The new album by Freddie Gibbs, former drug dealer turned American rap prophet
Vendredi dernier sortait le dernier album de Freddie Gibbs, “Alfredo”, réalisé en duo avec le producteur The Alchemist. À l'aide du fidèle collaborateur de Mobb Deep et d'Eminem, le rappeur originaire de l'Indiana offre un opus à la fois grave et éthéré, dont les mélodies douces emmènent vers un territoire de rap tendre.
Par Chloé Sarraméa.
By Chloé Sarraméa.
Il est des duos qui ont façonné le rap, des couples que l’ont croirait bloqués dans une autre temporalité, qui ne se produisent plus ou dont les membres ont disparu. Il y a OutKast, Gang Starr et Mobb Deep, pionniers du hip-hop des années 90 qui, en travaillant en tandem, avaient compris que l’union fait la force et qu’elle rend les albums cultes. Freddie Gibbs est leur héritier. Originaire de l’Indiana, passé par le deal avant de trouver son salut dans le rap, ce fils de policier et d’une employée de la poste a très vite su s’entourer de producteurs surdoués: avec eux, il imagine une musique à la fois complexe et joyeuse, des albums surprenants et iconoclastes, aux frontières du hip-hop et du jazz.
De Madlib à The Alchemist
D’abord, il y a Madlib, fidèle collaborateur de MF Doom et J Dilla (membre de Slum Village décédé en 2006) avec qui Freddie Gibbs a imaginé deux albums. Le premier, Piñata, succès critique et commercial sorti en 2014 et le second, Bandana, sorti l’an dernier et composé par le rappeur américain alors qu’il purgeait une peine de prison à Toulouse – accusé de viol en 2015 et blanchi l'année suivante. Avec ce producteur de jazz et de hip-hop, Freddie Gibbs a bouleversé les codes du rap contemporain. Plus question uniquement de gros seins et de bolides: les textes sont engagés, ils traitent de trahisons, de politique et de méritocratie. Surtout, ils sont composé avec des grands noms de la musique urbaine américaine, de Black Thought, à The Roots, en passant par le new-yorkais Yasiin Bey – autrefois appelé Mos Def et membre du duo Black Star.
Drogue, foi et nostalgie
Souvent pensés par un parolier et un beatmaker, les disques de hip-hop sont toujours signés uniquement du nom de ceux qui les composent. Freddie Gibbs, lui, préfère mentionner les prodiges avec qui il collabore. C’est pourquoi il co-signe son album Alfredo avec le producteur The Alchemist. Avec lui, il a imaginé un opus de dix titres, dont les mélodies douces emmènent vers un territoire de rap tendre: de Something to Rap About – une ballade dans les limbes du hip-hop composée avec Tyler, The Creator – à Skinny Suge – un morceau halluciné, où les rimes s'enchainent sur un son calme de guitare éléctrique –, le rap de Freddie Gibbs est fait de souvenirs et d'hommages. Avec Baby $Hit, le rappeur de 37 ans nous rappelle une époque où les disques crissaient sous le diamant d'une platine, où les textes étaient revendicatifs et servaient d'exutoire à des blessures encore ardentes (“Got a pocket full of dead slave masters”/“J'ai la poche remplie d'esclavagistes morts”). Au contraire, dans 1985, celui qui a échappé à un assassinat après un concert à Brooklyn en 2014 revient à ses racines, celles d'un dealer de crack sauvé par la musique et par sa foi (“I can smell the 'caine burnin'”/“Je peux sentir la cocaïne bruler”).
Des textes ultra référencés
Après avoir imaginé Fetti, un album sorti en 2018 et aussi composé avec le rappeur de la Nouvelle-Orléans Curren$y, le duo formé par Freddie Gibbs et The Alchemist fait des sujets graves et des mélodies pointues un disque surfant sur les références à la pop culture et au sport made in USA: Scottie Pippen – ancien ailier des Bulls cité dans Scottie Beam, en duo avec Rick Ross – cotoie alors Joe Exotic – exploitant de zoo américain connu pour la série Tiger King, récemment diffusée sur Netflix. Des rimes engagés aux clins d'œil, comme “You niggas is sweeter than Joe Exotic, On the run like Assata, so fuck the police” (“Vous êtes plus doux que Joe Exotic, En fuite comme Assata, donc nique la police”), Freddie Gibbs allie sérieux et légèreté. Mieux, il ose rapprocher une figure de la téléréalité américaine à une militante historique du mouvement des Black Panther.
