17 mar 2021

Qui sont les nouveaux lauréats du prix Pritzker, architectes d’un nouveau monde ?

Après Christian de Portzamparc en 1994 et Jean Nouvel en 2008, le prestigieux prix Pritzker – considéré comme le “Nobel de l’architecture” – a été décerné ce mardi 16 mars à des Français, pour la troisième fois depuis sa création en 1979 : Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal. Connu notamment pour ses projets de rénovation du Palais de Tokyo et de construction de la FRAC de Dunkerque, le couple porte depuis quarante ans une conception éco-responsable de l’architecture.

Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal, lauréats du prix Pritzker, Credit: AFP

C’est sans aucun doute la plus haute distinction dans le monde de l’architecture. Créé il y a 1979 aux États-Unis, le prix Pritzker récompense chaque année un architecte, d’un duo ou d’un collectif vivant et actif pour l’ensemble de son travail dans le domaine, à hauteur de la somme de 100 000 dollars. Ce mardi 16 mars, pour la 42e édition, le prix a été décerné aux architectes français Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal, âgés respectivement de 65 ans et 67 ans. Suite à sa rencontre et sa formation à l’école d’architecture de Bordeaux, dont ils sortent diplômés en 1980, le duo est particulièrement marqué par son expérience au Niger, où les conditions économiques et les ressources limitées les obligent à penser une architecture fonctionnelle et minimaliste, et s’engage dans des projets tenant compte de leur environnement naturel et des problématiques d’équité sociale, qui feront bientôt sa grande spécialité.

 

L’un des premiers projets les plus emblématiques de cet engagement est sans doute la maison Latapie. Réalisée en 1993 aux environs de Bordeaux pour une famille de deux enfants, cette maison individuelle repose sur l’autonomie et la construction bon marché : des panneaux de polycarbonate, que l’on retrouve d’habitude dans des hangars plus que des maisons privées, apportent une importante lumière qui agrandit ses espaces intérieurs et extérieurs, tandis qu’un jardin d’hiver de 60 m2 conçu avec des technologies de serre crée un habitat naturel en plein cœur de l’édifice. Ce travail, qui leur vaut une première reconnaissance, annonce instantanément la philosophie de travail de Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal : privilégier la transformation et l’amélioration plutôt que la démolition et la construction ex nihilo.

La maison Latapie, construite par Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal

 

En 2012, le couple à la ville comme à la vie achève son projet de rénovation du Palais de Tokyo – construit à l’origine pour l’Exposition universelle de 1937 – afin d’en faire un musée d’art contemporain où primeront l’expérience et la circulation des visiteurs, mais aussi des professionnels. Contre les murs blancs classiques des musées, Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal choisissent de libérer et décloisonner le bâtiment, laissant à l’intérieur du musée de grands espaces ouverts où les décors et les œuvres peuvent être constamment réagencés, ainsi qu’un tout aussi grand parvis à l’extérieur adapté aux instants de détente et de contemplation de la tour Eiffel.

 

La démarche minimaliste et responsable préconisées par les nouveaux lauréats du prix Pritzker découle donc à la fois de contraintes budgétaires et du choix volontaire d’une architecture extrêmement consciente de la limite de ses ressources et de son impact sur son environnement immédiat. À l’heure de problématiques croissantes liées, entre autres, au réchauffement de la planète et à la pollution, ce sont précisément ces partis pris qui ont séduit le jury du prix Pritzker. “Leur travail, qui répond aux urgences climatiques et écologiques de notre temps autant qu’à ses urgences sociales, en particulier dans le domaine du logement urbain, redonne de la vigueur aux espoirs et aux rêves modernistes d’amélioration de la vie du plus grand nombre”, explique ce dernier pour justifier son choix.