6 juil 2022

Rencontre avec le chanteur de The xx Oliver Sim : « Les monstres et les méchants m’inspirent »

​Le bassiste et chanteur Oliver Sim, du groupe de pop-rock-électro britannique The xx, fondé en 2005, s’est lancé en solo en mars, avec un très beau premier single, Romance With a Memory. Aujourd’hui il dévoile GMT, un nouveau morceau annonçant un premier album puissant, Hideous Bastard, prévu pour le mois de septembre. Rencontre avec un artiste inspiré et émouvant.

Après avoir dévoilé son magnifique morceau Hideous en collaboration avec le chanteur du groupe Bronski Beat Jimmy Somerville, dans lequel Oliver Sim se confie sur sa séropositivité, le chanteur présente aujourd’hui son nouveau single GMT. Celui qui a grandi musicalement aux côtés de ses meilleurs amis Romy Madley Croft et Jamie xx dans le groupe de pop-rock-électro britannique The xx, en tant que bassiste et chanteur, a décidé à son tour de lancer sa carrière solo et c’est une véritable réussite. On a rencontré cet artiste de 32 ans, aussi humble que talentueux.

 

Numéro: Pourquoi avoir démarrer une carrière solo ?

Oliver Sim : Dans The xx, je joue avec mes deux meilleurs amis, mais je voulais ressentir ce que Jamie a appris en réalisant son propre album solo. Il a formé sa propre identité, Romy aussi lorsqu’elle s’est aussi lancée en solo. Je désirais ainsi apprendre à mieux me connaître et tenter de nouvelles idées et une nouvelle façon de travailler. Au début de la réalisation de ce premier album, c’était effrayant car je ne savais pas qui j’étais. Je me posais beaucoup de questions : « Si je ne faisais pas partie de The xx, qui serai-je alors ? À quoi ressemblerait mon projet ? De quelle manière ai-je envie de travailler ? » Mais ensuite je me suis rendu compte que ça pouvait être vraiment amusant. Je pouvais tout essayer. Les premières chansons que j’ai écrites étaient vraiment nulles, mais j’ai éprouvé du plaisir à les faire. Et j’ai continué à composer et cela a commencé à bien sonner. Alors j’ai essayé de continuer et puis Jamie a fini par me dire : « Je pense que tu devrais faire un album pour toi ». Alors je l’ai écouté.

 

Quelles thématiques voulez-vous explorer à travers votre musique ? 

J’ai réalisé que j’écrivais beaucoup sans le vouloir sur la honte et la peur parce que j’en éprouve beaucoup. Je pense qu’il est important de parler de ces sujets tabous. L’amour de soi est primordial. Le but est de se sentir plus à l’aise et d’être en paix avec soi-même. Mais pour y parvenir, j’ai dû m’attaquer aux choses qui me rendent laid, différent ou inférieur à moi-même. J’ai donc continué à écrire sur la peur, la honte, la masculinité, la différence et toute l’expérience d’écrire sur ces sujets a été joyeuse car finalement c’est le contraire de la honte. La honte, pour moi, c’est le secret et la dissimulation. Alors écrire sur ces sujets ne veut pas dire que je me cache. C’est le contraire. 

© Casper Sejersen

Quelle est votre chanson favorite sur votre futur album ?  

C’est très difficile de choisir. Évidemment, pour moi, la chanson Hideous est très importante. Cela a été une vraie thérapie pour moi. Elle a ouvert tellement de discussions. Il est parfois beaucoup plus facile d’être honnête en écrivant une chanson qu’en parlant à quelqu’un. Cette chanson m’a permis de commencer à dialoguer avec les gens et de me sentir beaucoup plus ouvert et honnête et cela a fait de moi une meilleure personne. 

 

Pourquoi avoir invité Jimmy Somerville sur le titre Hideous ?

Je voulais être son ami. Je voulais me faire de nouveaux amis, et c’est quelqu’un que j’admire. Je désirais avoir un soutien émotionnel. Jimmy m’a rassuré. À la fin de Hideous, je voulais qu’un ange apparaisse et chante les mots que j’avais besoin d’entendre. Et je suis allé voir Jimmy, parce qu’il a cette voix fabuleuse et aussi parce qu’il a beaucoup fait pour le VIH et le sida depuis toujours. Au départ, quand je lui ai présenté la chanson, je lui ai avoué : « Je ne sais pas si je veux la diffuser dans le monde ». Et il m’a tout de suite répondu : « Tu n’es pas obligé de le faire. Fais-le seulement si tu le veux, et si tu te sens prêt ».