Fervent disciple d'Allah, Freddie Gibbs offre, avec Something To Rap About, l'un des morceaux de rap les plus transcendants, aériens et puissants de cette année 2020. En confiant “God made me sell crack, so I’d have something to rap about” (“Dieu m'a fait vendre du crack pour que j'aie quelque chose sur quoi rapper”) sur une mélodie douce, le collaborateur de The Alchemist fait planer, en toute sincérité. Il rappelle qu'avant d'être commercial, le rap est engagé et sert d'exutoire aux esprits oppressés.
Alfredo [ESGN/ALC/EMPIRE], disponible.
There are duos who have shaped rap, couples who we thought were stuck in another temporality, who no longer produce or whose members have disappeared. There’s OutKast, Gang Starr and Mobb Deep, pioneers of 90s hip-hop who, working in tandem, understood that unity is a strength and leads to cult albums. Freddie Gibbs is their spiritual heir. Originally from Indiana, a former dealer who found salvation in rap music, this son of a police officer and a postal worker has understood the importance of surrounding himself with gifted producers: with them at his side, he imagines music that is both complex and joyful with surprising and iconoclastic albums on the frontiers of hip-hop and jazz.
1. From Madlib to The Alchemist
First came Madlib, a loyal collaborator of MF Doom and J Dilla (a member of Slum Village who died in 2006) with whom Freddie Gibbs created two albums. The first, Piñata, both a commercial and critical success, was released in 2014, while the second, Bandana came out last year, having been composed by the American rapper while he was serving a prison sentence in Toulouse – accused of rape in 2015 and cleared four years later. With this jazz and hip-hop producer, Freddie Gibbs has changed the codes of contemporary rap all together. No longer about big boobs and fast cars, these lyrics have meaning, dealing with betrayal, politics and meritocracy. And they were composed with the biggest names in urban American music, from Black Thought and The Roots to New Yorker Yasiin Bey – previously known as Mos Def and a member of the Black Star duo.
2. Drugs, faith and nostalgia
Often thought out by a lyricist and a beatmaker, hip-hop records tend to be signed only with the names of those who compose them. But Freddie Gibbs prefers to mention the prodigies with whom he collaborates. That's why he co-signed his album Alfredo with producer The Alchemist. Together they’ve imagined an opus of ten tracks, whose sweet melodies lead us into a tender rap territory: from Something to Rap About – a ballad caught in hip-hop limbo composed with Tyler, The Creator – to Skinny Suge – a dazzling piece, where rhymes follow each other against the dulcet sounds of an electric guitar – Freddie Gibbs’ rap is made up of memories and tributes. With Baby $ Hit, the 37-year-old rapper reminds us of a time when records crackled on a turntable, where the lyrics were demanding and served as an outlet for burning wounds (“Got a pocket full of dead slave masters ”). In contrast, 1985, the man who survived an assassination attempt after a concert in Brooklyn in 2014, goes back to his early days, as a crack dealer saved by music and by his faith (“I can smell the 'caine burnin' ”)
3. Ultra referenced texts
After Fetti, an album released in 2018 and composed with New Orleans rapper Curren$y, the duo formed by Freddie Gibbs and The Alchemist delved into serious subjects and sharp melodies with a record surfing on a wave of references to pop culture and US sport: Scottie Pippen – former Bulls winger, is quoted in Scottie Beam; in duet with Rick Ross – he rubs shoulders with Joe Exotic – the American zoo operator seen in the Tiger King series, recently broadcast on Netflix. With his political rhymes bursting with allusions, like “You niggas is sweeter than Joe Exotic, On the run like Assata, so fuck the police”, Freddie Gibbs combines seriousness and lightness. Better still, he dares to bring a figure from American real TV up close with an activist from the Black Panther movement.
With Something To Rap About, Freddie Gibbs, a fervent disciple of Allah, gives us one of the most transcendent, ethereal and powerful pieces of rap of 2020. By confiding, “God made me sell crack, so I’d have something to rap about” against a sweet melody, The Alchemist’s collaborator takes us to a higher place with complete sincerity. He reminds us all that before becoming commercial, rap music served as an outlet for oppressed souls.
Alfredo [ESGN/ALC/EMPIRE], available now.