7 juil 2022

Rencontre avec James Righton, l’ex-chanteur des Klaxons devenu dandy synthpop en costume Gucci

Le Britannique James Righton, 38 ans, a été une figure musicale phare des années 2000 avec son groupe new rave Klaxons, dont il était le chanteur et le claviériste. Toujours inspiré, il sort ce vendredi 8 juillet un troisième album solo flamboyant, épaulé par le duo électro-rock belge Soulwax et un membre d’ABBA. Il y incarne Jim, un alter-ego aux allures de dandy synthpop en costume Gucci. Rencontre.

Avec les retours d’Uffie, de Santigold et des Yeah Yeah Yeahs, la musique des années 2000 n’a jamais eu autant la cote. Parmi les figures phares et scintillantes de cette époque, figurait la formation new rave anglaise Klaxons, aux chansons et aux looks colorés tapageurs. De 2005 à 2005, le trio (parfois quatuor) a fait danser le monde entier en ressuscitant l’esprit fou des raves d’antan. Au sein de ce sémillant groupe, James Righton faisait office de chanteur et claviériste magnétique, survolté et attachant. L’Anglais s’est aussi fait remarqué en collaborant, à l’écriture ou en jouant d’un instrument (guitare, piano, synthés…) à des titres des Chemical Brothers (avec Devonté Hynes), des Hinds, de Soko et des Arctic Monkeys.

 

Ce n’est donc pas un hasard si James Righton continue aujourd’hui de briller en solo. Sous le nom de Shock Machine, le musicien a sorti un excellent album électro-pop hypnotique en 2017, avant de publier sous son vrai nom le tout aussi passionnant The Performer, en 2020. L’artiste multi-instrumentiste de 38 ans confirme aujourd’hui tout le bien que l’on pensait de lui avec un troisième album post-Klaxons qui sort ce vendredi 8 juillet : Jim, I’m Still Here. Ce disque de synthpop poétique, baroque et flamboyante a été inspiré par la double vie de James Righton pendant les confinements de 2020. Le soir tombé, après avoir dîner avec sa famille, l’époux de l’actrice Keira Knightley et père de deux petites filles, enfilait le costume (Gucci) de son alter ego : la rock star Jim, afin de se produire en live sur les réseaux sociaux. Une expérience étrange que le musicien compare à un épisode de Black Mirror.

 

L’épopée synthpop de James Righton retranscrit bien l’étrangeté de l’époque. Sur des nappes électroniques délurées qui rappellent à la fois Prince, Devo, Brian Eno, David Bowie et David Byrne (des Talking Heads), Jim évoque, à la troisième personne et avec un charme désabusé, le succès et la bizarrerie de concerts en livestream donnés ces dernières années. Produit par David et Stephen Dewaele (Soulwax), Jim, I’m Still Here mixe électro, pop, disco et krautrock avec brio, multipliant les trouvailles sonores. Jamais là où on ne l’attend, James Righton y invite même sur un titre Benny Andersson, membre fondateur d’ABBA. Rencontre avec un musicien qui continue d’impressionner et d’innover, même sans les t-shirts fluorescents et les sons de synthé tonitruants de l’épopée Klaxons.

Numéro : Comment est né Jim, l’alter ego que vous avez créé pour ce nouvel album ?
James Righton : Jim est né pendant les premières semaines de confinement. Mon album précédent, The Performer, venait de sortir et je faisais la promotion du disque alors que le monde s’arrêtait. On m’a demandé de faire de plus en plus de concerts et d’interviews en direct via divers médias sociaux tout en m’occupant de ma jeune famille. J’ai trouvé la juxtaposition de la vie de famille et de cette autre vie intéressante. Alors j’ai créé Jim, la rock star tragique et pleine d’illusions confinée dans son sous-sol comme un compagnon pour mon moi domestique. Créer un personnage me permet d’explorer des thèmes de ma vie d’une manière plus extrême. Je peux jouer avec lui. Être dans l’excès. Et exercer des parties de ma personnalité que j’essaie généralement de garder sous contrôle.


Est-ce le fait d’être devenu père, d’être marié et d’avoir traversé une pandémie a modifié votre façon d’écrire des morceaux ?
Totalement. Je pense que je suis devenu un auteur-compositeur beaucoup plus honnête et plus vrai depuis que je suis devenu père. Tout ce qui ressemble à une tentative de se soucier de ce qui est cool est à mettre de côté lorsque vous passez la plupart du temps couvert de la morve et de la merde de vos filles.


