Qui sont les nouveaux enfants terribles du rock ? Rencontre avec Moaning
Les trois Californiens de Moaning ont choisi le festival Les 3 éléphants, à Laval, pour leur première scène en France. Au programme : un rock décoiffant. Leur premier album “Moaning” est sorti en mars, sous le label Sub Pop, qui a produit le mythique groupe grunge Nirvana. Rencontre avec les enfants du rock garage à l'humour décapant.
Par Marthe Rousseau.
Le rock décoiffant de Sean Solomon (chant et guitare), Pascal Stevenson (basse et synthé), et Andrew MacKelvie (batterie) alias Moaning ouvrait les festivités aux 3 éléphants, le 25 mai. Tout droit venu de Los Angeles, leur premier album est un petit bijou rock garage nerveux où chant, guitare, basse et batterie se mêlent dans une atmosphère à la fois sombre et lumineuse.
Numéro : Le festival Les 3 éléphants s’est ouvert avec votre concert, comment l’avez-vous ressenti ?
Pascal : Il y avait plus de personnes que ce qu’on s’était imaginé.
Sean : Oui, il y avait genre, je sais pas, 10 000 personnes ! (rires) C’était bien car on ouvrait le festival et c’était la première fois que l’on jouait en France.
Pascal : D’ailleurs, il y avait un gars avec un T-shirt des Sex Pistols devant la scène qui était déchaîné. A lui seul, il suffisait !
On sent une belle complicité entre vous trois. Comment vous êtes-vous rencontrés ?
Sean : Pascal et moi, on s’est rencontré au lycée, c’était en 2007, j’avais 15 ans et lui 14 ans. Ensuite, on a commencé à jouer de la musique ensemble et à faire des concerts pour un autre groupe à l’époque qui s’appelait Moses Campbell. Puis on a rencontré Andrew, notre plus grand fan, qui est venu voir un de nos lives. Et ça a été le coup de foudre.
Andrew : C’est eux qui sont tombés amoureux de moi. (rires)
Sean : On lui a dit : “Nous allons réaliser tes rêves : rejoins notre groupe” ! (rires)
D’où vous est venue l’idée du nom Moaning [gémissement] pour votre groupe ?
Sean : “Moaning” m’évoquait deux sens différents, à la fois celui de plaisir et de souffrance. Ca me rappelait aussi le sens des chansons, qui parlent de cette ambivalence dans les relations, comme dans les ruptures amoureuses. La musique de notre groupe est assez bipolaire, à la fois douce et bruyante, et j’ai pensé que c’était un nom approprié.
À propos de votre musique, comment faites-vous pour composer vos morceaux ?
Sean : Au début, je venais avec une mélodie à la guitare acoustique et au chant, et ensuite on faisait les arrangements tous ensemble. Mais maintenant, c’est réparti de façon égale, chacun apporte des idées. Je me focalise d’abord sur les paroles, pour qu’il y ait une certaine cohérence dans la narration, mais chaque décision est adoptée de manière démocratique : on décide tous ensemble.
Pascal : On construit souvent des morceaux en improvisant à partir d’une mélodie à la guitare ou à la basse, et on voit ce qu’il se passe après, pendant quelques heures.
Sean : Sur le premier album, Moaning, il y a peut-être 4 ou 5 morceaux que j’ai complètement écrits, et d’autres de Pascal. Mais pour moi, les meilleures chansons restent celles que l’on écrit ensemble.
Pascal : Ouais, je suis d’accord.
Comment pourriez-vous définir le style de musique que vous jouez ?
On a du mal à donner un nom spécifique à notre style, parce qu’on est nourri de différentes influences : shoegaze, post-punk et indie rock. D'ailleurs, les gens définissent en général notre style de post-punk ou de shoegaze, même si je n’aime pas spécialement mettre d’étiquette à notre musique.
Et quelles sont vos sources d’influences qui vous ont donné envie de faire de la musique ?
Sean : À part les ruptures amoureuses vous voulez dire (rires) ? Je rigole. Personnellement, j’ai grandi en écoutant Sonic Youth, The Wipers, Nirvana… Et récemment, Pascal m’a fait écouter des groupes, j’ai redécouvert The Cure par exemple. J’ai réalisé que j’écoutais énormément de groupes qui se suicidaient… Mais j’aime aussi écouter ceux qui sont encore vivants.
Pascal : The Cure est toujours vivant!
Sean : Oui, The Cure ! Ils sont tristes mais ils ne sont pas encore passés à l’acte, non ?
À propos de noirceur, votre pochette d’album montre une fenêtre qui flotte dans un ciel bleu nuit. Que représente-t-elle ?
Sean : C’est un miroir que l’on a décoré comme si c’était une fenêtre et qu’on a accroché avec des lignes de pêche. Le miroir représente à la fois le reflet que l’on peut avoir de soi-même dans une relation amoureuse et l’illusion qu’est ce reflet.
Êtes-vous inspirés par les arts visuels pour créer ?
Sean : Oui, je pense que les arts visuels, et en particulier le surréalisme nous influencent énormément. Avant, j’étais vraiment intéressé par Toilet Paper Magazine, fondé par l’artiste Maurizio Cattelan et d’autres artistes. Ça ressemble à l’univers de Dalí, il y a beaucoup de couleurs vives, c’est très pop. Quand on a commencé avec le groupe, je faisais des sortes de collages sur le même principe.
À propos de pop, vous êtes sous le label Sub Pop, le même que Nirvana. Comment cela s’est-il passé ?
Sean : On a fait un clip nous-mêmes pour notre chanson intitulée The Same, on l’a mise sur Internet et le producteur, Alex Newport, l’a découverte et nous a proposé d’enregistrer un album. Et quand on l’a fini, je l’ai envoyé au label Sub Pop. Le lendemain, on m’a appelé et quelques mois après, on a signé. Ça a été très rapide. Et on a eu le label qu’on voulait. Quand j’étais petit, j’étais obsédé par Nirvana. On était forcément hyper excité de travailler avec eux. Il y a probablement 50 groupes sous ce label que j’adorais quand j’étais enfant, comme Sunny Day Real Estate par exemple.
Si vous aviez le choix de jouer ou de composer un morceau avec des artistes (morts ou vivants), quels seraient-ils ?
Sean : On aimerait jouer avec My Bloody Valentine, Slowdive, et The Smashing Pumpkins pour ceux qui sont en vie… Je réfléchis, ça n’est pas une question simple.
Pascal : Allez Sean, tu as la possibilité de jouer avec Kurt là !
Sean : Oui, je crois que j’aimerais jouer avec Kurt Cobain, mais ça doit être un abruti. Il passerait sa main dans ses cheveux et dirait « Je suis défoncé, putain ! Je suis la voix d’une génération » (rires).
Pascal : Tu aurais probablement fait la même chose ! (rires)
Sean: Non, je n’ai pas les mêmes cheveux… (rires) Je ne sais pas si Kurt serait très collaboratif mais ça serait cool de jouer avec Nirvana, ça serait fait : la boucle serait bouclée.