Rico Nasty est-elle la rappeuse la plus dérangeante du moment ?
Avec son nouvel album “Nightmare Vacation”, Rico Nasty s’impose comme l’artiste la plus dérangeante du rap américain, à coups de tubes trap, de cyberpunk et de trash revendiqué.
Par Lucas Aubry.
Dans l’album Nightmare Vacation, sorti il y a quelques jours, l’auto-proclamée inventeuse de la “sugar trap” se transforme en pop star à la voix tendre (Don’t Like Me), en trappeuse testostéronée sur Check Me Out ou encore en princesse punk sur le tube Smack A Bitch. Des multiples facettes de sa personnalité auxquelles la rappeuse a même donné des surnoms, comme Trap Lavigne ou Taco Bella.
Mais Rico Nasty est-elle aussi dérangée qu’elle voudrait nous le faire croire dans le clip de OHFR ? Dans une atmosphère lugubre en noir et blanc, la rappeuse évoque immédiatement le tout aussi dérangeant Tyler The Creator et son clip Yonkers, dans lequel le membre du collectif Odd Future avale un cafard répugnant avant de le vomir. Une chose est sûre, la vie n’a pas toujours été facile pour l’artiste de 23 ans. Renvoyée de son lycée pour avoir été attrapée en train de fumer un joint, ultime péché lorsqu’on a 14 ans, Rico Nasty voit son petit ami de l’époque succomber à une overdose de codéine quelques mois après la sortie de son premier projet musical. Le pire reste à venir : à 17 ans, la rappeuse apprend quelques jours après le drame qu’elle est enceinte du défunt.
Pour élever son enfant dans les meilleures conditions, Rico Nasty coupe les ponts avec le rap et redevient Maria-Cecilia Simone Kelly, désormais réceptionniste dans un hôpital du Maryland. À l’étroit, la rappeuse que l’on a du mal à imaginer lâcher des salutations aimables à longueur de journée replonge dans la musique après deux longues années de coupure. En 2016, elle sort le morceau iCarly, inspiré par une sitcom du même nom qui met en scène une adolescente débordante d’énergie, en quête du succès sur Internet.
À coups de gros tubes bruts de décoffrage héritiers de la trap d’Atlanta ou de la drill de Chicago, Rico Nasty devient à son tour une star sur les réseaux sociaux. Début 2018, les adolescents présents sur la plateforme TikTok s’enflamment sur les basses puissantes du hit Smack A Bitch, qui valent à Rico Nasty d’être repérée par le prestigieux label Atlantic Records. Elle y incarne une nouvelle génération de rappeuses chaperonnées par Missy Elliott aux côtés de l’américaine Cardi B. Également comparée à Megan Thee Stallion, Princess Nokia, ou encore Doja Cat, Rico Nasty fait pourtant de sa différence avec les autres rappeuses un sujet de prédilection. Plus hardcore, plus délurée, la rappeuse se vante aussi d’être suivie par un public de désaxés et de jeunes femmes sûr d’elles qui n’hésitent pas à se mêler aux pogo qui bousculent chacun de ses concerts.
Dans le clip du récent morceau IPHONE, Rico Nasty se désolidarise encore un peu plus des autres artistes en prenant la forme d’un avatar tout droit venu d’un monde cyberpunk. On imagine facilement la rappeuse s’épanouir dans ce futur post-apocalyptique, plus à l’aise que jamais au beau milieu de l’anarchie. Inaudible, le morceau aux frontières du punk, du rap et de l’EDM, ne respecte d’ailleurs aucune règle de bonne écoute. Si on ne sait toujours pas si Rico Nasty est une artiste réellement dérangée, en choisissant le cyberpunk comme alternative au trash, la rappeuse excelle à s’afficher comme l’artiste la plus dérangeante de 2020.
“Nightmare Vacation” de Rico Nasty, disponible.