“Mon album comprend des basses bien sexy qui groovent” Rencontre avec Soko
Pour Numéro, la chanteuse, compositrice et actrice Soko évoque son nouveau clip “Are You A Magician”, réalisé par Gia Coppola, ses activités pendant le confinement, son combat contre le plastique et sa nouvelle vie de mère.
Propos recueillis par Lolita Mang.
Le soleil vient de se lever lorsque Soko décroche son téléphone depuis sa demeure de Los Angeles. Tout en dégustant quelques cookies au petit-déjeuner, l’actrice et chanteuse nous dévoile ses secrets de confinement, en plus de raconter quelques anecdotes sur son prochain album, Feel Feelings, prévu pour le 12 juin prochain. Jonglant entre plateaux de tournage et studio d’enregistrement, la Française vit à toute allure au beau milieu des collines de Californie. Marionette dans le clip de Being Sad Is Not A Crime, magicienne dans celui de Are You A Magician, danseuse dans La Danseuse de Stéphanie Di Giusto… aucun costume ne l’effraie. Rencontre avec une hippie des temps modernes au rire communicatif.
Numéro: Comment vivez-vous ces temps incertains sous le soleil de Californie ?
Soko: Très bien, je mange des cookies au petit-déjeuner, tout est permis ! Je sors d’un mois un peu difficile car j’ai attrapé le corona. Toute ma famille l’a eu, mon bébé, ainsi que ma copine. Eux ont eu des symptômes moindres, mais moi je l’ai eu de manière assez forte. Maintenant ça va enfin mieux, après avoir pris toutes les vitamines du monde ! Mais se retrouver confinée avec un bébé de un an et demi c’est assez rock n’roll. J’ai la chance d’être avec ma famille, mais c’est un moment difficile pour tout le monde. Je n’ai plus de travail pour l’instant. [Son fils, Indigo, entre dans la pièce] Coucou mon amour ! Comment tu vas ? Je travaille mon coeur, j’arrive tout de suite. Voilà, je suis enfermée dans ma chambre ! Mon confinement ressemble à ça : impossible de travailler ou de faire de la musique, je n’ai pas une seconde à moi. Un petit bébé me suit partout et reste toujours collé à moi…
Mais comment faites-vous pour rester si sereine ?!
S'il a bien dormi la nuit, j’ai une heure quand il fait la sieste. J’en profite pour faire une petite classe de danse, de yoga ou de trampoline. S’il n’a pas bien dormi la nuit, alors je fais la sieste avec lui. C’est une autre manière de m’échapper !
Quand tout sera fini, où vous échapperez-vous, pour de vrai cette fois ?
J’irai courir faire des câlins à tous mes amis !
Et organiser la fête la plus démentielle de tous les temps ?
Ah non, je ne suis pas trop du genre à faire la fête. En fin de compte, ça ne me dérange pas tellement d’être enfermée. C’est plutôt le fait d’être à Los Angeles, où la nature est tout simplement magnifique, et de ne plus pouvoir en profiter. Ce qui me manque le plus, finalement, c’est de ne plus pouvoir aller marcher, de ne pas pouvoir aller à la plage, emmener mon bébé au parc.… C’est ça qui me manque : les petites aventures !
“C’est le moment ou jamais pour que les gens fassent des efforts et que chacun se rende compte que nous sommes tous responsable du bien-être des autres, et de la planète”
Vous faut-il une autorisation de sortie comme à l’école pour barouder dans les rues ?
Aux États-Unis, nous n’avons pas ce système d’autorisations pour pouvoir sortir. Il est simplement recommandé de rester chez soi. Mais les rares fois où j’ai dû sortir pour aller à l’hôpital et pour faire le test, ou encore pour faire les courses, j’ai remarqué qu’il y a encore un monde fou dehors ! Bon, d’accord, tout le monde porte des masques et fait attention – ce qui donne un petit côté apocalyptique –, mais tout de même ! Certains donnent l’impression d’être au-dessus de tout ça…
Vous êtes-vous surprise à faire des choses totalement insolites ?
Oui ! Je n’avais jamais fait de cabanes avec des draps pour mon bébé. On en fait plein ! J’en faisais, évidemment, quand moi-même j’étais petite, mais jamais avec Indigo. Et je fais plein de classes de danse avec ma copine. Et comme tout le monde : on cuisine énormément… Et des choses que l’on ne fait pas habituellement. Par exemple, nous avons un arbre qui fait des kumquats, qui sont des tout petits citrus assez amers. Je me suis mise à faire de la marmelade, alors que je n’en avais jamais fait de ma vie. Ah non, pardon, je me trompe ! Avec ma mère, quand j’étais petite, j’adorais ça. Mais de ma vie d’adulte, ça ne m’était jamais venu à l’idée… Et je vous assure qu’elle est délicieuse ! J’avais trop de pots, alors j’en ai déposé chez des amis qui nous avaient aidé quand nous étions malades en nous amenant à manger. Pour les remercier, on leur a fait des petites cartes avec Indigo et Stella, avec du romarin et les confitures.
