3 mar 2021

The radiant R’n’B of Earthgang

Nommé aux Grammy Awards 2021 dans la catégorie meilleure chanson R’n’B, le duo EarthGang est en passe de conquérir l’Amérique. Les musiciens originaires d’Atlanta ont aussi fondé un collectif, Spillage Village, qui rassemble les visages les plus prometteurs du hip-hop. Tournant le dos au rap bling-bling, ils s’affichent en jupe, pratiquent le yoga et prônent tolérance et ouverture d’esprit.

Nommé aux Grammy Awards 2021 dans la catégorie meilleure chanson R’n’B, le duo EarthGang est en passe de conquérir l’Amérique. En plus de multiplier les projets ambitieux avec leur groupe, les deux trentenaires originaires d’Atlanta ont fondé un collectif, Spillage Village, qui rassemble les visages les plus prometteurs du hip-hop, et dont le quatrième album, Spilligion, est sorti en septembre 2020 sur Dreamville Records, le label de J. Cole, l’ancien protégé de Jay-Z.

 

 

À Atlanta, Olu et WowGr8 ne sont pas forcément les plus craints, les plus bling-bling, ni les plus commerciaux. Contrairement à la majorité des rappeurs originaires de la capitale américaine du hip-hop, les membres du duo EarthGang ne sont pas passés par la case prison, ne trônent pas pendant des semaines en tête des charts, et volent encore en dessous des radars, juste assez pour rester cool, un peu underground et bien éloignés du mainstream. Au lieu de s’afficher, dans leurs clips ou sur Instagram, au volant de grosses cylindrées, entourés de groupies quasi nues et avec des bijoux tape-à-l’œil qu’ils arborent aussi bien autour du cou que sur les dents, Johnny Venus et Eian Parker préfèrent partager leurs séances de fitness et de yoga, protester contre les déviances des pro-Trump et citer dans leurs textes leur rappeur préféré, MF DOOM [sur le titre End of Daze, dans l’album Spilligion]. Comme le Britannique décédé le 31 octobre dernier, qui avait fait de son masque sa signature, les deux Américains ont eux aussi trouvé une parure les rendant reconnaissables entre mille : leur excentricité.

Dans l’une de leurs deux sessions Colors [plateforme musicale berlinoise où les artistes sont filmés dans un cube de couleur qui recrée une session studio], réalisée pour la promotion de leur troisième album studio, Mirrorland (2019), Olu et WowGr8 interprètent leur titre This Side. Sur un fond violet, ceux qui se sont appelés EarthGang par désir de “connecter les gens” s’affichent, chacun son tour, sans décor, dans des tenues affriolantes où aucun détail n’est laissé au hasard. Boucle d’oreille en forme d’araignée accrochée au lobe gauche, collier ethnique, chemise imprimée aux motifs d’un tableau de Gauguin… WowGr8, c’est la moitié mystique, la force tranquille du tandem. L’autre est fantasque mais pas déluré pour autant : en derviche des quartiers d’Atlanta, Olu apparaît enturbanné, vêtu d’un jupon blanc si ample qu’il semble une crinoline : “C’était important pour moi de me montrer en jupe : les hommes en portent tout le temps dans certaines cultures, comme les kilts en Écosse, les lavalavas en Polynésie ou les kangas en Afrique.
On n’en voit jamais aux États-Unis, mais je voulais que les gens comprennent que ça peut être quelque chose de normal, et pas exclusivement féminin
”, explique-t-il.

 

Si on ne les voit pas encore, comme leurs comparses Young Thug, Future ou Gucci Mane, se pavaner aux premiers rangs des défilés des plus grandes maisons de luxe, les rapports qu’entretiennent WowGr8 et surtout Olu avec la mode sont longuement mûris : “Pour nous, le style c’est être innovant, choquant, défier les normes, et surtout prendre position.” Une façon de s’exprimer sans prise de parole formelle qu’ils appliquent aussi à leurs morceaux, que ce soit dans les textes ou dans les mélodies. Savant mélange de rap excentrique à la OutKast, de R’n’B, de gospel et de sonorités groovy à la Donna Summer, le son made in EarthGang est un melting-pot de ce qui se fait de mieux à travers le monde. Ensemble depuis le début
du lycée, les deux jeunes hommes ont envie, à travers leurs productions, d’exprimer ce qu’ils ont vécu en grandissant, ce qu’ils ont connu en parcourant le monde, et de rendre hommage à leurs origines : “Nous sommes attachés à la tradition africaine. Quand nous partons en tournée, nous avons la chance de nous reconnecter à notre culture et cela se ressent dans notre musique. Mais c’est pareil où que nous allions, de l’Afrique du Sud à la Nouvelle-Zélande, et même en restant à Atlanta… Cette ville nous a influencés de la même manière qu’elle influence le monde, que ce soit en matière de style, de langage, de musique et même de droits civiques !” déclare WowGr8, fier de sa ville d’origine, qu’il estime tout de même très compétitive. Musiciens audacieux, les créateurs du collectif Spillage Village veulent se démarquer. Ils se plaisent à collaborer avec beaucoup d’artistes, pourvu qu’ils ne soient pas rappeurs. Ces derniers sont rockeurs, comme Brittany Howard, cinéastes militants, comme Melina Matsoukas – le duo a composé un titre de la bande originale de son road-movie engagé sur la condition afro-américaine Queen and Slim (2019) – ou inclassables, comme Gorillaz. Car comme sa musique, l’esprit d’EarthGang peut prendre toutes les formes et faire graviter autour de lui les influences les plus pointues du moment.

 

 

Spilligion (Dreamville) de Spillage Village, JID et EarthGang, disponible.