18 déc 2025

Comment Euphoria est devenue une série culte

Après de longues années d’attente, la grandiose et virtuose série Euphoria reviendra en avril 2026 pour une saison 3 attendue comme le messie. Mais pourquoi le show créé par Sam Levinson et coproduit par Drake fait toujours l’objet d’un véritable culte ? Numéro revient sur les raisons de notre addiction pour cette fiction adolescente ambitieuse, trash et sans concession.

  • par Violaine Schütz.

  • Publié le 17 janvier 2022. Modifié le 18 décembre 2025.

    Aborder avec justesse les méandres de l’adolescence, la question du genre et la diversité des corps et des âmes n’est pas une mince affaire. C’est pourtant le tour de force qu’a réalisé en une seule saison Euphoria, série créée et écrite par le prodige Sam Levinson et dont la diffusion sur HBO en 2019 fut vécue comme une collusion. Depuis, on n’a pas cessé de voir les filles, les garçons et ceux qui ne reconnaissent pas dans ces cases trop étroites s’habiller et se maquiller comme les héros du show, que ce soit sur TikTok, sur Instagram ou dans la vraie vie. C’est que l’impact de cette production, adaptée de la mini-série israélienne du même nom, sur la pop culture est phénoménal. 

    Euphoria, une série HBO culte à l’impact colossal

    Pourtant, sur le papier, rien ne prédestinait Euphoria à toucher à une sorte d’universel. Le show, mettant en scène les sensations extrêmes éprouvées par une troupe d’ados agités de Californie, s’adressait surtout à cette tranche d’âge et à ceux qui étaient le plus dans le doute. Suivant les traces de Skins et du film Kids (1995) de Larry Clark avec Chloë Sevigny et Rosario Dawson, Euphoria dresse des portraits de jeunes paumés qui essaient tous de se sentir vivants, d’une manière ou d’une autre. Même si cela passe par des pratiques dangereuses.

    “Des médias ont dit que sans Kids, il n’y aurait pas eu Euphoria.” Chloë Sevigny

    Chloë Sevigny nous confiait il y a peu à propos de la série : “J’adore Euphoria. Elle a beaucoup été comparée au film Kids (1995). Des médias ont dit que sans Kids, il n’y aurait pas eu Euphoria. Et c’est vrai que les points communs sont nombreux. Dans les deux cas, on y voit des jeunes agir en se foutant des conséquences. Mais la puissance d’HBO a permis à ce type d’histoires d’être vues par un très grand nombre de personnes tandis qu’à l’époque de Kids, il fallait se rendre dans des cinémas indépendants. C’est une opportunité extraordinaire que de pouvoir montrer dans un show aussi visible, ce que traversent les adolescents à cette période de leur vie, leurs vraies difficultés.

    Un casting exceptionnel, de Zendaya à Jacob Elordi

    L’une des principales raisons du succès du show coproduit par Drake, c’est son casting exceptionnel. La plupart des acteurs de la série sont d’ailleurs devenus des stars. Parmi la galerie de personnages tendre, cruelle et poétique de la génération Z proposée par la série, il y a Rue Bennett (formidable Zendaya), 17 ans dans la première saison d’Euphoria, qui sort à peine de désintox et ne sait pas si l’existence a vraiment un sens. Timide et neurasthénique, elle tombe sous le charme de Jules Vaughn (Hunter Schafer), une fille trans ultra magnétique débarquant dans les alentours après le divorce de ses parents.

    Dans cette galaxie attachante, on trouve aussi Nate Jacobs (Jacob Elordi), un sportif perturbé par ses complexes d’ordre sexuel, la débridée Kat Hernandez (Barbie Ferreira) qui assume ses formes en arborant des tenues inspirées par le SM ou encore la bimbo Maddy Perez (sublime Alexa Demie), peste bombesque moins superficielle qu’il n’y paraît. ll faut aussi citer Cassie Howard, la bombe sexuelle par Sydney Sweeney.

    Une esthétique du contraste

    Il faut aussi s’attarder sur l’esthétique de la série pour mieux comprendre son impact. La beauté onirique et la puissance émotionnelle d’Euphoria résident dans la façon d’aborder sans tabou ni cliché et à hauteur de vue de ses protagonistes les aventures de ces ados dans une verve aussi trash qu’émouvante. Les ennuis – famille dysfonctionnelle, chagrin d’amour, défonce, mélancolie persistante – se succèdent, mais les plans plongés dans la lumière bleutée d’un club branché sont léchés, la musique (signée en partie par Labrinth), hypnotique et les maquillages, scintillants.

    Au milieu des galères, une esthétique envoûtante se dessine. En effet, si les personnages peinent à s’y retrouver dans leurs histoires d’identité, d’amitié tout comme dans leur parcours scolaire, leurs visages se parent de paillettes étincelantes et leurs corps de tissus rutilants. Comme des étoiles dans la nuit d’une existence dramatique maculée par la drogue et le sexe sans engagement. 

