10 sep 2024

The Dare, le golden boy controversé derrière le tube de Charli XCX et Billie Eilish

Producteur du titre Guess de Charli XCX et Billie Eilish, golden-boy favori des clubbeurs new-yorkais, The Dare connaît une ascension fulgurante depuis qu’il ressuscite le rock des années 2000 en le rehaussant d’electroclash et de dance-punk. Mais ce sale gosse résolument cool n’est-il pas, en réalité, un grand imposteur ?

La pochette de l’album What’s Wrong with New York (2024) de The Dare.

The Dare, le nouveau sale gosse de New York

Certains oiseaux de nuit présentent Harrison Smith comme la nouvelle figure incontournable du clubbing. D’autres, encore plus enthousiastes le portent carrément aux nues : celui que l’on surnomme “The Dare” ressuscite le rock new-yorkais de la fin des années 2000. À croire que le type transformerait n’importe quelle petite sauterie en soirée ultra branchée de Manhattan…

À 28 ans, ce natif de Los Angeles, à l’esthétique minimaliste, a tout misé sur le sempiternel costume-cravate noir, sur des couplets irrévérencieux, sur quelques saillies en interview et sur un visage angélique de new face très prisée par les magazines de mode.

Un an après la sortie de The Sex EP (2023), premier disque de quatre morceaux au titre évocateur, The Dare défend aujourd’hui son premier album studio : What’s Wrong with New York. Vingt-sept minutes d’electroclash et de dance-punk façon LCD Soundsytem ou Fisherspooner, dont les envolées new wave et synthpop ravageuses avaient ébouriffé le milieu arty de la Grosse Pomme. En bon golden-boy, le musicien fait déjà chavirer les foules.

Mais, lorsque le vernis s’écaille, que reste-t-il vraiment en dessous ? Pas grand-chose, malheureusement. Car les transgressions de celui que tout le monde s’arrache jaillissent en réalité comme des salves de balles à blanc. Son cool est fabriqué de toutes pièces et son disque, conçu comme un ersatz de ce qui se faisait de mieux il y a une quinzaine d’années, apparaît comme aussi explosif que redondant. L’efficacité d’un placebo. 

You’re Invited (2024) de The Dare.

L’ascension fulgurante de la nouvelle icone du mouvement indie sleaze

Après un passage éclair sous le pseudonyme Turtlenecked, que le site Discogs décrivait en 2015 comme “un rock indé à la structure en zigzag et au lyrisme farfelu,” Harrison Smith atterrit derrière les platines des soirées privées d’Hedi Slimane. Il paraphe dans la foulée chacune des pages du contrat que lui tend Republic Records, l’influent label de Drake, Taylor Swift, The Weeknd, Nicki Minaj ou Ariana Grande. Porté par les morceaux Girls et Good Time, son EP prophétique de 2023 dévoile une pochette évocatrice : deux couples anonymes y miment des coïts… en conservant leur vêtements. L’obscénité a des limites.

Parce que sa pop électronique grinçante pourrait aussi bien dévergonder des aristocrates que figurer sur la bande originale du jeu vidéo de football FIFA, The Dare est devenu la réincarnation nostalgique de l’indie sleaze : l’ethos des fêtards aguicheurs des années 2010 dont les icônes demeurent Hedi Slimane, Kate Moss ou Pete Doherty. Sans le savoir, le producteur a acté le retour d’une époque que l’on pensait révolue, celle ou des mannequins au visage émacié haranguaient la foule depuis le podium du club le plus en vogue du moment… et que l’on trouvait ça chic.

Pour sa défense, Harrison Smith ne s’en cache pas : “L’electroclash et le dance-punk représentent beaucoup de mes idéaux personnels en matière de musique. Ce doit être amusant, dangereux, quelque peu punk et primitif, mais toujours de bon goût et élégant.

Le morceau Guess (2024) de Charli XCX et Billie Eilish.

Guess, la collaboration de The Dare avec Charli xcx et Billie Eilish

Les propos licencieux de The Dare, déclamés d’une voix nonchalante tout au long de son album, ont peut-être facilité son ascension fulgurante : “I like girls who make love, but I love girls who like to fuck. […] Girls who fuck on the train. Girls who got so much hair on they ass, it clogs the drain…” D’autant qu’il a prolongé la tendance du brat summer – esthétique de la sale gosse débraillée, popularisée récemment par la chanteuse Charli XCX –, en produisant justement le titre Guess de cette dernière, en collaboration avec la superstar Billie Eilish. Il effectue d’ailleurs une brève apparition dans le clip réalisé par Aidan Zamiri et sorti à la fin de l’été. 

La musique résolument cool et ultra cinématographique de The Dare n’a, finalement, pas grand chose d’érotique. Ses disques proposent des morceaux que l’on croirait avoir déjà entendu, à l’instar de Perfume ou de Movement, extraits de son premier album. Une belle recette composée de ritournelles efficaces soulignées par des basses gluantes. On ressent évidemment l’influence de LCD Soundsystem dans ces hymnes ardents, sauf qu’ici, ils ont été concoctés exclusivement pour alimenter la ferveur des clubs underground de New York.

Ce que je fais n’est pas si compliqué, reconnaît-il. Tout est une question d’énergie. Il s’agit de donner aux gens la permission de passer un bon moment.” Déjà entendues avant ou ailleurs, les compositions de The Dare excluent toute expérimentation au profit de ce qui fonctionne.

What’s Wrong With New York? (2024) de The Dare, disponible.