Rencontre avec la chanteuse Joanna : « La musique m’a sortie de l’enfer »
Le 22 novembre 2023, la chanteuse R’n’B Joanna publiait son deuxième album de pop électronique intitulé Where’s the Light ?. L’occasion de rencontrer l’artiste française à la voix envoûtante, qui nous raconte dans les moindres détails la composition de ce nouvel opus très intime.
propos recueillis par Erwann Chevalier.
Depuis son excellent premier opus, Sérotonine (2021), dans lequel elle raconte une histoire d’amour, des débuts passionnés à la rupture, la chanteuse française aux airs de sirène Joanna, 25 ans, n’a cessé d’envoûter la scène musicale. On se rappelle notamment de ses excellents featurings : Démons (2020) avec le rappeur Laylow, Touche-Moi (2021) avec la chanteuse Kalika ou même de Torrents de larmes (2023) avec le jeune chanteur Chéri. Depuis le 22 novembre 2023, l’artiste qui posait pour Charles de Vilmorin en 2022, entre dans une nouvelle ère de sa carrière en présentant Where’s the Light ?. Un nouvel album thérapeutique et très intime qui explore les vertiges de la perte d’identité et de la solitude.
Where’s the Light ? : le nouvel album de Joanna
Depuis sa participation à la soirée Eurovision France c’est vous qui décidez ! (France 2) en 2022, avec son morceau Navigateure, l’auteure-compositrice et interprète originaire de la campagne rennaise Joanna semble être définitivement sortie de sa chrysalide. En délaissant sa chevelure orange qui était jusqu’alors signature, l’artiste s’est orientée vers une nouvelle direction musicale qui mixe dorénavant pop électronique, techno, rock et textes puissants. Le résultat sonne comme un sublime mélange entre la mystérieuse Mylène Farmer et l’audacieuse Eartheater. Where’s the Light ? est un véritable voyage émotionnel, entre ombres menaçantes et lumière, que Joanna raconte dans les moindres détails à Numéro. Rencontre.
Interview de Joanna à propos de son nouvel album Where’s the Light ?
Numéro : Where’s the Light ? est le nom de votre nouvel album. Quelle lumière cherchez-vous ?
Joanna : La lumière qui me permet de vivre sans avoir peur de l’inconnu, d’être jugée, ou d’être d’aimée. Toute ma vie, j’ai été dans l’obscurité. Je me suis construite sur mes failles. Je ne connaissais plus la Joanna joyeuse. Je me suis dit ‘Stop ! C’est fini. Il faut reboot’. En 2022, j’allais très souvent chez le psy. Ça m’a fait du bien mais en même temps, ça m’a fait du mal parce que je me sentais seule. La musique m’a permis de dire au revoir à certaines choses pour recommencer.
Vous chantez dans le morceau Fighting : “À quoi ça sert de grandir, quand on est malheureux”…
C’est en entamant la composition de cet album que j’ai commencé à guérir certaines blessures. Il représente ma nage vers la surface.
Dans le morceau Cher Égo, vous vous adressez à vous-même ?
C’est une lettre à mon égo. J’ai écrit ce morceau en 2021, et à ce moment-là, quand je n’allais pas bien, je lisais des livres de développement personnel. Il y a notamment un livre qui s’appelle Le pouvoir du moment présent d’Eckhart Tolle. Cet ouvrage explique que l’égo est ton “corps de souffrance”. Plus tu le nourris et plus il prend de la place. Au fil des jours, tu oublies ton identité et tu deviens égocentrique. L’égo doit être égal à ton identité. Cela a été une clé qui m’a aidée à comprendre comment je fonctionnais auparavant. Quand mon égo était trop chargé, c’était toxique.
“Avec cet album, j’ai essayé d’être le plus proche de ce que je suis et de faire la musique qui me touche.” Joanna.
Vous avez clôturé votre concert à la Maroquinerie par le morceau Ce n’est pas si grave, qui parle de viol. Les mots sont-ils votre arme pour évoluer dans ce milieu musical très masculin ?
La musique m’a sortie de l’enfer et m’a aidée à arriver ici aujourd’hui. J’ai l’impression que faire passer des messages par la musique est mon rôle. Ça donne du sens à ma vie. J’avais envie d’aborder le sujet de ce qui se passe après l’acte. En l’occurrence, c’est par rapport à ce que j’ai vécu. Lorsque tu es seule, que personne ne te soutient, et qu’on te dit que c’est de ta faute. Cette chanson, c’est la pensée que la société t’impose.
Vous avez pris un virage musical avec ce nouvel album… moins R’n’B…
J’ai commencé la musique très jeune. Quand j’ai sorti Sérotonine en 2021, c’était une expérimentation. Je ne m’étais pas encore trouvée. J’ai quand même des périodes musicales. Je peux être méga pop, puis méga rap, méga R’n’B, un d’un coup, je suis méga électro. Pour Where’s the Light?, j’ai beaucoup écouté d’électronique, de rock et d’ambient. J’ai essayé d’être le plus proche de ce que je suis et de faire la musique qui me touche. J’avais besoin d’assumer qui j’étais. J’ai aussi écouté Rosalía, Sevdaliza et Lady Gaga.
La mode prend une vraie place dans ce nouveau projet. Quel est votre rapport aux vêtements ?
Quand j’étais petite, je voulais être styliste. Pour moi, c’est une manière de s’exprimer, de se protéger et de se donner confiance. Je suis contente que la musique et la mode soient liées. Actuellement, j’aime beaucoup KNWLS et Acne Studios.
Pourquoi avoir délaissé votre couleur de cheveux orange ?
Cette couleur de cheveux représente mon moi d’avant. C’était une autre période de ma vie. Je suis un peu traumatisé parce que l’industrie de la musique est très rude. C’était un peu un choix marketing… Même si je l’ai choisi toute seule. Je devais tout le temps la porter. Changer de couleur de cheveux fait partie de ma libération.
Where’s the Light ? (2023) de Joanna, disponible. Joanna est en concert au Trianon à Paris le 10 avril 2024.