Pourquoi Ronnie Spector est devenue une légende
Ronnie Spector, l’ex-leader du girl group The Ronettes et flamboyante icône des années 60, s’est éteinte d’un cancer, ce mercredi 12 janvier, à 78 ans. Hommage à l’interprète de l’irrésistible Be My Baby qui a tourné avec les Beatles, envoûté les Rolling Stones et influencé Amy Winehouse.
Par Violaine Schütz.
Des tubes entêtants
Beaucoup ont découvert la musique de The Ronettes dans des films cultes comme Mean Streets (1973), Les Affranchis (1990) et surtout Dirty Dancing (1987). Patrick Swayze et Jennifer Grey dansaient en effet sur l’irrésistible tube du girl group américain des années 1960, Be My Baby (1963) dans une scène sensuelle qui marqué les millennials. Pour aboutir à ce morceau légendaire sur lequel Sonny et Cher ont joué les choristes, Phil Spector, son producteur, a utilisé une technique avant-gardiste, « une approche wagnérienne appliquée au rock ‘n’ roll » plus connue sous le nom de « mur de son. »
Ce n’est pas le seul fait d’armes dans lequel Veronica Spector Greenfield (alias Ronnie Spector) a été impliquée. En 1957, la jeune fille qui a fondé The Ronettes en 1957 avec sa sœur aînée Estelle Bennett et sa cousine Nedra Talley a enchaîné les mélodies entraînantes de r’n’b, soul, pop et doo-wop se classant souvent en tête des charts. Baby, I Love You (1963), (The Best Part of) Breakin’ Up (1964) et Walking in the Rain (1964) ont traversé les années jusqu’à influencer profondément Brian Wilson des Beach Boys, Bruce Springsteen, Billy Joel, Amy Winehouse ou encore The Raveonettes. Le groupe a même tourné avec les Beatles tandis que Ronnie Spector a collaboré avec Jimi Hendrix.
En 1964, la chanteuse se lançait dans une carrière solo découlant sur la sortie de plusieurs albums plus ou moins réussis les décennies suivantes. En 2006, elle publiait notamment Last of the Rockstars, un disque aux featurings prestigieux (Keith Richards, Patti Smith, The Raconteurs) recelant plusieurs moments de grâce. On avait eu la chance de la voir en concert à Paris en 2016, dans une salle intimiste et la diva n’avait rien perdu de ses capacités vocales, ni de son charme et de son charisme, faisant frissonner et sourire le public à chaque entame de ritournelle vintage.
Une vie amoureuse tumultueuse
Ronnie Spector était souvent qualifiée d' »Elvis au féminin« et de « première bad girl du rock ‘n’ roll. » Et elle n’a jamais laissé croire le contraire à propos de sa réputation tout au long de sa vie. En 1990, elle publiait ses mémoires, Be My Baby: How I Survived Mascara, Miniskirts, and Madness Or My Life as a Fabulous Ronette et y racontait notamment sa vie amoureuse agitée. Sexy, pleine d’énergie et gouaille, la jeune femme aux origines cherokee, afro-américaine et irlandaise a fréquenté John Lennon, Keith Richards et David Bowie. Et surtout, elle a épousé le producteur aussi génial que terrifiant Phil Spector.
Ce dernier a exercé de multiples violences psychologiques envers l’artiste, entourant leur maison de barbelés et de chiens de garde pour l’empêcher de partir. L’homme jaloux et tyrannique, condamné pour avoir assassiné l’actrice Lana Clarkson en 2003, avait même installé un cercueil en or chez lui, menaçant Ronnie Spector de la tuer si elle osait le quitter. Pour échapper à cette histoire tragique ponctuée d’épisodes dépressifs et de séjours à l’hôpital, la chanteuse s’est réfugiée dans l’alcool et la drogue. Finalement, elle réussit à fuir pour de bon leur manoir californien pieds nus (il confisquait ses chaussures pour mieux la retenir), en 1972, avec l’aide maternelle.
Un style iconique
« Nous n’avions pas peur d’être sexy, écrivait Ronnie Spector dans ses mémoires en 1990. (…) Quand nous avons vu The Shirelles monter sur scène avec leurs larges robes de soirée, nous sommes allées dans la direction opposée et nous avons moulé nos corps dans les jupes les plus serrées que nous avons pu trouver. Ensuite, nous montions sur scène et remontions ces jupes pour montrer encore plus nos jambes. » Chignons volumineux, soutien-gorges rembourrés, eyeliner et khôl prononcés, robes ajustées… les Ronettes ont imposé une esthétique forte que Ronnie Spector qualifiait de style « Spanish Harlem (le quartier où elle a grandi) cool. »
Leurs jupes fendues et leurs yeux biches affolaient les foules, tout autant que leurs timbres, lors des concerts à guichets fermés. On a ensuite retrouvé ces looks copiés-collés à la perfection et avec une touche punk par Amy Winehouse, grande fan avouée du trio et de leur leadeuse. On espère contempler une nouvelle fois cette allure sur Zendaya. La rumeur d’un biopic sur Ronnie Spector avec l’actrice d’Euphoria dans le rôle-titre circule en effet depuis septembre 2020. Un projet séduisant qui pourrait faire revivre brillamment la légende…