6 avr 2022

Wet Leg, un tandem de rockeuses sexy et effrontées

Après avoir buzzé sur YouTube, en juin 2021, avec son titre Chaise Longue, le duo anglais Wet Leg, originaire d’une petite île au large de l’Angleterre, publie un premier disque punk-rock-new-wave-post-punk ultra girly. Une réussite.

© Hollie Fernando

Dans un monde où tout devient viral trop vite, on regrette que les dérapages de Kanye West, à peine commis, aient déjà traversé le globe. On déplore, aussi, d’être assaillis d’images de politiques tenant des propos ouvertement racistes et fascistes sur des plateaux télé. Mais à l’ère où l’information se fraie un chemin à une vitesse supersonique, on est tout de même heureux d’une chose : voir des artistes éclore en un battement de cil. Et tout dynamiter sur leur passage. C’est ce qui s’est passé avec Wet Leg, un tandem de filles tout droit sorties de nulle part – ou plutôt de la minuscule île de Wight en Angleterre — qui, en un titre, ont explosé des records d’audience sur YouTube. Leur clip Chaise Longue, à peine publié sur la plateforme en juin 2021, a vu son nombre de vues grimper, grimper et grimper encore… jusqu’à atteindre les plus de trois millions de vues. On peut se demander ce qu’il y a d’inédit là-dedans, Psy ayant presque inventé la formule en 2012 et Lil Nas X ayant réalisé cette performance sur Tik Tok il y a peu. C’est, en fait, qu’Hester Chambers (la blonde) et Rhian Teasdale (la brune) font du son comme on a plus l’habitude d’en écouter à la radio ou dans les playlists sélectives des plateformes : du punk-rock-new-wave-post-punk ultra girly. Ce qui rend le buzz d’autant plus inédit.

Même les deux filles, pas encore trentenaires, ont du mal à y croire. Lovées dans le canapé des locaux parisiens de leur maison de disques, Domino, elles avouent cependant avoir adopté leur nouveau lifestyle assez vite… C’est un rêve qu’elles n’auraient jamais supposé faire, le genre de mirage où vous partez en tournée pendant un mois à travers les Etats-Unis et découvrez l’existence d’une semaine de promo, enchaînant les interviews pour les médias internationaux les plus prestigieux, du Guardian, au New York Times en passant par le New Yorker. Ça paraît dingue, cette histoire de nanas qui se connaissent depuis un peu plus de dix ans – “tout comme si c’était 71 !”, ironisent-elles –, qui se sont rencontrées au lycée dans un bled paumé sur une île à 2h30 en ferry de Londres où tout le monde se connaît – même si, selon elles, il y a largement plus d’arbres que d’habitants. Rhian Teasdale a préféré l’ivresse de la capitale anglaise tandis qu’Hester Chambers, elle, y est restée. Elle croise toujours la mère de son acolyte, qui conduit les bateaux qui emmènent les touristes, certes peu nombreux, à Wight. Bien qu’elles aient tourné plusieurs de leurs clips dans leur village natal, souvent vêtues de robes bohèmes et de grands chapeaux de paille style Les Quatre Filles du Docteur March – la niaiserie en moins –, celles qui confient être plutôt effrayées par les réseaux sociaux ne s’y éternisent pas : “On est beaucoup à Londres, où on a enregistré notre album avec Dan Carey, le producteur de Fontaines D.C. On n’a même pas eu le temps de célébrer tout ça avec nos familles…”. Quand on leur demande si leurs proches se côtoient, la réponse étonne : “Tout le monde se connaît mais nos mères ne se fréquentent pas ! Peut-être qu’elles devraient ! On devrait organiser ça, faire un double date”. Et Rhian Teasdale de rétorquer, hilare : “Ma mère ferait certainement peur à la tienne !

C’est ainsi qu’on pourrait résumer le phénomène Wet Leg : imprévisible. Comme leur succès, le duo, lorsqu’on le rencontre à Paris le jour de la Saint Valentin, se révèle à l’opposé de ce que l’on aurait imaginé. Celles qui, sur leur premier disque sobrement intitulé du nom de leur groupe, enchaînent les gimmicks et les lyrics de very very bad girls (“I don’t want to have to be someone you want to marry !” crient-elles sur le morceau ironiquement intitulé Loving You) et confient écrire des paroles à l’arrache, sans aucun but, semblent, dans la vie, être des filles beaucoup plus civilisées que leurs titres laissent paraître. On les entend à peine quand elles parlent et répondent à nos questions de façon plus que laconique, laissant les phrases flotter dans l’air ou nous invitant simplement à les terminer pour elles. On est bien loin, là, du punk spirit de filles qui gueulent, devant leur micro et toutes désinvoltes, qu’elles ont décroché leur degree (diplôme)… Mais peut-être que derrière les faces angéliques d’Hester Chambers et Rhian Teasdale se cachent de vrais démons, des femmes en puissance aussi badass que Debbie Harry, qui confient avoir finalement laissé tomber la fac avant d’obtenir le fameux document, s’être dénommées Wet Leg par envie de ne pas du tout se prendre au sérieux et avoir envoyé bouler leur manager lorsqu’il a suggérer de changer de nom de scène. La brune a même eu le cran de planter son fiancé peu avant le mariage. Elle a préféré écrire des textes de sale gosse avec sa meilleure amie blonde. C’est peut-être ça, le punk. 

 

Wet Leg (2022) de Wet Leg, disponible le 8 avril chez Domino Recordings.