8 juin 2022

Rema, la star de l’afrobeat adoubée par Barack Obama

Adoubé par Barack Obama en personne, le jeune rappeur né en 2000 compte déjà plus de trois millions d’abonnés sur Instagram. Sur des sonorités mêlant rap, hip-hop et dancehall, ce musicien hors pair a le don de composer des airs qui restent dans la tête et mettent le feu au dancefloor.

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Des centaines de millions de vues sur YouTube, plus de trois millions d’abonnés sur Instagram et des stades remplis de plus dix mille ados en transe… Il ne s’agit pas, pourtant, de Justin Bieber, de Rosalía ou même de Drake, mais de Rema, un jeune Nigérian né à Benin City, quatrième ville du pays. Roi des milléniaux né en 2000, empereur autoproclamé de la nouvelle génération d’artistes de sa patrie, le rappeur, qui s’est fait connaître en 2019 avec l’EP qui porte son nom, a très vite explosé. En cause : le boom monumental de l’afropop, fruit de l’industrie musicale nigériane qui, depuis le milieu des années 2010, s’exporte et s’impose à travers le monde – surtout aux États-Unis où des chanteurs comme Wizkid signent des deals avec des majors –, et les invitations répétées aux concerts d’une autre star du genre, l’ultra célèbre Burna Boy qui, depuis qu’il remplit des salles comme l’Accor Arena de Paris ou l’O2 Arena de Londres, ne se produit même plus dans son propre pays.

 

C’est en effet à ses côtés que Rema, tout juste 22 ans, fait ses premières apparitions sur scène. Il débarque, par surprise, devant une foule en liesse et, à en croire les vidéos postées sur Internet, rend dingues les fans les plus féroces de son aîné. “Lorsque Burna Boy m’a invité, je me suis rendu compte que tout le monde connaissait déjà mes morceaux ! Même ceux qui ne parlent pas ma langue chantent mes paroles mot pour mot”, s’étonne l’artiste qui, à ce moment-là, n’a même pas encore sorti d’album.

 

Héritier du père de l’afrobeat Fela Kuti – qui a propulsé le genre à travers le monde à la fin des années 70 –, le jeune homme issu d’une famille de quatre enfants et élevé dans un petit village estime avoir bâti son succès essentiellement sur une chose : ses textes. Mais en fait c’est plutôt sur leur inintelligibilité. Lors de ses apparitions en concert, Divine Ikubor, de son vrai nom, est face à un chœur qui ne fait que fredonner, de façon certes impeccable, ses refrains… Écrits en plusieurs dialectes, dont le pidgin nigérian, le yoruba et l’edo, ils semblent précisément pensés pour rester des heures dans la tête. Et surtout faire danser tout le monde, vraiment tout le monde…

Faisant exploser les compteurs, sa popularité ne saurait être réduite à de simples zéros alignés sous un clip diffusé sur YouTube. Sa musique va bien au-delà des frontières, tant géographiques que sociales, puisque le Président Barack Obama lui-même, alors qu’il a quitté la Maison-Blanche depuis deux ans, poste un titre de Rema dans sa playlist annuelle. Nous sommes alors en 2019 et le morceau Dumebi devient un tube planétaire grâce à l’ancien chef d’État américain. “Ce que je retiens dans cette histoire, c’est surtout son choix de morceau. Ce n’était pas la chanson que les gens aimaient le plus, c’était un titre très distinctif que certains critiquaient parce qu’il était trop différent. Les gens se sont moqués de moi à cause des influences arabes et indiennes. Alors, voir que l’ancien président des États-Unis aime une chanson que les autres ont rejetée, c’est presque… une correction. En Afrique, j’ai été raillé pour ce morceau, et, d’un coup, tout le monde m’a respecté”, affirme le rappeur avec l’aplomb d’une superstar.

 

Peu après, tout a changé pour lui : il déménage à Lagos, la plus grande ville du Nigeria, trouve un pied-à-terre à Los Angeles et compose son premier album, Rave & Roses, sorti le 25 mars 2022 sur le label nigérian Mavin Records, avec lequel il a signé un contrat dont on peut supposer que le montant avoisine le million de dollars. Celui qui déplore que les artistes nigérians ne soient pas correctement guidés au début de leur carrière, et que l’industrie du pays ne soit pas idéale pour faire rayonner leur musique à travers le monde, est parvenu, quatre ans après s’être fait un nom sur Instagram en reprenant le titre Gucci Gang de l’artiste local D’Prince, à collaborer avec les stars les plus en vogue du moment, de 6lack à AJ Tracey, en passant par FKA twigs et… la Française Yseult. Le tout, et c’est l’une des caractéristiques de l’industrie de la pop aujourd’hui, sans jamais enregistrer directement avec eux : “C’est l’ingénieur du son de FKA twigs qui m’a envoyé la démo il y a deux ans. J’ai alors renvoyé mes vers.” Et même s’il n’a pas retrouvé la star britannique pour tourner le clip – où ils paraissent pourtant se trouver dans la même pièce ! –, le jeune homme précise, fièrement, toutes les nationalités des artistes présents sur son disque, comme pour prouver à quel point l’afrobeat tisse une immense toile à travers le monde.

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Mélange de rap, de hip-hop et de dancehall, la musique de Rema ne se cantonne pas à la classification “afropop”, ce genre qui attise la convoitise des majors et voit certaines de ses stars, comme Wizkid, battre des records d’écoutes sur les plateformes de streaming. “J’ai inventé un sous-genre de l’afrobeat : l’afrowave. C’est une révolution dans la musique africaine, le futur, une façon de vivre… c’est Rema. C’est un son qui va donner naissance à beaucoup d’autres, justement parce j’ai modelé les oreilles des auditeurs”, explique-t-il, très sûr de lui. Car s’il y a bien un trait de caractère que cet ancien timide partage avec les plus grandes pop stars, c’est son assurance. Il déclare avoir tombé le masque. Une expression à prendre au sens figuré comme au sens propre, sachant qu’en 2019 il entrait encore sur scène le visage masqué : il se sentait comme un voleur introduit par effraction, de nuit, dans l’industrie de la musique.

 

Depuis, il est assailli par des hordes de fans dès qu’il pose un orteil au sol, doit se cacher lorsqu’il sort faire du shopping à Dubai, dans un centre commercial, et est même devenu le visage d’une marque chinoise de smartphones qui fera bientôt de l’ombre à Samsung ou Apple. À l’instar des autres phénomènes pop, il peine à expliquer ce succès qui le dépasse. Hormis le buzz sur Internet, l’engouement qui l’entoure n’est pas dû, pour lui, à une force tangible. Elle est supérieure, immatérielle et aérienne. Elle s’appelle Dieu. Comme Kanye West et Justin Bieber, Rema s’en remet à la foi chrétienne. Il a connu le deuil très jeune, a perdu son père et son frère, a dû s’éduquer par ses propres moyens. Et l’Église a joué un grand rôle dans sa vie : “Ma mère a fait du mieux qu’elle pouvait. Dans mon village, l’enseignement dispensé à l’école n’était pas le meilleur… Alors j’ai tenté de trouver des modèles à travers la religion. Et j’ai travaillé, en chantant tout seul dans ma chambre. J’avais confiance en la spiritualité, c’est d’ailleurs elle qui m’a mené là où je suis arrivé : Dieu m’a béni, il parle pour moi, c’est lui qui décide de ce que je vais devenir. Moi, je veux marquer l’histoire de l’afrobeat et être une source d’inspiration pour les plus jeunes afin qu’ils croient en eux-mêmes.

 

Rave & Roses (Mavin Records) de Rema, disponible sur toutes les plateformes.