Qui est Cautious Clay, le musicien prodige qui explore les méandres de l’amour ?
Prodige du R’n’B et musicien multi-instrumentiste de 28 ans, Cautious Clay a composé, écrit et produit son tout premier album, Deadpan Love (2021), un recueil de quatorze titres marqué par le contraste entre des mélodies lumineuses et des paroles mélancoliques, dans lequel il explore l’amour sous toutes ses formes.
Par Alice Pouhier.
En observant le visage fatigué et les yeux mélancoliques de Cautious Clay, on a du mal à l’imaginer arborer un sourire de commercial. Pourtant, avec une mère avocate et un père médecin, il se lance lui aussi dans de longues études, malgré son talent pour la musique, qu’il cultive dès l’âge de sept ans. S’il commence par jouer de la flûte, il s’essaye à la guitare, à la basse, au clavier puis aux percussions, et multiplie les concerts de fin d’année dans son école. Mais à dix-huit ans, Joshua Karpeh – de son vrai nom – quitte les allées de Cleveland pour Washington, puis New York, où il travaille deux ans en tant qu’agent immobilier. Après quelques déboires professionnels, il décide d’abandonner le confort terne d’une vie corporate pour se consacrer à son premier amour, la musique : “C’était un peu stressant de sauter le pas, mais pas aussi effrayant que l’idée de travailler dans l’immobilier pour le restant de ma vie.” Alors âgé de 23 ans, Joshua Karpeh devient Cautious Clay et livre Cold War, un single très remarqué de son premier EP, Bloodtype, un projet introspectif traitant de la question de l’identité. Depuis, dans l’onglet « À propos » de sa chaîne Youtube, Cautious Clay a inscrit deux mots : “Emotional wealth” (“Richesse émotionnelle”), et n’a jamais failli à la mission qu’il s’est donné.
Depuis 2017, le multi-instrumentiste écrit, compose, interprète et produit ses morceaux seul, construisant peu à peu un univers qui fera de lui l’une des nouvelles voix du R’n’B alternatif. Inspiré par le folk de Neil Young et la soul de Marvin Gaye, l’artiste enchaîne les projets musicaux avec deux autres EP, Resonance (2018) puis Table of Context (2019) ; la même année, il collabore avec John Mayer pour le titre Swim Home, l’un des titres de la BO du drame adolescent 13 Reasons why. À 28 ans, le musicien a livré vendredi son tout premier album, Deadpan Love, qui questionne l’amour sous toutes ces formes à l’aide de morceaux dont la musicalité lumineuse contraste avec des paroles maussades – à l’image de celui qui aime à se définir comme un nihiliste optimiste. “Avec cet album, j’ai voulu explorer le côté multidimensionnel des relations humaines, toute la zone grise entre le noir et le blanc, explique-t-il. En moi, il y a deux aspects qui se confrontent : le sarcasme et la noirceur, et l’amour, l’empathie. Je voulais livrer un premier opus qui condense ces deux aspects.” Contrairement à l’intuition première, ce premier disque n’est pas un recueil de chansons d’amour ; et sous ses airs de crooner torturé, Cautious Clay y aborde des thèmes douloureux, graves ou politiques, posés sur une mélodie neo soul et des rythmes qui mêlent jazz, hip-hop et pop alternative.
Car pour le musicien de 28 ans, un artiste se doit de montrer au monde certaines réalités difficiles. Si les médiums ont changé, l’objectif reste le même : “Parfois, les gens ne sont pas conscients de certaines choses, et l’artiste a la capacité d’observer et de présenter, à travers son art, une réflexion qui mérite d’être menée.” Dans l’esprit de la dualité qui, selon lui, gouverne toute chose, le groovy et entrainant Strange Love traite de la confusion causée par un quotidien plongé dans une société capitaliste, dans laquelle il est parfois difficile de discerner le sentiment réel d’un attrait provoqué par le marketing. “C’est juste une observation qui permet de se demander : est-ce que j’aime vraiment ça ou bien quelqu’un m’a demandé de l’aimer ?” L’amour, s’il est le fil rouge de ce premier album, est conjugué à tous les temps, toujours nuancé par une part d’ombre. Dans le langoureux Roots, le musicien explore ainsi l’ambiguïté des liens qui se forgent sur la durée, jusqu’à devenir toxiques, exacerbant le pire en soi : “You can make me wanna lie and be dishonest” (Tu me donnes envie de mentir et d’être malhonnête). Puis dans la magnifique balade Wildfire – dont le clip est signé par le réalisateur Colin Reed – Cautious Clay s’interroge sur le concept d’être aimé lorsqu’on est un artiste, de l’importance d’écouter vraiment, au-delà de succomber à une simple mode.
Deadpan Love (2021) de Cautious Clay, disponible sur toutes les plateformes d’écoute.