Qui est Kaya Wilkins, la mannequin future star de la pop ?
À tout juste trente ans, Kaya Wilkins possède déjà plusieurs cordes à son arc. Après des débuts dans le mannequinat, la jeune femme se lance dans la musique en 2015 et sort son premier titre intitulé “Damn, Gravity” sous le nom de scène Okay Kaya. Deux ans plus tard, elle tourne dans le thriller psychologique “Thelma” de Joachim Trier – qui reçoit un très bon accueil critique et remporte une douzaine de prix à l’international. Le weekend dernier, Kaya Wilkins a dévoilé son troisième album “Surviving Is The New Living”, un projet intimiste, empreint de mélancolie et de désir.
Par Allan Lemarchand.
Mannequin, actrice, chanteuse, productrice… En seulement dix ans de carrière, Kaya Wilkins a déjà connu plusieurs vies. Née d’une mère norvégienne et d’un père américain, la jeune femme grandit dans la province d’Oslo et baigne dans la sphère artistique dès son plus jeune âge. Elle hérite son amour pour la musique de ses parents, fascinés par la comédie musicale de Broadway. À 18 ans, la jeune femme se lasse des paysages norvégiens qu’elle estime “trop homogènes” et tente sa chance à New York. Elle entame alors une carrière de mannequin et travaille notamment avec Calvin Klein et Bottega Veneta, avant d’attirer l’attention de publications telles que Vogue US, UK, Wonderland, M, le magazine du Monde et fait même la couverture du Numéro 215. Cependant, Kaya Wilkins ne s’épanouit pas totalement dans cette profession à laquelle elle reproche un manque de stimulation créative.
Des podiums aux studios d'enregistrement
“C’est l’ennui qui m’a mené à la musique.” En 2015, Kaya Wilkins délaisse les podiums et les séances photos afin de se concentrer sur sa carrière musicale. On assiste alors à la naissance de Okay Kaya, un projet au caractère introspectif, cathartique et autobiographique. Avec son premier titre Damn, Gravity, l’artiste dévoile un son épuré, avec des lignes de guitares électriques simples, soulignant des paroles emplies de mélancolie : “Satané gravité/Il s’éloigne de moi en flottant/Je n’ai jamais voulu lui faire de mal/Il s’éloigne en flottant/J’espère qu’il flottera de retour jusqu’à moi.” Pour Kaya Wilkins, le processus d’écriture est avant tout cathartique et représente un moyen de gérer et communiquer ses émotions. Ses paroles relèvent alors souvent du personnel – voire du très personnel –, donnant à son public l’impression de partager son journal intime : “Quand je suis sur scène, j’ai l’impression d’être nue, me masturbant et pleurant en même-temps”, explique-t-elle.
Kaya Wilkins au grand écran
Kaya Wilkins fait ses premiers pas dans l'industrie du cinéma en tournant dans le film Thelma (2017) du réalisateur norvégien Joachim Trier, confirmant son goût pour l’inhabituel et l’étrange. À mi-chemin entre le coming of age et le thriller psychologique, ce film suit le personnage de Thelma, une jeune adolescente issue d’un milieu très religieux qui déménage à Oslo pour poursuivre ses études. À l’université, elle fait la rencontre d’Anja – incarnée par Kaya Wilkins – et développe des sentiments contradictoires envers elle. Plus tard, Thelma découvre qu’elle possède des pouvoirs de télékinésie, lui permettant de manipuler à sa guise l’espace-temps. S’en suivent alors de nombreuses péripéties où Thelma apprend à contrôler ses pouvoirs, souvent au détriment de ses proches. Le film reçoit un excellent accueil critique — 93% sur le site de Rotten Tomatoes –, et est sélectionné aux 90e Academy Awards dans la catégorie meilleur film étranger. Il remporte douze prix sur plusieurs festivals internationaux. La performance de Kaya Wilkins en tant qu'Anja est récompensée par une nomination dans la catégorie meilleure actrice dans un second rôle au Festival international du film norvégien.
