Muthoni Drummer Queen, l’artiste qui électrise le Kenya
Trois jours avant la journée internationale des droits des femmes, la chanteuse Muthoni Drummer Queen, connue au Kenya comme la reine des tambours aux titres engagés et dissidents, sort un nouveau titre aux allures de manifeste féministe : "Power".
Par Margaux Coratte.
Sa musique est en passe de devenir l’hymne de toutes les révoltes féministes. En pleine effervescence de la libération de la parole des femmes, la voix de Muthoni Drummer Queen rugit plus fort que toute autre. Née dans les ghettos de Nairobi, l’électron libre de la pop kenyane sème la pagaille avec ses beats attrayants et son militantisme effronté. Une vraie boule d’énergie.
Son morceau contestataire Kenyan Message avait fait l’effet d’une bombe dans le pays du président Uhuru Kenyatta en 2017. En dénonçant les inégalités sociales grandissantes et la corruption du gouvernement, elle bravait fièrement les politiciens avec un brillant manifeste, en une reprise/hommage au fameux The Message de Grandmaster Flash. "Don’t push me coz I’m close to the edge. I’m trying not to loose my head." (“Ne me poussez pas, car je suis proche de la limite. J’essaye de ne pas perdre la tête.”)
Une reine à la barre
Découverte en Europe grâce à son deuxième album She, la Queen B du Kenya aborde les violences faites aux femmes dans des paroles chantées en anglais, en swahili et en sheng (argot kényan). Chacun de ses titres est un portrait aux allures de manifeste : l’un s’élève contre les discriminations subies par les Somalis, l’autre contre la déliquescence de l’hôpital, écho à la très longue grève des personnels de santé en 2017. Bref, la rappeuse éclectique assène ses mots sur des rythmes soul aux accents reggae, s’adressant au monde avec brio. Dans sa chanson Dear Mathilde, elle met en garde un bébé contre les affronts qu’elle subira dans sa vie : "Être une femme est un job à plein temps. Tu devras travailler deux fois plus dur, pour la moitié du salaire, mais n’oublie pas que tu es une reine !".
De retour avec Power, Muthoni Drummer Queen continue sur sa lancée revendicatrice en affirmant la puissance des femmes. Truffé de références historiques, le clip est un ensemble de clins d’œil à des figures féministes kenyanes. "Getting Loud. Getting Louder" lâche-t-elle pendant que l'image de la championne de boxe kenyane Judy Waguthii frappant dans un sac, en plein entraînement, alterne avec d'autres images de femmes aux commandes : conductrices de bus, séductrices en tenue d'Ève croquant dans la pomme, femmes buvant le whisky de leur mari. Une scène attire en particulier l’attention : seins nus, des femmes bravent la police, rappel d'un épisode épineux de 1992, où des mères de prisonniers politiques descendirent dans la rue pour alerter l’opinion sur les droits bafoués de ces hommes détenus arbitrairement.
Renouvelant sa collaboration avec les beatmakers suisses Hook et GR! elle prend dans ce morceau des allures d’amazone new age invincible. Parée jusqu’à la pointe des cheveux, affichant des tenues glam (combishorts violets associés à des cuissardes noires vernies), la chanteuse célèbre avec ferveur la solidarité féminine et invite à l’émancipation. À la fin du clip, elle dédicace Power à toutes les femmes "qui organisent et résistent à l’oppression, cassent les moules et défient les stéréotypes, créent des chemins et occupent l’espace". La dernière phrase sonne comme les mantras que Muthoni Drummer Queen fait résonner sur scène. "We will not let them erase you", (“nous ne les laisserons pas vous effacer”).
Power, de Muthoni Drummer Queen. Sortie le 05 mars 2020.