Comment définiriez-vous le son, bigarré et excentrique, de ce disque ?
Ma palette sonore était limitée par les instruments que j’avais autour de moi au moment du confinement. Je me suis essentiellement appuyé sur de vieux synthés et des boîtes à rythmes que j’avais dans mon studio. C’est devenu un disque très électronique. Une fois que les chansons étaient en place, je les envoyais à distance à Dave et Stef (de Soulwax) et ils travaillaient alors dessus dans leur studio situé à Gand, en Belgique. Au moment de faire le disque, Dave, Stef et moi avons créé une playlist d’influences musicales. Nous voulions que l’album sonne une musique hybride et moderne inspirée par le groupe Japan, Ryuichi Sakamoto et Prince.

Benny Andersson, membre du groupe ABBA est présent sur votre disque. Pouvez-vous nous parler de votre travail de directeur artistique sur la tournée actuelle du groupe suédois ?  

Il y a environ trois ans, j’ai reçu un appel, venant de nulle part, d’un ami m’expliquant qu’ABBA avait composé de nouvelles chansons et prévoyait de les jouer en live. Il m’a alors demandé si je voulais faire partie de cette aventure. J’ai évidemment dit oui. Puis j’ai passé plusieurs mois à trouver les meilleurs musiciens que je connaissais et à les auditionner pour rejoindre le groupe accompagnant ABBA sur scène. J’ai ensuite passé quelques semaines avec Benny et Bjorn d’ABBA en Suède à travailler avec le groupe et sur la liste des morceaux qui seraient joués. C’était une expérience assez incroyable. J’ai passé beaucoup de temps dans « la salle de contrôle » avec Benny à écouter les sessions et les pistes audio originales d’ABBA. On se rend compte que « Dancing Queen » est une mini symphonie pop quand on la décompose en plusieurs pistes.


Comment allez-vous recréer votre album en live ?

J’ai passé beaucoup de temps à travailler sur le live à Gand avec Soulwax. C’est un « one man show » dans lequel j’alterne entre mon magnétophone Revox, mon piano et ma guitare. Je joue de nouvelles chansons, d’autres plus anciennes et quelques morceaux des Klaxons. Je suis vraiment content de la façon dont cela fonctionne. En fait, je viens juste de finir de jouer en première partie de LCD Soundsystem et le public semblait vraiment connecté à la musique et leurs réactions étaient incroyables. J’ai hâte d’amener le spectacle à Paris en septembre.

Quels souvenirs gardez-vous de l’épopée Klaxons, qui a été un phénomène musical et culturel mondial incarnant le renouveau de la scène rave ?

J’ai oublié la plupart des choses qui se sont passées avec le groupe. Les gens me rappellent souvent des souvenirs que j’ai complètement oubliés. Je pense que le fait que nous soyons tous encore en vie est un souvenir suffisant. C’est drôle parce que si vous m’aviez demandé cela il y a quelques années, j’aurais été assez dédaigneux envers le groupe. À la fin, tout avait été si traumatisant que j’avais l’impression d’avoir une sorte de syndrome de stress post-traumatique. Maintenant, je peux apprécier les bons souvenirs dans le groupe mais je me sens aussi assez éloigné de tout ça, ce qui est assez sain. Je peux voir cette période pour ce qu’elle était pour beaucoup de personnes, soit un moment amusant. On avait l’impression de surfer sur cette vague folle pendant des années. Nous avons coché beaucoup de cases. J’ai récemment vraiment apprécié de jouer quelques chansons de Klaxons dans mes concerts et c’était émouvant de voir les gens chanter en chœur avec moi.

 

Il y a peu, l’esthétique « Indie Sleaze » a ressuscité les années Myspace dont les Klaxons ont été des figures majeures. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

Je suis content si ça rend les gens heureux ! Je veux dire par là que c’était amusant à l’époque et que si les gens prennent du plaisir à regarder en arrière, ce n’est pas une mauvaise chose.

 

Jim, I’m Still Here (2022) de James Righton, disponible le 8 juillet sur toutes les plateformes. En concert à Paris le 21 septembre 2022 au Hasard Ludique.