24 jan 2025

Le grand retour de Mereba, militante irrésistible du R’n’B américain

Le 14 février, la chanteuse Mereba dévoilera The Breeze Grew a Fire, son deuxième album studio. Originaire de Montgomery, dans l’État de l’Alabama, marqué par une histoire profondément liée à l’esclavage, l’artiste américaine explore les thèmes qui la définissent : son identité noire, les conflits de l’histoire, l’amour, et désormais, la maternité. Portrait.

Que nous réserve The Breeze Grew a Fire, le nouvel album de Mereba

Peu d’artistes ont eu la chance de recevoir des conseils de Stevie Wonder en personne. “Prends le contrôle de ta musique,” lui confie-t-il un jour. Ce conseil a peut-être inspiré Mereba, 34 ans, à sortir un second album, The Breeze Grew a Fire, cette fois sous un label indépendant, Secretly Canadian. Quatre ans ont été nécessaires pour façonner cette œuvre de 13 titres, disponible le 14 février. Elle y mêle le jazz de la côte ouest aux sonorités captivantes d’Addis-Abeba, la capitale éthiopienne, pour créer une nu-soul nocturne et minimaliste, sobrement résumée par la pochette de ce disque : explosion de strass et lumières des feux de circulation d’une Amérique insomniaque. Deux extraits sont d’ores et déjà disponibles.

Avant cela, Mereba s’était fait connaître chez Dreamville Records, un label incontournable de hip-hop américain fondé par J. Cole et Ibrahim Hamad. Son travail sur l’album Revenge of the Dreamers III, nommé aux Grammy Awards, ainsi que ses contributions aux bandes originales de la série HBO Insecure et du film Queen & Slim (2019), thriller dramatique réalisé par Melina Matsoukas, ont alors confirmé son talent indéniable.

Depuis longtemps, la musicienne collabore également avec Spillage Village, collectif lançé par le duo d’Atlanta Earthgang, qui réunit des figures influentes du hip-hop tels que JID et 6lack. La musique de Mereba s’inscrit ainsi à la croisée des genres, une folk onctueuse qui s’imprègne lentement du hip-hop de la Géorgie. “Pour cet album, je suis revenue à une approche plus solitaire, explique-t-elle. Je me sentais déconnectée du monde et de moi-même. Qu’est-ce que j’aime ? Qu’est-ce que je veux entendre ? Qu’est-ce que je veux dire aux gens aujourd’hui ?” (AT)

Phone Me (2025) de Mereba, extrait de son album The Breeze Grew a Fire.

Mereba, une artiste résolument militante

Mereba raconte son histoire d’une manière vulnérable et poétique. Il y a quelques années, à travers l’EP Azeb (2021), elle évoquait le traitement des BIPOC (Black, Indigenous, and people of color) au son d’un violoncelle électrique et des guitares de son collaborateur Sam Hoffman, également crédité sur ce nouvel album. Avec des paroles sombres et impitoyables, elle portait alors un regard froid sur la société américaine de son temps : sous le rythme soul de ses vers, elle espèrait “la libération” de la population noire, qu’elle considèrait encore opprimée et sujette à des violences systématisées dans une société raciste.

Mereba voit dans l’écriture “un moyen de traduire ce sentiment d’être étranger dans son propre environnement”. Dès son plus jeune âge, à l’école primaire, dans son Alabama natale, elle imaginait déjà le pouvoir et la puissance libératrice que les mots pouvaient conférer. C’est aussi à ce moment-là qu’elle se met à chanter, à faire du piano. Née en Alabama, elle a grandi à Pittsburgh avant de rejoindre Greensboro en Caroline du Nord, pour ses études. Elle passera également une année en Éthiopie, le pays d’origine de son père. Mais son écriture incisive artistique libératrice est sans doute véritablement née au Spelman College. C’est là en effet que Mereba décide d’achever sa scolarité, revenant à ses racines, à l’alma mater, la mère nourricière. (AS)

Counterfeit (2025) de Mereba, extrait de son album The Breeze Grew a Fire.

Sur les bancs du Spelman College

L’origine de cette université – toujours exclusivement réservée aux femmes aujourd’hui – remonte au 11 avril 1881, dans le sous-sol de l’église baptiste Friendship à Atlanta, en Géorgie. Deux enseignantes, Harriet E. Giles et Sophia B. Packard, décident de fonder une école pour les femmes noires affranchies et illettrées. Dès la première séance, 11 femmes étaient présentes, tentant de surmonter les plaies de leur passé en apprenant l’algèbre, le latin, la rhétorique, l’économie politique, et la Constitution des États-Unis.

Sa musique et ses paroles se sont donc nourries des conversations entre amies sur les bancs de la fac, des subtils dires des professeurs, des premiers livres donnés à lire. En somme, de ces voix qui comptent et demeurent. (AS)

The Breeze Grew a Fire de Mereba, disponible le 14 février.