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24 Gena Rowlands: une biographie raconte la plus grande actrice du cinéma indépendant américain

Gena Rowlands: une biographie raconte la plus grande actrice du cinéma indépendant américain

Cinéma

Paru vendredi aux éditions Capricci, le livre “Gena Rowlands – On aurait dû dormir” de la critique de cinéma Murielle Joudet revient sur la carrière de la muse de John Cassavetes. Véritable plongée dans la vie personnelle et professionnelle de l'actrice, ce roman biographique est un voyage essentiel à travers les rôles sur grand et petit écran de l'interprète mythique d'“Une femme sous influence” (1974).

© Prob DB / Orion / DR. © Prob DB / Orion / DR.
© Prob DB / Orion / DR.

On aura retenu des actrices hollywoodiennes des années 60 et 70 – Diane Keaton, Mia Farrow et Faye Dunaway en tête – leur classe, leur glamour et leur chic. De Gena Rowlands, tout le monde se souvient de son visage en gros plan, souvent peu maquillé et de ses mimiques de femme tourmentée, sauvage, dont la liberté et la rage infusent l'écran. Pour Murielle Joudet, qui vient de publier son roman biographique sur l'actrice et femme de John Cassavetes, elle n'est autre qu'une “étoile nue, comme Jean Seberg ou Edie Sedgwick”.  Devenue le porte-étendard d'une certaine vision du 7e art défendue par son mari – un cinéma libertaire et affranchi de toutes les contraintes d'Hollywood –, Gena Rowlands a eu mille vies, à l'écran comme à la ville. Passée des productions ultra calibrées des studios aux tournages à l'arrachée de son mari, de la tête d'affiche de pièces de Broadway à l'éducation seule à la maison de ses trois enfants, la prostituée de Faces (1968) incarne, pour sa biographe, “une Lauren Bacall tombée dans le monde ordinaire, usée d'avoir tant servi”. 

 

 

Des rôles pour raconter une vie

 

Puisqu'elle et son mari ont hypothéqué plusieurs fois leur maison pour que ce dernier puisse faire des films, il semblerait que dans le couple Cassavetes/Rowlands, la frontière entre vie professionnelle et vie privée n'existe pas. C'est pour cette raison que la critique de cinéma Murielle Joudet a décidé de construire son livre sur l'actrice américaine de façon chronologique, selon les rôles qu'elle a eu sur grand et petit écran et qui ont dessiné avec le temps des périodes dans sa carrière et dans sa vie de femme. Ainsi Gena Rowlands – On aurait dû dormir débute par le rôle que personne ne lui connaît, celui de Ginny Fry dans L'amour coûte cher (1958), un film caricatural de José Ferrer faisant l'apologie de l'Amérique des années 50 où la mode est aux vies stéréotypées dans les banlieues standardisées. Là, elle incarne une femme au foyer “qui n'apparaît que soucieuse de son éventuelle maternité ou des problèmes de son mari”… Un comble, quand on sait que 20 ans plus tard – après Minnie and Moskowitz et Opening Night – la blonde incendiaire n'a eu de cesse d'interpréter des mères, épouses ou petites-amies en rupture totale avec les normes de féminité à l'écran. 

 

© DR. Cinémathèque suisse
© DR. Cinémathèque suisse
© DR. Cinémathèque suisse

Entrecoupé d'analyses d'épisodes de séries télévisées où Gena Rowlands apparaît parfois pour un épisode – dont Alfred Hitchcock Presents (1960) du maître du suspense lui-même ou Columbo aux côté de Peter Falk, son partenaire dans Une femme sous influence –, parfois des saisons entières – comme dans Peyton Place (1967) –, qui ont ponctué sa carrière (même s'ils ont été éclipsés par les grands rôles dans les films de son mari), le livre Murielle Joudet prend le parti de balayer un large spectre dans la carrière de l'actrice. À l'instar des longs-métrages de Cassavetes, qui prennent leur temps pour présenter leurs personnages et les suivent toujours au plus profond de l'intime, la cliente de Winona Ryder dans Night on Earth (1991) de Jim Jarmush a doucement fait évoluer son statut d'actrice iconique du cinéma indépendant vers celui de “label” pour toute une génération de cinéastes héritiers de John Cassavetes.

 

Ainsi, après le décès du père de ses enfants en 1989, Gena Rowlands devient la muse d'un 7e art renouvelé et porté par des réalisateurs émergeants, de Zoe Cassavetes (la fille du couple) à Marjane Satrapi. L'actrice prête sa voix à la grand-mère de cette dernière dans la version anglaise de Persepolis et joue dans le film de sa benjamine sélectionné à Sundance, Broken English (2007). En 2006, elle écrit même l'un des sketches du film Paris, je t'aime réalisé par Gérard Depardieu, où apparaît Ben Gazzara, l'un des meilleurs amis de son mari défunt… Preuve qu'encore une fois, Gena Rowlands a permis à des univers diamétralement opposés de se rencontrer, dont le cinéma français et américain, la télévision et le petit écran mais aussi “l’intransigeance artistique et l’industrie, la vie affective et les tournages, la poursuite du bonheur et une lucidité implacable”.

 

 

Gena Rowlands – On aurait dû dormir (2020) de Murielle Joudet, éditions Capricci. Disponible en librairie et sur le site de Capricci.