27 fév 2023

Yellowstraps : de la soul satinée au rock sanguinolent

Yvan Murenzi poursuit en solo l’aventure Yellowstraps initiée en 2013 avec son frère cadet. Mais il abandonne peu à peu la néo-soul lumineuse et réconfortante pour un monde plus sinistre entre ruptures amoureuses et massacres à la batte de baseball…

1. Yellowstraps se métamorphose en rockeur triste

 

Jeudi 16 février. Yvan Murenzi profite d’une brève obscurité pour débarquer sur la scène du Point Éphémère, petite salle de concert du nord de Paris. Une arrivée à l’américaine. L’effet de surprise cueille d’office le public de mélomanes qui a découvert le musicien belge sous le nom Yellowstraps, duo qu’il formait jusqu’alors avec son frère cadet guitariste, Alban. Mais ce soir, il est seul pour défendre Tentacle, album de treize titres sorti au mois de janvier. Les morceaux néo-soul qu’on lui connaissait – entre complaintes satinées et hip-hop caniculaire – laissent place à des compositions sombres et sanguinolentes. En filigrane, un discours chagriné exalté par des hurlements de guitares saturées. Yellowstraps parachève sa mue en rockeur triste avide d’expérimentations : “Certains sont restés bloqués à notre période néo-soul, même si notre musique était bien plus vaste que ça, souligne-t-il le regard vague. Cette fois, je voulais proposer quelque chose de plus rock, de plus percutant, de moins descriptible.” Depuis ses collaborations avec la jeune rappeuse belge Blu Samu ou le pianiste Sofiane Pamart, Yvan Murenzi s’intéresse davantage aux univers crépusculaires des Britanniques James Blake et King Krule : “J’espère ne jamais atteindre le véritable bonheur. Je crois que je n’aurais plus rien à raconter.

2. Des ruptures amoureuses aux productions de Kaytranada

 

Yellowstraps ne se souvient pas vraiment de son pays natal, le Rwanda, qu’il a quitté à l’âge de deux ans pour rejoindre le Kenya puis l’Ouganda dont il se remémore les routes en terre et les grands villages aux maisons éparpillées. “La douce vie”. Il pose finalement ses valises en Belgique et multiplie les sessions musicales avec son frère – et d’autres amis comme le producteur Le Motel – en parallèle de sa profession de graphiste. Puis il décide finalement de faire de la musique une activité encore plus sérieuse… jusqu’au point fatidique de la rupture : “Les tournées, les voyages interminables, la promotion, la gestion des réseaux sociaux… mon frère n’a pas supporté la différence entre le hobbie et la profession. Finalement la musique ne représentait plus que 20 % de notre activité.” Après l’opus Goldress (2020) puis le Yellockdown Projet (2020), des collaborations avec différents artistes en plein confinement, Yellowstraps évoque aujourd’hui les stigmates des relations amoureuses et son rapport à la violence. En témoigne le vidéo-clip Notice, dans lequel il agresse sauvagement l’amant imaginaire de sa partenaire à coups de batte de baseball. Et parce que Yellowstraps ne connait “pas grand chose de plus violent qu’une rupture amoureuse”, il puise dans ses anciens chagrins pour imaginer des mélodies moroses. Aussi modeste que perfectionniste, tout porte à croire que le Belge ira loin. Depuis deux ans, son ordinateur portable renferme d’ailleurs une boucle musicale secrète d’une minute signée Kaytranada et envoyée par le propre frère de l’artiste américain. Jusqu’à présent, il n’a jamais encore osé l’exploiter.

 

L’album Tentacle est disponible sur toutes les plateformes de streaming.