Le confinement ne marquerait-il pas le grand retour du collectif ?
Absolument. Il y a des gens à qui je n’avais plus parlé depuis très longtemps qui m’ont appelée lorsque j’étais malade. Parfois, ça faisait plusieurs années qu’on ne s’était plus adressé la parole ! Et pourtant, ils m’ont demandé mon adresse pour m’envoyer des cadeaux.
Cette situation a-t-elle changé votre vision du monde ?
Oui… et non. D’abord, ça a changé mon rapport à certaines personnes qui se sont révélées très égoïstes. Elles refusent de rester chez elles, ne prennent pas la situation au sérieux… Ce sont des personnes que je ne veux plus avoir dans ma vie. Le confinement a mis en lumière certains traits de caractère que je trouve aberrant. Je ne peux plus imaginer que ce sont des gens bien. J’ai perdu toute l’estime que j’avais pour eux. Mais dans un second temps, la situation n’a pas changé ma manière de penser à la planète, ni la nécessité de se rendre compte de notre impact sur elle. C’est quelque chose en lequel j’ai toujours cru, qui est très cher à mon coeur. Je fais attention à toujours avoir des sacs réutilisables dans ma voiture, j’achète moins de plastique, j’achète en vrac, je m’habille avec des vêtements de seconde-main… Je suis végétalienne, c’est aussi un énorme effort pour la planète. C’est le moment ou jamais pour que les gens fassent des efforts et que chacun se rende compte que nous sommes tous responsable du bien-être des autres, et de la planète.
“Mon album comprend des basses bien sexy qui groovent, mais il demeure avant tout vulnérable et sensible dans les textes”
Parlons un peu musique. Le clip récemment sorti de “Are You Magician” a été réalisé par Gia Coppola. Comment est née cette collaboration ?
Nous sommes amies depuis longtemps, et nous avons toujours eu beaucoup d’admiration l’une pour l’autre, à la fois en tant qu’amies, mais aussi en tant qu’artistes. Pour le clip, j’avais une idée, qui était celle de porter cette grande cape Gucci pour incarner un magicien. Il me fallait la bonne personne pour collaborer. Un jour, Gia [Coppola] est venue chez moi pour prendre un thé, et en discutant, je me suis mise à lui parler du clip. Elle s’est exclamée “J’aimerais trop faire un clip avec toi !” J’étais abasourdie, elle qui n’avait jamais le temps ! Nous avons écouté le morceau, et d’un coup, j’ai lancé “J’ai une idée !” et elle a répondu “Moi aussi !” Il se trouve que nos idées étaient parfaitement compatibles. Je voulais, bien avant cette histoire d’isolement, être dans une maison toute seule, où j’aurais besoin de créer ma propre compagnie avec une poupée à laquelle j’essaierai de donner vie, un peu comme Pinocchio. Gia voulait faire plein de tours de magie, à la Georges Méliès. Et puis mon très bon ami Alexis Zabe, qui a été directeur de la photographie pour le film The Florida Project, s’est ajouté à notre duo. En plus de tout cela, il se trouve que je revenais tout juste de la Fashion Week à Paris. Je rêvais de faire des coiffures à la Sailor Moon, mais avec un twist gothique. Maintenant, je me demande si des gens ont tenté de faire la même chose depuis le début du confinement…
Lancez le challenge sur Instagram, ça va cartonner ! L’album est-il à l’image de cet univers ?
Les deux singles que j’ai déjà sortis, Are You A Magician et Being Sad is Not A Crime, représentent bien la couleur de l’album. C’est à dire qu’il y aura beaucoup de batteries sèches, des basses bien sexy qui groovent et plein de riffs de guitare. C’est un album qui sonne très heureux, mais il demeure avant tout vulnérable et sensible dans les textes. Certaines chansons sont plus intimes que d’autres, mais l’ambiance générale est très calme, et un peu ensoleillée.
Ensoleillé ? Ce n’est pas le premier adjectif qui vient en tête quand on pense à votre musique !
Oui… Disons que ça va mieux.
D’ailleurs, vous n’aviez plus sorti d’album depuis 2015. Que s’est-il donc passé ?
Comme je fais à la fois de la musique et du cinéma, j’alterne toujours les deux. Alors, à chaque fois que je termine un album, on vient me voir en me disant : “Ça fait longtemps que tu n’as pas fait de films, tu as disparu !”. Mais pas du tout, j’étais juste occupée autre part. Ces dernières années, j’ai fait plein de films, j’ai fait un bébé, je suis devenue maman…
J’en déduis qu’une fois l'album sorti, vous irez courir pour retourner sur les plateaux de tournage…
Depuis qu’Indigo est né, j’ai déjà fait trois films. Et en ce moment, tous les tournages sont à l’arrêt. C’est plutôt un grand flou, on verra bien !
Souhaitez-vous faire passer un dernier mot ?
Joyeux “earth day” à tous, “go vegan” et “embrace your queerness” !
Feel Feelings [Because Music], disponible à partir du 12 juin.