La psychologie d'Okay Kaya
La dépression, les sentiments, la sexualité et le corps sont les thèmes phares de son premier album intitulé Both (2018). Afin de réaliser ce projet comme elle l’envisage et ne pas être soumise à la censure, Kaya Wilkins crée son propre label de production, Heavy Body Records, sous lequel elle sortira ce premier album. Le projet s’ouvre avec le titre Vampire, où la jeune chanteuse aborde sans fioritures son rapport à la dépression, à l’alcool et aux chagrins d’amour : “Je ne suis pas une alcoolique, mais je suis toujours si fatiguée. Je m’ennuie tout le temps et je me sens toujours mal. Je n’arrive pas à dormir la nuit. Avant, tu m’appelais tous les soirs.” Dans IUD, elle aborde le thème de la contraception de manière frontale, tranchant avec l’ambiance dream pop du morceau, inspiré par sa propre expérience et la politique anti-contraceptive du président Donald Trump : “Viendrais-tu avec moi, pour que je me fasse poser un stérilet ? Peut-être que si tu viens avec moi, je te laisserais venir en moi. Car bébé, tu es si beau, mais je ne veux pas de ton bébé.” Dans le clip, la chanteuse se réveille aux côtés de son double, qui la suit dans toutes les étapes de son quotidien : “Il y a un jumeau qui nait de nos traumas, il en devient l’incarnation physique. Ça m’intéresse de voir comment celui-ci agit dans les sphères publiques et privées.”
En 2020, Kaya Wilkins revient avec non pas un, mais deux albums. Au mois de janvier, l’artiste dévoile son second album studio, Watch This Liquid Pour Itslef – “regarde ce liquide se déverser” en français – un titre inspiré par la théorie d’Hippocrate concernant un bile noir qui se déverserait de nos reins, causant des états dépressifs et la mélancolie. Avec ce projet, l’artiste pousse encore plus loin son expérience de l'écriture cathartique, allant parfois jusqu’à frôler le burlesque : “Et si les pilules que je prends m’empêchent de mouiller ?” dans Baby Little Twin ou encore “Je sais que je suis médiocre au lit/Mais je peux te donner un bien-être asexuel” dans Asexual Wellbeing. Avec ce nouvel opus, Kaya Wilkins présente une esthétique musicale plus versatile, allant du rock aux sonorités électroniques en passant par des touches de disco.
“Surviving Is The New Living”, troisième opus d'une trilogie psychologique
Avec Surviving Is The New Living – troisième album de Okay Kaya sorti le weekend dernier –, on observe un retour à l’esthétique dream pop qui caractérisait Both. Dans une ambiance intimiste, épurée et hors du temps, la voix de Kaya Wilkins porte des mélodies mises en valeur par un travail d’harmonies, conférant un caractère presque religieux à certains morceaux tels que Baked Bean, Knagg – enregistré en norvégien – et Palm Psalm. Réalisé durant le confinement, cet album présente – comme ses prédécesseurs – un aspect introspectif, reflétant les états d’esprits de l’artiste durant cette période : “Je suis trop excitée pour cette quarantaine. Je ferme mes yeux et je fantasme que j’embrasse le ciel, et que le soleil descend sur moi”, chante l’artiste dans le très sensuel Kiss this Sky. Ce nouveau projet présente également une sélection de morceaux à la production minimaliste, à l’image de Snacks, où la voix de la chanteuse est simplement accompagnée par une guitare électro-acoustique et une basse. 5th Arm, le morceau clôturant l’album est réalisé a capella, mettant en valeur un travail d’harmonies à quatre voix, se chevauchant les unes les autres au rythme d’un canon. Autre curiosité de l’album, le titre Das Obst – le seul enregistré en allemand – se démarque des autres pistes de l’album par sa production. Le morceau démarre sur une introduction résolument plus électronique, avant d’être contrebalancé par une guitare en picking et une légère déformation de la voix de l’artiste. Au final, Surviving Is The New Living se pose comme le troisième volet d'une trilogie, retraçant le parcours psychologique de l'artiste. Ce nouvel opus présente à la fois de nombreuses similarités avec ses prédécesseurs, mais également des sonorités plus légères, évoquant les bienfaits cathartiques de l'écriture.
Surviving Is The New Living (2020) de Okay Kaya, disponible.