 

Pourquoi avez-vous choisi de travailler avec le réalisateur français Yann Gonzalez pour vos clips ?

J’ai commencé à parler à Yann avant de savoir que nous travaillerions ensemble. Je l’ai en effet contacté au tout début du projet. Mon travail n’avançait pas vraiment, alors j’ai eu envie contacter des artistes que j’aime et que j’admire. Et j’ai noué une amitié avec Yann juste par e-mail. Je lui ai écrit un message disant : « Bonjour, Mr. Gonzalez. Je m’appelle Oliver. Je vous aime. Pourquoi et comment avez-vous fait ces films ? »  Yann trouve toujours l’équilibre entre le sombre et le léger. Il peut faire des films qui sont effrayants, mais aussi drôles, émouvants et très surréalistes. Et c’est ce que j’essayais de faire dans ma musique. Je ne voulais pas faire un album léger ou un album sombre. Je voulais les deux et je voulais qu’il m’apprenne comment faire.

Qu’est-ce qui vous inspire dans les films d’horreur dont vos clips s’inspirent ? 

Lorsque j’étais petit, je ne m’identifiais pas aux gentils personnages de dessins animés. Les monstres et les méchants, c’est eux qui m’inspiraient, car ils étaient puissants et invincibles. Cela les rendait différents. Les femmes dans les films d’horreur m’inspirent beaucoup aussi, comme dans Halloween avec Jamie Lee Curtis, ou Sigourney Weaver dans Alien. Elles sont en colère et fortes, mais elles sont aussi féminines et belles. Ce sont ces personnages là que je voulais célébrer dans le morceau Romance with the Memory. Dans le clip, on retrouve des monstres amusants et même homosexuels. 

 

Quel est votre film d’horreur favori ?

C’est difficile. J’en ai plusieurs. Je pense beaucoup au film Carrie au bal du diable (1976) parce que, encore une fois, Carrie est vulnérable, féminine et belle, mais aussi très vicieuse et en colère. Elle est brutalisée par les choses qu’elle subit, mais elle obtient aussi sa vengeance. Je ne crains pas le sang, les monstres, les fantômes ou quoi que ce soit d’autre, mais ce qui m’effraie le plus chez Carrie, c’est sa mère. Votre mère est censée être la personne qui veille sur vous et vous protège. Mais sa mère est sa plus grande persécutrice. Et ça, pour moi, c’est ça qui est effrayant.

 

En plus des films d’horreur, quelles sont vos autres influences ?

Les relations humaines. Tous mes artistes préférés s’engagent dans toutes sortes de formes d’art : la mode, l’art, le cinéma. Des personnalités comme David Bowie ou Björk ou David Byrne créent des mondes qui vont au-delà de la musique. Donc j’aime tous les types de créativité, mais je dirais que mes principales influences sont les relations et les gens. J’avais l’habitude de penser que j’étais un solitaire qui n’avait besoin que de Romy et Jamie. Mais j’ai besoin des gens. J’ai besoin de rencontrer de nouvelles personnes parce que c’est comme ça que je deviens créatif.

Que vous apporte la musique ?  

Elle m’aide à me sentir plus confiant. J’essaie parfois de ne pas me présenter comme quelqu’un de timide parce que je ne veux pas paraître faible. La musique m’a aussi prouvé que je n’ai pas besoin de me comporter dans ma vie quotidienne comme une personne confiante tout le temps. Et elle m’a donné tant d’amis. 

 

Qu’avez-vous appris avec The xx ? 

Je suis dans The xx depuis que j’ai 15 ans, donc je suis devenu un adulte dans le groupe. J’y ai appris à peu près tout ce que je sais, vraiment. J’ai été plus souvent dans le groupe qu’en dehors ! J’ai 32 ans maintenant, donc ça fait 17 ans que je suis dans le trio, et avant ça, j’ai été 15 ans sans l’être. Pour l’instant, nous sommes concentrés sur nos carrières solo, mais nous allons préparer un autre album avec le groupe. Ça n’a pas encore vraiment commencé, mais c’est en train de se faire et cela m’excite beaucoup. 

 

GMT (2022) d’Oliver Sim, disponible sur toutes les plateformes. 

Hideous, un court-métrage réalisé par Yann Gonzalez avec Oliver Sim sera disponible sur MUBI à partir du 8 septembre 2022.