Pourquoi le reboot de la “Quatrième dimension” sera incontournable ?
Aujourd’hui, la chaîne américaine CBS All Access diffuse le premier épisode de la “La quatrième dimension” (“The Twilight Zone”), une série d’anthologie produite par Jordan Peele qui endosse également le rôle de narrateur. Ce premier reboot de la série fantastique culte de Rod Sterling, débutée à la fin des années 50, est une énième critique à l’égard de la politique des États-Unis.
Par La rédaction.
1. Aux origines de la Twilight Zone
Près de soixante années ont été nécessaires pour que l'iconique “La Quatrième Dimension” (The Twilight Zone) puisse enfin bénéficier d'une nouvelle adaptation sur petit écran. Sa version originale, réalisée par Rod Serling, est diffusée par la CBS entre 1959 et 1964. À une époque où les séries télévisées prennent de l'ampleur, la “Quatrième Dimension” se démarque par son genre peu commun, la science-fiction, tandis que la popularité de la série “Alfred Hitchcock présente” diffusée précédemment sur la même chaîne, laisse à penser que la mode était plutôt au film noir.
Les différentes intrigues prennent place dans un monde fantastique – tantôt sur Terre tantôt sur l'espace – peuplé d’êtres humains, d’extra-terrestres et de monstres effrayants. Néanmoins, cette série n'était en rien effrayante, et nous semble aujourd'hui bienséante et vieillie : peu d’effets spéciaux, pas de sexe ni de violence. Si tout semble la renvoyer aux codes de l’Amérique puritaine des années 1950, elle a pourtant marqué le monde de la télévision au point d'inspirer, aujourd’hui encore, de brillantes séries d'anticipation telles que “Black Mirror” ou encore “Philip K. Dick's Electric Dreams”.
Pourquoi cette série est-elle alors devenue si iconique ? Savamment réalisée, maîtrisant les codes narratifs à la perfection, The Twilight Zone appelait également au rêve, en offrant aux Américains un monde fantastique où il devenait possible de remonter le temps (Saison 1, épisode 22 “Monsters Are Due on Maple”) et de voyager à travers l’espace. Mais, surtout, elle transmettait de manière subtile des messages bien plus profonds – d'ordre social et politique – en contournant habilement la censure qui était encore omniprésente à la fin des années 50.
2. Jordan Peele, le candidat idéal pour succéder à Rod Serling ?
“Nous sommes transportés dans une autre dimension. Une dimension inconnue de l’Homme” : c’est ainsi que le scénariste américain Rod Serling introduisait chaque épisode de la version originale de la Twilight Zone. Paradoxalement, cette voix aura été le premier écueil au reboot de la série, car adapter la Twilight Zone revient à briser le lien entre l’œuvre et son inventeur culte. Pendant près de cinquante ans, cet obstacle en a découragé plus d’un. Sans le chef d’orchestre Serling, le projet n’avait plus aucun sens.
Réalisateur, humoriste, scénariste, producteur… Jordan Peele a pourtant relevé le défi. Dès aujourd'hui, il endosse le rôle de narrateur dans cette nouvelle adaptation qu'il co-produit. Après les succès retentissants de ses long-métrages Get Out et Us au box-office, mais aussi de son ancienne série à sketchs Key and Peele, il semble être le parfait candidat, d’autant qu’on lui reconnait des points communs avec Rod Serling. D’abord, tous deux ont débuté leurs carrières à la télévision en réalisant des sketches humoristiques – Serling a fait ses débuts à WKRC-TV, une chaîne affiliée à CBS en tant que scénariste pour un duo d’humoriste. Très vite, les deux hommes se tournent vers des genres différents : tandis que Serling s’oriente vers la science-fiction à la fin des années 50, Peele signe son premier film d’épouvante, Get Out, en 2017.
Contrairement à la série d’origine, les épisodes ne dureront plus une vingtaine de minutes mais environ une heure. Côté casting, on retrouve quelques figures emblématiques du petit écran : Ginnifer Goodwin (Once Upon a Time), Zazie Beetz (Atlanta), ou encore Steven Yeun (The Walking Dead).
3. L’Amérique : une zone crépusculaire
Indépendamment de leur éclectisme ou de leur carrière, ce qui rapproche surtout les deux narrateurs c'est leur esprit d’indépendance : Peele autant que Serling utilise le cinéma et la télévision comme des armes politiques. Serling était d’ailleurs particulièrement exaspéré par le fait de renoncer à la portée politique et sociale de ses scénarios. Activiste, il s’opposait fermement à la guerre du Vietnam et aux répressions raciales aux États-Unis. En 1972, par exemple, son scénario pour The Man imaginait l’ascension du premier président noir américain, près de 37 ans avant l’élection de Barack Obama.
À travers The Twilight Zone, une série en apparence inoffensive et fantasmagorique, il critique alors subtilement la société de son temps. Par le biais de la science-fiction, Rod Serling détourne la censure et critique les dérives autoritaristes américaines. En 1964, l'épisode I Am the Night – Color Me Black condamne le racisme et raconte l’histoire d’une petite ville où la population s’unit pour tuer un habitant qui aurait tué un membre du Ku Klux Klan. Comme à chaque fois, une morale vient clore l’épisode : “Une maladie connue est la haine […] elle est mortelle”. Entre les deux hommes, l’étau se resserre car le nouveau narrateur de la Quatrième Dimension a également coproduit le BlacKKKlansman de Spike Lee…