    Rappelant l’ère du glam rock, ces ados se voient magnifiés par des artifices qui les rendent aussi iconiques que des tableaux. C’est particulièrement le cas de l’une de ses héroïnes les plus fortes : Hunter Schafer, actrice et mannequin bluffante de vérité qui fascine dans son rôle de Jules, une jeune fille paumée en amour qui hésite beaucoup, mais ose aussi pas mal, notamment à travers des looks échappés d’une rave Y2K déjantée. Tout en nuances, sa prestation retranscrit à elle seule toute la finesse de la saison 1 d’Euphoria qui ne succombe jamais au mauvais goût, à la facilité ou aux raccourcis.

    Une saison 2 encore plus trash 

    Si la première saison d’Euphoria s’imposait comme une réussite totale, qu’en est-il de la deuxième dont le premier épisode a été dévoilé en janvier 2022 ? Arrivant après deux impressionnants épisodes spéciaux centrés sur Rue et Jules, les nouvelles aventures de la bande d’amis étaient attendues au tournant par la critique et le public. Et dès les premières minutes, spectaculaires, les fans de la première heure étaient comblés. 

    On retrouve la même bande que dans la saison 1 (ainsi que quelques nouveaux personnages charismatiques), et si chacun a grandi et mûri, la complexité des situations demeure tout comme l’inventivité de leur mise-en-scène digne d’un clip. Côté intrigues, Rue continue d’essayer de lutter contre ses démons (l’addiction) et doit se remettre d’une séparation difficile mais elle fait une rencontre qui pourrait tout changer. 

    À l’image de cette trame narrative, cette nouvelle saison offre beaucoup de violence (la première scène, tarantinesque en diable, est un vrai choc), de sexe, d’autodestruction et de drogues. La recette, évoquant autant Bret Easton Ellis que Larry Clark, Gus Van Sant et Harmony Korine est éculée, mais la magie opère encore.

    Plus sombre encore que sa saison séminale, la saison 2 posait toujours la question de l’identité : jusqu’où est-on prêt à aller pour savoir qui l’on est et pour en finir avec le manque d’estime de soi ? Et ces interrogations, filmées à un rythme effréné tel un shoot d’adrénaline, ne touchaient pas que les ados qui ne savent pas quel outfit of the day poster en story TikTok… 

    Une saison 3 déjà historique

    Reste à savoir si la saison 3 d’Euphoria, prévue pour avril 2026, continuera de nous fasciner. L’acteur Colman Domingo confiait il y a peu à Numéro à propos des nouveaux épisodes : “Je peux vous dire que cette saison va être incroyable, magistrale. Un chef-d’œuvre en matière de série télévisée. Je pense que Sam Levinson (le créateur de la série Euphoria, ndlr) est vraiment dans une phase créative exceptionnelle où il s’est libéré de l’emprise des deux premières saisons. Il se lance des défis – en se demandant comment réinventer cette série avec ingéniosité – et il parvient à les relever. Et on arrive à un résultat qui, selon moi, soulève la question de la foi. Cette saison rappelle que l’art, c’est quelque chose bien plus grand que nous.

    En attendant de découvrir les nouveaux épisodes, cette saison 3 est déjà marquante. En effet, Zendaya, qui a remporté deux Emmy Awards, entre dans l’histoire avec elle. Après renégociation de son contrat avec la chaîne américaine, elle devient l’actrice noire la plus jeune et la mieux payée de la télévision, tout en étant co-productrice de la série.

    Je peux vous dire que cette saison 3 va être incroyable. Un chef-d’œuvre en matière de série télévisée.” Colman Domingo

    En effet, en février 2023, on pouvait lire dans le média destiné aux professionnels d’Hollywood, Puck, que son salaire pour la saison 3 d’Euphoria s’élèvait à un million de dollars par épisode. Cette somme colossale, précise le magazine, est aussi celle reçue par les acteurs de Friends dans la dernière saison de la série ou par les comédiens principaux de Game of ThronesNicole Kidman et Reese Witherspoon ont également touché le même pactole dans Big Little Lies (2017). La compagne de Tom Holland joue donc dans la cour des grands. 

    Ces derniers mois, que ce soit sur les tapis rouges, aux défilés de la Fashion Week ou lors d’avant-premières de films, Zendaya a fait sensation dans des tenues sublimes signées Valentino, Mugler et Versace vintage. Mais le règne de l’actrice américaine qui a brillé aussi sur le grand écran dans Dune, deuxième partie de Denis Villeneuve n’est peut-être qu’à ses balbutiements tans ses projets sont nombreux en 2026, de L’Odyssée de Christopher Nolan à The Drama avec Robert Pattinson.

    La saison 3 Euphoria, créée par Sam Levinson, sera disponible sur HBO Max en avril 2026.