8 mar 2018

Quand Bowie rencontre Seal… Qui est Nakhane nouveau phénomène soul ?

Le timbre ardent d’un Seal et l’éclat glam d’un Bowie… Après un premier album salué par la critique, la sensation sud-africaine Nakhane est de retour avec You Will Not Die, perle électro soul étincelante prévue pour le 16 mars prochain. 

Nakhane par Tarryn Hatchett

À une centaine de kilomètres de Port Elizabeth, en Afrique du Sud, se trouve Alice, un village de 15 000 habitants. C’est ici qu’est né Nakhane Touré en 1988, bercé par les chants de sa mère et les mélopées de ses cousines. Un lyrisme envoûtant qui ne l’abandonnera jamais. Sa famille appartient à l’ethnie Xhosa, la deuxième plus importante d’Afrique du Sud après les Zoulous, un peuple majoritairement chrétien originaire des Grands Lacs. À l’université, Nakhane a étudié la littérature. Il publie son premier roman, Piggy Boy’s Blues (2015), fortement inspiré de sa vie. Un corps svelte, des traits fins et un physique androgyne… Un an plus tard, son charisme insolent frappe de plein fouet le cinéaste John Trengove, qui lui propose d’incarner Xolani, ouvrier solitaire, dans son film Les Initiés (The Wound). Le long-métrage révèle des rites très secrets. Controversé, il concourt toutefois pour l’Oscar du meilleur film étranger sans décrocher la statuette. À l’origine, Nakhane devait simplement en composer la bande originale. Car le Sud-Africain est avant tout musicien.

 

 

“Chaque jour de ma vie, j’essayais de toutes mes forces d’être comme les autres, hétérosexuel”

En 2017, Nakhane a fait sensation aux Transmusicales de Rennes, festival international de “musiques actuelles”. Sa voix cristalline a déversé une soul expérimentale aux soubresauts rock sur un public qui ne s’attendait à rien. Mariage parfait entre Seal et Keziah Jones, Nakhane porte en lui la ferveur de Marvin Gaye, le charisme de Bowie et la verve poétique de James Baldwin, qu’il adule. Dans Brave Confusion (2013), un premier opus élu meilleur album alternatif d’Afrique du Sud, l’artiste évoquait ses tourments identitaires. “Chaque jour de ma vie, j’essayais de toutes mes forces d’être comme les autres, hétérosexuel, confie-t-il. J’étais même persuadé que j’arriverais à ‘guérir’.” Aujourd’hui, Nakhane a fait abstraction des tabous africains et des stigmates de sa jeunesse.

 

 

Nakhane a surtout dérobé l’électro des club gays, des sonorités originelles qui subliment ses morceaux expérimentaux.

 

 

Artiste méthodique, il s’est exilé à Londres pour parfaire son second album : You Will Not Die. Autrefois essentiellement acoustiques, ses liturgies étincelantes résonnent tout au long d’un album vigoureux et résolument spirituel. Les riffs de guitare blues y croisent une soul bouillonnante. Mais Nakhane a surtout dérobé l’électro des club gays, des sonorités originelles qui subliment ses morceaux expérimentaux. Ainsi, la détonation queer de Clairvoyant emprunte les mots de Jean Cocteau dans Les Enfants terribles – tandis que la gifle glam Interloper imagine un gospel strass. Énigmatique, lumineux et totalement fascinant, Nakhane est une goutte de verre incassable dorée à l’art pop.

 

Nakhane, You Will Not Die, BMG, sortie le 16 mars.