debord, Mille Plateaux : Capitalisme et Schizophrénie de Gilles Deleuze et Félix Guattari et les romans de Marguerite Duras, Détruire dit-elle, Moderato Cantabile, L’Amant… À travers ce nom de marque, j’ai voulu traduire ce que représentent les bijoux pour moi qui sont comme des spectres d’une identité héritée, des témoins silencieux de notre passé, un point de rencontre entre désirs, langage, sexualité et héritage.
Si vous deviez dîner avec trois personnes, vivantes ou mortes, qui seraient-elles ?
J’aime les dîners non restreints, mais à choisir entre Jim Carrey, Élisabeth Ire, Buster Keaton, David Bowie, Richard Brautigan, Nina Hagen, Gwen Stefani, Cléopatre, The Wailers, Don Giovanni, Philippe Descola, Fanny Ardant, I AM, Françoise Sagan, Léonard de Vinci, Jules Verne, De Beauvoir et son +1 Sartre, je dirais les trois premiers !
Les bijoux Imminent Fantasma sont disponibles sur le site imminentfantasma.com